Baisse du niveau de prise en charge des contrats d'apprentissage
Question de :
Mme Karine Lebon
Réunion (2e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine - NUPES
Mme Karine Lebon appelle l'attention de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur les risques engendrés par une nouvelle baisse du niveau de prise en charge des contrats d'apprentissage. Afin d'assurer le développement de l'apprentissage et de soutenir sa montée en charge au profit des jeunes et des entreprises, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel confie aux branches professionnelles la mission de déterminer les niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage en prenant en compte les recommandations de France compétences. Ces recommandations devraient normalement assurer la convergence des niveaux de prise en charge pour une même certification et garantir la meilleure adéquation possible entre les coûts de formation constatés dans les centres de formations d'apprentis et les montants qui leur sont attribués pour chaque contrat par les opérateurs de compétences. Or, on constate que les travaux de France compétences sur la comptabilité analytique des CFA ont mis en lumière une surévaluation des niveaux de prise en charge par rapport aux coûts réels de formation. En effet, alors que les chiffres de l'apprentissage ne cessent d'augmenter depuis plusieurs années, le conseil d'administration de France compétences a recommandé le 17 juillet 2023 de diminuer une nouvelle fois le niveau de prise en charge des contrats d'apprentissage de 5 % au 1er septembre 2023. Au regard des enjeux concernant la formation des jeunes et le niveau de l'emploi pour nombre de métiers en tension dans l'artisanat, les évolutions budgétaires doivent être décidées à l'aune des objectifs de la politique d'apprentissage comme de l'évaluation de ses effets réels sur l'offre et la qualité de la formation. La méthode et le calendrier appliqués aujourd'hui par France compétences ne satisfont nullement à l'exigence d'une vision stratégique destinée à répondre aux objectifs d'insertion professionnelle des jeunes ni aux besoins des métiers en tension dans l'artisanat. En effet, la méthode de calcul actuellement retenue ne prend pas en compte de nombreux coûts supportés par les CFA, des dépenses pourtant inhérentes aux caractéristiques des formations délivrées et des publics visés et qui ont connu une forte hausse en raison de l'augmentation des prix de l'énergie et des matières premières. Ainsi, cette nouvelle baisse du niveau de prise en charge des contrats d'apprentissage ne participerait pas de l'objectif du Gouvernement de garantir à chaque CFA le juste financement de la formation des jeunes qu'ils accueillent, de soutenir durablement l'alternance et de permettre à chaque jeune qui le souhaite de s'engager dans cette voie de formation gratuitement. Pire, elle ferait peser une menace bien réelle sur la pérennité de nombreux CFA et sur la qualité des formations dispensées. C'est pourquoi elle l'alerte sur les dangers que constituerait la prise de l'arrêté visant à la baisse des coûts contrats et lui demande ce qu'il compte mettre en œuvre pour ouvrir une réflexion collective sur une réforme du financement de l'apprentissage afin de répondre aux objectifs de toutes les parties prenantes.
Réponse publiée le 7 novembre 2023
L'apprentissage constitue une réponse efficace et concrète aux tensions de recrutement que rencontrent de nombreuses entreprises partout sur le territoire, y compris dans le secteur de l'artisanat, historiquement porté sur cette voie d'entrée dans les métiers. Depuis 2018, le Gouvernement a considérablement favorisé son développement, en lui consacrant des moyens exceptionnels. D'abord pour les jeunes bien sûr, à travers la garantie d'une formation gratuite et de qualité, mais également pour toutes les entreprises, notamment les TPE-PME, à travers la création d'une aide à l'embauche d'alternants, qui permet de maintenir une dynamique d'entrée en apprentissage importante dans notre pays. Conformément à la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, l'Etat, grâce à son opérateur France compétences, est chargé d'assurer un travail de régulation des niveaux de financement de l'apprentissage, afin d'en assurer la pérennité et de garantir un usage efficient des fonds mutualisés des entreprises. Ce travail de régulation repose sur l'analyse annuelle des données de la comptabilité analytique des Centres de formation d'apprentis (CFA), qui permet de déterminer les coûts réels de formation, afin d'en adapter le niveau de financement. A ce titre, il est de la responsabilité des pouvoirs publics, et notamment de la mission de régulation de France compétences, de garantir un juste niveau de financement au regard des coûts réels constatés. La baisse des niveaux de prise en charge ne s'inscrit donc pas dans une logique stricte d'économie mais bien dans une démarche de fixation du juste prix, en responsabilité vis-à-vis de nos finances publiques. De fait, la méthode de régulation mise en place lors de cet exercice prend en compte les effets de l'inflation (de 5,2 % en 2022 selon l'Insee), puisqu'afin de fixer sa valeur maximale recommandée, France compétences a appliqué à l'ensemble des coûts moyens de formation constatés dans les CFA et par certification, une hausse de 10 %. Aucune baisse n'est intervenue en dessous de cette valeur. A cette première garantie quant à la préservation des équilibres économiques des CFA est venue s'ajouter une seconde garantie, puisqu'il a été acté que, pour les niveaux de prise en charge définis par les branches, l'Etat n'imposerait aux branches aucune baisse au-delà de 10 % pour une formation donnée, et ce même si pour certaines formations, les écarts constatés excédaient largement ce taux. Dans le respect de ces principes, le référentiel de France compétences organise une diminution de 5% en moyenne des niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage conclus à compter du 8 septembre 2023. En complément, le Gouvernement a souhaité préserver la capacité de l'appareil de formation à former des apprentis sur les métiers transverses, sur lesquels les branches professionnelles avaient été peu nombreuses à proposer des valeurs, et auxquelles étaient appliquées les valeurs de carence, dont certaines accusaient des baisses importantes. Parce que ces métiers sont essentiels au développement économique de nombreuses entreprises [dont celles de l'artisanat], le Gouvernement a réhaussé les valeurs de carence en limitant la baisse au maximum à 10 % par rapport aux valeurs de 2022. De surcroît, le Gouvernement est conscient que la complexité que revêt le système de régulation budgétaire de l'apprentissage ne favorise pas une prévisibilité et une stabilité optimale pour le développement de l'appareil de formation en apprentissage. C'est en ce sens que celui-ci est ouvert au dialogue avec les acteurs de l'apprentissage dont les réseaux représentants des CFA, et notamment les chambres des métiers et d'artisanat, afin d'envisager les pistes d'amélioration de ce processus. Une large consultation sera organisée en ce sens à la fin de l'année 2023. Ainsi, le Gouvernement maintient-il son engagement majeur en faveur de l'apprentissage, tout en conduisant des mesures en faveur de la rationalisation du fonctionnement des centres de formation des apprentis qui participent à l'objectif de soutenabilité budgétaire du système de financement de l'alternance, gage de sa pérennité, avec pour objectif d'atteindre un million de nouveaux apprentis par an dans notre pays d'ici la fin du quinquennat.
Auteur : Mme Karine Lebon
Type de question : Question écrite
Rubrique : Formation professionnelle et apprentissage
Ministère interrogé : Travail, plein emploi et insertion
Ministère répondant : Enseignement et formation professionnels
Dates :
Question publiée le 29 août 2023
Réponse publiée le 7 novembre 2023