Question écrite n° 10954 :
Urgence pour la santé mentale et psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent

16e Législature

Question de : M. Stéphane Lenormand
Saint-Pierre-et-Miquelon (1re circonscription) - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires

M. Stéphane Lenormand alerte M. le ministre de la santé et de la prévention sur le besoin d'une refondation du système de soin en santé mentale et psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent. En effet, l'ensemble des professionnels des soins psychiques de l'enfance, réunis pour former l'Appel de Toulouse datant de 2 juin 2023, soulignent la situation urgente face à laquelle sont confrontés les services de santé psychiatrique de l'enfance. D'après le rapport de la Cour des comptes datant de mars 2023, en France, 1,6 million de mineurs présentent un trouble psychique caractérisé et nécessitent des soins adaptés. Néanmoins, seuls 750 000 à 850 000 d'entre eux bénéficient de soins, mais le plus souvent dans des conditions dégradées et précaires au regard des recommandations de bonnes pratiques. De plus, selon l'Organisation mondiale de la santé, la moitié au moins des troubles psychiatriques à fort potentiel de chronicité débutent avant l'âge de 14 ans. L'impossibilité actuelle de délivrance de soins présente donc de lourdes conséquences en matière de pronostic de santé mentale et de développement. De ce fait, les professionnels de l'appel de Toulouse alertent le Gouvernement sur la carence de l'État en matière de respect de la Convention internationale des droits de l'enfant concernant la santé mentale et sur la nécessité de prendre des mesures fortes, structurelles et budgétaire, à la hauteur des enjeux. Plus précisément, ils font part de la nécessité du doublement des capacités d'accueil et de soin sur tout le territoire. Ces alertes concernent d'autant plus les territoires des outre-mer, où les soins et la mise à niveau de la psychiatrie ultramarine avec des moyens budgétaires et humains inférieurs à ceux de l'hexagone, restent un véritable défi de la santé publique. Un sujet presque tabou et délicat à aborder dans des petits territoires, comme à Saint-Pierre et Miquelon qui bénéficie d'un seul psychologue et espère des nouveaux professionnels de santé spécialisés dans ce domaine. Alors que le Gouvernement a annoncé dans sa feuille de route « santé mentale et psychiatrie » de janvier 2022 le soutien de 87 projets pour renforcer la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, dont 24 projets pour la psychiatrie périnatale, les résultats manquent à l'appel. De ce fait, il lui demande de quelle manière urgente le Gouvernement compte répondre à ces alertes qui laissent entrevoir un potentiel état de crise à venir.

