16ème législature

Question N° 10862
de M. Alexis Corbière (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Seine-Saint-Denis )
Question écrite
Ministère interrogé > Sports, jeux Olympiques et Paralympiques
Ministère attributaire > Sports, jeux Olympiques et Paralympiques

Rubrique > sports

Titre > Les 45 000 bénévoles des jeux Olympiques doivent être rémunérés !

Question publiée au JO le : 08/08/2023 page : 7356
Réponse publiée au JO le : 17/10/2023 page : 9247

Texte de la question

M. Alexis Corbière alerte Mme la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques sur le possible salariat caché des 45 000 futurs bénévoles des jeux Olympiques et Paralympiques 2024 à Paris. Dans moins d'un an, la capitale accueillera des sportifs du monde entier, durant trois semaines, pour les jeux Olympiques. C'est d'ailleurs la Seine-Saint-Denis qui sera le principal hôte des épreuves, département dans lequel le taux de chômage est plus haut de quasiment 3 % que la moyenne nationale, atteignant au premier trimestre 2023 9,8 %. À cette occasion, Paris 2024 vise près de 45 000 volontaires pour aider à son organisation. Selon les mots mêmes du président du comité d'organisation, c'est « le plus grand programme de volontaires organisé en France, c'est un vrai défi collectif ». La phase de sélection ouverte en mars 2023 et qui pourrait largement s'apparenter à une méthode de recrutement tant elle est dense, durera jusqu'à l'automne, où les réponses seront données aux 300 000 candidats ayant postulé. Pour cette sélection, il fallait par exemple indiquer son niveau d'études ou encore celui en langues puis répondre à un long questionnaire de plus de 90 questions, servant à évaluer la motivation des postulants. Pour les 45 000 volontaires « heureux élus », débutera alors une formation intensive au premier semestre 2024. D'après les documents officiels des JO 2024, les bénévoles seront amenés à travailler entre huit et dix heures par jour, six jours sur sept, sans rémunération et sans prise en charge de leurs frais de transport pour monter sur Paris ou d'hébergement éventuels. Ne seront payés que les frais de transports en commun locaux alors là même que, dans ce contexte d'inflation et d'augmentation du coût des logements à Paris en prévision des Jeux, se loger relèvera quasiment du parcours du combattant ! Enfin, ces bénévoles n'auront pas droit à des quelconques réductions ou même un billet gratuit pour assister à une épreuve. Ultime étape pour enfin être accrédités, une enquête administrative des services de l'État sera menée pour chacun d'entre eux. Ces personnes engagées pour le bon déroulement de ces Olympiques seront subordonnées, amenées à recevoir des ordres de supérieurs hiérarchiques, devant respecter des horaires précis ainsi que des missions stipulées par des fiches de postes. Enfin, ces volontaires seront à la disposition totale du Comité d'organisation des jeux Olympiques, exécutant leurs sollicitations et se conformant à leurs directives. Or tous ces éléments réunis sont un faisceau d'indices menant à un salariat supposé. À cela, il faut ajouter les nombreux « services civiques » aux statuts ambigus et mis à disposition du COJOP pour prôner les valeurs olympiques dans tout le territoire, à travers le programme « Génération 2024 ». Enfin, des entreprises privées comme l'entreprise suisse d'horlogerie Omega, qui chronomètre les Jeux depuis 1932 et liées aux jeux Olympiques par des contrats, pourront s'appuyer sur l'aide de bénévoles, c'est-à-dire une main-d'œuvre gratuite et corvéable. Dans le cas d'Omega, il est en effet inscrit dans la charte des bénévoles publiée par le comité olympique, que quatre types de missions se feront « sous la supervision des équipes d'Omega » : opérateur tableau