16ème législature

Question N° 10918
de M. Philippe Latombe (Démocrate (MoDem et Indépendants) - Vendée )
Question écrite
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > arts et spectacles

Titre > Aides à la création artistique

Question publiée au JO le : 22/08/2023 page : 7622
Réponse publiée au JO le : 19/03/2024 page : 2117
Date de changement d'attribution: 12/01/2024

Texte de la question

M. Philippe Latombe alerte Mme la ministre de la culture sur les aides versées aux artistes. Les dépenses consacrées à la création artistique ont, en toute logique, vocation à favoriser la diversité musicale, les nouveaux talents et les projets innovants et donc à aider les jeunes artistes en quête de notoriété. 25 % des sommes collectées au titre de la redevance pour copie privée (RCP) contribuent ainsi, selon le ministère de la culture « au dynamisme culturel et au développement de l'activité créatrice en France » et sont « dédiés à des actions d'intérêt culturel ». Or en 2021, les cinq aides aux montants les plus élevés ont été attribuées à des artistes bien connus du grand public. La carrière posthume d'une star nationale a elle aussi été généreusement subventionnée entre 2019 et 2022. La Cour des comptes s'en émeut à juste titre dans le rapport annuel de juin 2023 de la commission de contrôle de gestion des droits d'auteur et droits voisins, soulignant la perte de sens du système, puisque la majeure partie des subventions arrive directement dans la poche d'artistes confirmés. La commission, dans ses recommandations 12 et 13, préconise d'ailleurs de « réduire la part du budget d'action artistique et culturelle consacrée à des projets portés par des artistes confirmés » et « de clarifier et formaliser les critères utilisés pour l'attribution des aides à la fois en matière de rejet et de taux de prise en charge ». Il souhaite savoir comment il compte prendre en compte ces justes préconisations et redonner ainsi du sens à un système qui s'est dévoyé.

Texte de la réponse

L'article L. 324-17 du code de la propriété intellectuelle (CPI) dispose que les organismes de gestion collective (OGC), qui perçoivent la rémunération pour copie privée et la répartissent ensuite à leurs membres, doivent consacrer 25 % de cette rémunération à des actions d'intérêt général d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant, au développement de l'éducation artistique et culturelle et à des actions de formation des artistes. Cet article prévoit également que les organismes de gestion collective doivent affecter à ces actions artistiques et culturelles la totalité des sommes perçues en application des articles L. 122-10, L. 132 20-1, L. 214-1, L. 217-2 et L. 311-1 du CPI et qui n'ont pu être réparties, soit en application des conventions internationales auxquelles la France est partie, soit parce que leurs destinataires n'ont pas pu être identifiés ou retrouvés dans un délai de 5 ans à compter de leur perception. Les sommes dites « irrépartissables » ici visées sont celles qui sont liées à la rémunération équitable (diffusion de la musique dans les lieux publics, à la télévision et à la radio), ainsi qu'à certains droits mis en gestion collective obligatoire par la loi (reprographie, droit de prêt public, etc.). Certains budgets d'action culturelle bénéficient également de l'apport de sommes volontaires, ne relevant pas de la copie privée mais des budgets généraux des organismes de gestion collective, et votés par leur assemblée générale. Les sommes ainsi mobilisées par les organismes de gestion collective contribuent au financement de plus de 10 000 projets culturels (festivals, manifestations littéraires, réalisation de documentaires, production de films, créations d'album, résidences d'artistes, bourses d'écriture, ateliers et spectacles pour enfants, etc.). L'action culturelle permise par cette attribution fait l'objet d'une transparence accrue, notamment par le biais de la publication de la liste des projets soutenus via le site « aidescreation.org ». Le rapport annuel de la commission de contrôle des organismes de gestion collective pour l'année 2023 s'attache à examiner les conditions dans lesquelles les budgets d'action culturelle sont utilisés par les organismes de gestion collective des droits des producteurs de phonogrammes. Il relève, à cet égard, une forte concentration des budgets au profit de producteurs et d'artistes installés, dont l'équilibre économique ne paraît pas nécessiter de soutien particulier. En dépit des considérations économiques avancées par les producteurs de phonogrammes afin de justifier cette pratique, il convient de rappeler que l'objectif « d'aide à la création » posé par le législateur à l'article L. 324-17 du CPI implique une sélectivité particulière et une exigence de redistribution, notamment en direction des jeunes talents, objectifs qui ne sont pas totalement satisfaits lorsque ces aides sont affectées à des projets portés par des artistes confirmés. Il appartient donc aux producteurs de phonogrammes de veiller, en écho aux préconisations de la commission et sous son contrôle, à mieux concilier la finalité des dispositions législatives et les motivations économiques qui fondent le système d'affectation actuel. Le rapport de la commission effectue toutefois un autre constat, tenant à une chute importante des ressources disponibles issues des droits non répartissables, sous l'effet de la crise sanitaire et, surtout, de l'arrêt rendu le 8 septembre 2020 par la Cour de justice de l'Union européenne (Recorded Artists Actors Performers Ltd/Phonographic Performance (Ireland) Ltd e.a., C-265/19). Les budgets d'action artistique et culturelle, qui avaient fortement progressé au cours des années précédentes, se sont ainsi retrouvés amputés de plus d'un quart en 2021 par rapport à 2018. Aucune solution ne se dégage aujourd'hui au plan européen à ce sujet, malgré la forte implication des autorités françaises, notamment au sein du Conseil de l'Union européenne et de ses instances techniques. Dans ce contexte particulier, il convient d'éviter toute mesure de nature à fragiliser cette contribution importante et significative à la vitalité artistique et à la diversité culturelle en France.