Réponse publiée le 7 novembre 2023

La promotion de la santé mentale fait partie des priorités de la politique menée par le Gouvernement. Dès juin 2018, et en cohérence avec les objectifs de la stratégie nationale de santé, le Gouvernement a adopté une Feuille de route santé mentale et psychiatrie organisée autour des 3 piliers de la prévention, du parcours de soins et de l'insertion sociale, déclinés sur 37 actions concrètes. Elle a été enrichie en 2020 par des mesures complémentaires du Ségur de la santé, et en 2021 par les 30 mesures annoncées aux Assises de la santé mentale et de la psychiatrie. Elle est par ailleurs actualisée tous les ans. Concernant la prévention, les actions visent à promouvoir le bien-être mental, prévenir et repérer précocement la souffrance psychique et prévenir le suicide. Les principales mesures sont : - la création du dispositif « MonSoutien Psy », qui permet un accès, dès l'âge de 3 ans, à une prestation d'accompagnement psychologique pour des troubles d'intensité légère à modérée, avec huit séances par an, réalisées par un psychologue en ville, prises en charge par la Sécurité sociale. Ce dispositif permet d'améliorer l'accès aux soins en santé mentale tout en permettant aux psychologues de ville de s'inscrire dans le parcours de soins des patients en souffrance psychique d'intensité légère à modérée. Il répond à un réel besoin de la population. Plus de 2 500 psychologues ont rejoint le dispositif et sont conventionnés. Depuis le lancement du dispositif en avril 2022, plus de 190 000 personnes ont pu bénéficier d'une prise en charge psychologique remboursée. Pour cela, les patients doivent disposer d'un courrier d'adressage attestant l'orientation vers le psychologue par un médecin. L'adressage se fait entre professionnels médicaux, entre professionnels paramédicaux et entre professionnels médicaux et paramédicaux afin d'améliorer le parcours du patient, dont la santé et le mieux-être sont les principales préoccupations. Il ne s'agit pas d'une prescription. Il est par ailleurs envisagé, dans le cadre des débats autour du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023, de faciliter l'adressage vers ce dispositif par les professionnels de la médecine scolaire. Il convient également de noter qu'au vu des enjeux en termes de qualité des soins et d'articulation entre les différents dispositifs spécialisés déjà en place, des travaux sont encore nécessaires sur le parcours de prise en charge pour des patients présentant des critères de gravité plus importants. Des réflexions ont par ailleurs cours entre le ministère de la Santé et de la Prévention et le ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche concernant l'évolution de la formation des psychologues ; - le déploiement d'une stratégie nationale de prévention du suicide ayant pour objectif la mise en œuvre de façon coordonnée, synergique et territorialisée d'un ensemble d'actions intégrées : maintien du contact avec la personne qui a fait une tentative de suicide (programme VigilanS), formations au repérage, à l'évaluation du risque suicidaire et à l'intervention de crise auprès des personnes en crise suicidaire, actions ciblées pour lutter contre la contagion suicidaire, information du public… A ce titre, un numéro national gratuit de prévention du suicide, le 3114, est accessible 24H/24 et 7J/7 sur l'ensemble du territoire français pour apporter une réponse téléphonique à toute demande en rapport avec les idées et conduites suicidaires, qu'elle émane de la personne suicidaire, de son entourage, de professionnels ou de personnes endeuillées par un suicide ; - le renforcement du réseau des Maisons des adolescents (MDA), avec l'engagement de créer une MDA dans chaque département. Dans le même temps, une expérimentation « Maison de l'enfant et de la famille » a été mise en place dans trois départements volontaires et a débuté le 10 juin 2023. Elle permettra d'améliorer la coordination de la santé des enfants âgés de 3 à 11 ans. Cette structure participera notamment à l'amélioration de l'accès aux soins, à l'organisation du parcours de soins, au développement des actions de prévention, de promotion de la santé et de soutien à la parentalité, ainsi qu'à l'accompagnement et à la formation des professionnels en contact avec les enfants et leurs familles ; - l'organisation d'une communication grand public régulière sur la santé mentale, incluant la création d'un site Internet dédié. Cette action, confiée à Santé publique France (SpF), vise à informer le grand public sur la santé mentale et à lutter contre la stigmatisation. De mars à juin 2022, SpF a repris et renforcé la campagne de 2021 à destination des jeunes : #JenParleA. Un dispositif de communication pérenne sur la santé mentale sur les cinq prochaines années est également en cours de déploiement ; - l'amplification du déploiement du secourisme en santé mentale dans tous les milieux, dont les trois fonctions publiques, et la poursuite de ce déploiement auprès des étudiants. Cette formation permet de lutter contre la stigmatisation des troubles de santé mentale, renforce l'entraide dans une logique d'intervention par les pairs et facilite le repérage des troubles psychiques ou des signes précurseurs de crise. Fin octobre 2023, plus de 75 000 secouristes avaient déjà été formés, soit plus que la cible de 60 000 qui avait été fixée pour fin 2023 ; - la définition d'une stratégie multisectorielle de déploiement des compétences psychosociales, adoptée par sept ministères. Les compétences psycho-sociales (CPS) contribuent à développer l'empathie, la relation d'aide, la gestion des émotions et la communication non-violente favorisant le bien-être mental, physique et social. Cette stratégie multisectorielle fixe un objectif générationnel : que les enfants nés en 2037 soient la première génération à grandir dans un environnement continu de soutien au développement des CPS. Elle définit pour les 15 prochaines années un cadre commun à tous les secteurs, incluant les étapes et les moyens à mobiliser, et prévoit une déclinaison opérationnelle au travers de feuilles de route pour chaque secteur, par période de 5 ans ; - enfin, en termes de renforcement des ressources humaines, l'augmentation de 400 agents en équivalent temps plein sur les effectifs des centres médico-psychologiques infanto-juvéniles, le recrutement de 400 autres agents en équivalent temps plein sur les effectifs des centres médico-psychologiques adultes en 2022-2024, le renforcement du nombre de psychologues dans les maisons de santé et centres de santé et l'extension du dispositif aux enfants et adolescents à partir de 3 ans. Dans les prochains mois, le Conseil national de la refondation santé mentale, annoncé par le président de la République, sera plus largement le moment, dans un cadre pluripartite, d'identifier les initiatives territoriales qui ont des résultats positifs et de travailler sur l'innovation en santé mentale.

Données clés

Auteur : M. Stéphane Lenormand

Type de question : Question écrite

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : Santé et prévention

Ministère répondant : Santé et prévention

Dates :
Question publiée le 22 août 2023
Réponse publiée le 7 novembre 2023

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