d'affichage, statisticien, opérateur chronométrage et notation et équipier ». C'est donc en mobilisant des bénévoles qu'Omega peut s'afficher comme le chronométreur officiel des Jeux, jouissant à cet égard d'une campagne publicitaire à moindres frais mais aussi d'un régime fiscal plus qu'avantageux. Celui-ci a été voté dans un article du PLF 2020, permettant à l'horloger suisse de ne pas être « redevable des impositions au titre des rémunérations perçues du comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques », d'après le rapport relatif à l'effort financier public dans le domaine du sport, publié en annexe du projet de loi de finances pour 2023. C'est donc d'une pierre, deux coups pour l'entreprise qui disposera d'une exonération de quatre millions d'euros, sans avoir à débourser un euro pour les statisticiens et autres opérateurs bénévoles, qui travailleront pourtant pour elle. D'autres entreprises privées ont même trouvé un moyen de se faire une belle publicité grâce aux JO, comme Sanofi par exemple, qui a prévu d'affecter plus de 2 000 salariés comme « bénévoles » complémentaires, à une condition : qu'ils portent un maillot avec des produits Sanofi. Ces volontaires-salariés serviront donc de panneau publicitaire humain, sans frais, pour leur entreprise. Oui, le bénévolat joue un rôle clé dans l'organisation d'évènements, dans le milieu associatif ou dans le milieu sportif, notamment pour des petites structures disposant de moyens réduits. Mais ce que proposent les jeux Olympiques est à une tout autre échelle, du fait notamment de l'argent dont dispose le puissant comité d'organisation, ainsi que les nombreux sponsors qui participent au financement de l'évènement. De plus, avec un emploi du temps extrêmement chargé, sans réelle pause ou possibilité d'avoir du temps personnel libre, avec une stricte définition des tâches, des objectifs à remplir et un fort lien de subordination, cela s'apparenterait plus à un travail, qu'à un « don » consenti de son temps pour les volontaires. Ces jeux Olympiques ne doivent pas être une zone de non-droit du travail, où celui-ci est allègrement outrepassé et où les bénévoles n'auront pas la capacité de se défendre, sous prétexte que ce serait un moment incroyable et unique dans leur vie que de participer à ce grand évènement sportif, tout aussi gigantesque pour son côté lucratif. Est-ce pour Mme la ministre cette image que la France doit projeter, lorsqu'elle parlait récemment sur France Inter du « vrai projet pour notre pays [ ] qui est audacieux, qui est confiant en lui-même et qui est conquérant » ? Le droit du travail doit être respecté, partout sur le territoire et tout le temps : Paris 2024 ne peut être exempté de cette obligation. De plus, l'inspection du travail doit pouvoir agir et intervenir en toute transparence sur les différents sites pour effectuer des contrôles, afin d'éviter tout abus. Il est indécent qu'un tel évènement ne repose quasiment que sur des bénévoles. Sans ces volontaires, les Jeux ne pourraient se tenir. Ces bénévoles vont effectuer des tâches salariales sur la plage horaire maximale légalement autorisée par le droit du travail français. En conséquence, ils doivent être considérés comme des salariés et donc rémunérés décemment. M. le député demande donc solennellement à Mme la ministre d'appuyer la requalification de ces 45 000 bénévoles comme salariés, sous contrat, afin qu'ils puissent percevoir un salaire honnête au vu de leurs fonctions et tâches réelles. Tout travail mérite salaire, d'autant plus lorsque l'on sait que rémunérer a minima au SMIC horaire brut tous ces bénévoles ne coûterait même pas 1 % du budget total des jeux Olympiques de Paris, qui s'élève aujourd'hui à 8,8 milliards d'euros ! Il souhaite connaître ses intentions à ce sujet.

Texte de la réponse

L'appel à des volontaires est à la fois une nécessité et le fruit d'une longue tradition qui se perpétue depuis toutes les éditions antérieures des jeux Olympiques et Paralympiques. Le volontariat est d'ailleurs au cœur du modèle sportif français. Les volontaires accompagnent la pratique sportive encadrée de plus de 16 millions de personnes au sein de 160 000 associations sportives en France. Ils participent à l'organisation de très nombreux événements sportifs en France, de la compétition pour amateurs aux plus grandes épreuves sportives internationales (cette année la Coupe du monde de rugby ou encore les championnats du monde de para athlétisme). Le comité d'organisation aux jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 (COJO) a souhaité mobiliser et valoriser en priorité toutes les personnes engagées bénévolement et qui jouent déjà un rôle crucial au sein de leur association sportive. Paris 2024 a engagé un important travail en lien avec les fédérations sportives pour proposer cette expérience à leurs bénévoles. Pour autant, le comité d'organisation mobilisera également des personnes qui veulent s'engager pour la première fois et contribuer à la réussite du plus grand événement sportif mondial. Comme cela est souligné, l'appel à candidatures ouvert par Paris 2024 au mois de mars dernier a connu un grand succès puisque plus de 300 000 personnes ont postulé. Candidater au programme des volontaires n'est pas une obligation, c'est une opportunité supplémentaire de vivre les Jeux en y participant directement. Fruit d'un travail collectif initié en janvier 2020 sous l'égide de la Délégation interministérielle aux jeux Olympiques et Paralympiques (DIJOP), la charte des volontaires du COJO, a été publiée en septembre 2021 sur son site après validation par les services de l'Etat (ministères chargés du travail, de l'éducation nationale et de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, de la justice, de la santé, de l'économie, de la culture et des transports). Ce texte, élaboré, conformément aux dispositions de l'article 8 de la loi olympique n° 2018-202 du 26 mars 2018, expose les droits, devoirs, garanties, conditions de recours, catégories de missions confiées et conditions d'exercice qui s'appliquent, en vertu des dispositions législatives et réglementaires et de la jurisprudence en vigueur, aux volontaires bénévoles appelés à participer à la promotion, à la préparation, à l'organisation ou au déroulement des Jeux olympiques et des Jeux paralympiques de 2024. La charte a également été présentée aux partenaires sociaux de la Charte sociale et au Comité d'éthique de Paris 2024 (au sein duquel siège un député).  L'exercice des missions de volontariat aux Jeux de Paris 2024 s'effectuera donc dans un cadre extrêmement précis et encadré, qui exclut notamment toutes les missions pouvant présenter un risque. Par exemple, aucune mission liée à la sécurité ou présentant un caractère pénible ne pourra être confiée à un volontaire. En matière de durée maximale de mobilisation et de repos,  la Charte fixe les conditions suivantes :  Un volontaire ne pourra être mobilisé plus de 10 heures par jour (ce plafond a été fixé dans la charte quand bien même aucune règle juridique relative à la durée des missions des bénévoles n'est applicable en France) ; Lui seront garanties 11 heures consécutives de repos minimum après une journée de mobilisation ; Les missions ne pourront débuter avant 5 heures du matin et ne pourront se terminer après 2 heures du matin (sauf très rares exceptions, et dans ce cas, le volontaire se verra attribuer un jour franc de récupération après mobilisation). En outre, les volontaires étant bénévoles, ils ont la possibilité de cesser leur mission à tout moment. Par ailleurs, Paris 2024 n'a pas demandé le niveau d'études dans le formulaire de candidature. Un programme de formation adapté permettra aux bénévoles de préparer au mieux les volontaires à leur mission. Il sera en moyenne de 8 heures. S'ils ne sont pas rémunérés, les volontaires bénéficieront de la prise en charge de leur repas, ainsi que du titre de transport pour se rendre sur le lieu d'exercice de leur mission. Ils se verront également remettre un uniforme par Décathlon, partenaire du COJO. Pour mémoire, Paris 2024 est aussi une association, qui ne fait pas de bénéfice. Le bénévole s'engage donc en toute connaissance de cause et librement pour mener une action non salariée en direction d'autrui, en dehors de son temps professionnel et familial. En conséquence, il participe à l'activité de l'organisme gratuitement sans en recevoir aucune rémunération, ni compensation, sous quelques formes que ce soit, espèces ou nature à l'exception des remboursements de frais conformément au droit social. Les avantages délivrés par le COJO respectent ces dispositions et celui-ci ne peut donc rembourser des frais de déplacement ne relevant pas de la mission du volontaire. Par ailleurs, les canaux de recrutement des volontaires de Paris 2024 sont diversifiés : programme grand public, mais aussi collectivités locales des territoires hôtes ou inscrites dans les programmes d'engagement, fédérations nationales olympiques et paralympiques, qui pourraient être sollicitées pour contribuer à la prise en charge des frais de déplacement et d'hébergement des volontaires, qui ont effectivement vocation à représenter tous les territoires. En outre, il convient de noter que les volontaires ne seront pas seulement déployés à Paris ou sur les différents sites franciliens, mais aussi dans l'ensemble des villes concernées par les compétitions olympiques : Marseille, Nice, Bordeaux, Lyon, Saint-Etienne, Nantes, Lille et Châteauroux. Leurs missions s'exercent toujours sous la responsabilité de salariés disposant des compétences requises. Enfin, pouvoir faire état d'une expérience réussie de volontariat olympique ou paralympique constitue assurément, en particulier pour les jeunes, un atout en vue d'une insertion professionnelle, puisqu'elle est un gage de civisme, d'engagement et de capacité à s'insérer au sein d'une équipe. S'agissant d'Omega, partenaire mondial du Comité International Olympique (CIO), cette société est, à ce titre, un financeur important des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. La dérogation fiscale évoquée doit donc s'appréhender au regard de la contribution financière et technique assurée par cette société en vue du bon déroulement des Jeux. Les volontaires qui évolueront aux côtés des équipes Omega seront coordonnés par celles du programme des volontaires et par la direction des sports de Paris 2024. Ils réaliseront des missions habituellement confiées à des bénévoles au sein du mouvement sportif français. De même, pour Sanofi ou d'autres partenaires financiers du COJO, leur exposition publicitaire, prévue à l'article 5 de la première loi précitée portant organisation des JOP 2024, est un droit qu'ils peuvent exercer en contrepartie de leur qualité de « partenaire des Jeux ». En tant que partenaire, Sanofi a eu la possibilité de proposer des candidats à Paris 2024 pour être volontaires pendant les Jeux. Ceux qui seront sélectionnés en tant que volontaires de Paris 2024 porteront le même uniforme que tous les autres volontaires, sans possibilité de mettre en avant la marque Sanofi. Paris 2024 s'est fixé pour objectif de lever environ 1,2 milliard d'euros de recettes de partenariat, afin d'équilibrer le budget des Jeux. En l'absence de ces ressources, le coût des JOP de 2024 pour les spectateurs ou les contribuables s'en trouverait considérablement alourdi.