16ème législature

Question N° 11381
de Mme Alexandra Martin (Gironde) (Renaissance - Gironde )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > état civil

Titre > Conservation du nom d'usage en cas de veuvage précoce

Question publiée au JO le : 19/09/2023 page : 8239
Réponse publiée au JO le : 24/10/2023 page : 9464

Texte de la question

Mme Alexandra Martin (Gironde) attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'impossibilité pour l'époux survivant de conserver son nom d'usage en cas de remariage. En vertu de l'article 225-1 du code civil, chacun des époux peut porter, à titre d'usage, le nom de l'autre époux, par substitution ou adjonction à son propre nom dans l'ordre qu'il choisit, dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux. Toutefois, en cas de décès de l'un des époux, les textes sont silencieux sur le devenir du nom. C'est en vertu d'une coutume établie qu'il est admis que le décès du conjoint reste sans effet sur le nom du survivant qui peut continuer à porter le nom du défunt. En revanche, en cas de remariage, il est demandé au conjoint survivant d'abandonner le nom d'usage issu de son premier mariage. Cette situation peut poser des difficultés en cas de veuvage précoce. En effet, cela contraint certaines personnes à choisir entre le nom de leur premier époux, qui est également le nom de leur enfant issu du premier mariage, et le nom du second époux et des enfants issus de la nouvelle union. Or, contrairement au divorce, les personnes n'ont pas fait le choix de la séparation et cette contrainte peut s'avérer être une douleur supplémentaire. Ainsi, elle l'interroge sur l'opportunité de faire évoluer cette coutume et permettre au conjoint survivant de conserver le nom issu de la première union dans le cas d'un second mariage.

Texte de la réponse

En principe, le droit à l'usage du nom du conjoint survit à la dissolution du mariage par décès, tandis qu'à la suite du divorce, chacun des époux perd le droit d'usage du nom de son conjoint. Néanmoins, l'un des époux peut conserver l'usage du nom de l'autre, soit avec l'accord de celui-ci, soit avec l'autorisation du juge, s'il est justifié d'un intérêt particulier pour le requérant ou pour ses enfants (article 264 du code civil). Le remariage entraîne la possibilité d'user du nom de son nouveau conjoint. Aussi, la jurisprudence majoritaire considère que la personne divorcée qui a conservé l'usage du nom de son conjoint perd le droit d'user de ce nom lorsqu'elle se remarie, considérant que le remariage d'un époux divorcé met fin à l'autorisation antérieure d'usage du nom du premier conjoint. Toutefois, certaines décisions admettent la conservation du nom d'usage en cas de remariage, notamment lorsqu'il est justifié d'un intérêt professionnel (voir en ce sens : TGI Paris, 3 septembre 1996 : JurisData N°1996-046412 ; CA Pau, 29 mars 2004, n° 03/00705 : JurisData n° 2004-240618 ; CA Saint-Denis de la Réunion, 7 juin 2011, n° 10/01145, 1re esp. : JurisData n° 2011-018893 ; CA Paris, 18 juin 2008 : JurisData n° 2008-000721). Dans ces décisions, en vertu de leur pouvoir souverain d'appréciation, les juges du fond prennent en compte la notoriété de l'intéressé, connu professionnellement sous le nom d'usage de son premier conjoint, pour refuser de révoquer l'autorisation précédemment donnée (par le premier conjoint à la suite du divorce, ou par décision judiciaire au moment du prononcé du divorce), faute de caractérisation d'un usage abusif du nom d'usage. Ces décisions considèrent que l'abus ne peut résulter de la seule circonstance du remariage. Ce débat en jurisprudence pourrait être transposable dans le cas du remariage d'un veuf ou d'une veuve. La juridiction administrative a même considéré que la demande de changement de nom d'une requérante présentait un intérêt légitime au sens de l'article 61 du code civil, dans l'hypothèse où l'intéressée sollicitait de pouvoir utiliser le nom de son défunt mari comme nom légal, et non plus seulement comme nom d'usage, pour des motifs affectifs, et alors même qu'elle était remariée depuis (TA Paris, 3è ch., 7è sect., 2 oct. 2014, n° 1307070/7-3 et TA Paris, 3è ch., 4è sect. ; 12 avr. 2018, n° 1619929/4-3). La jurisprudence est donc en mesure d'apprécier, au cas par cas, si des circonstances exceptionnelles, lesquelles peuvent inclure des motifs affectifs, justifient que le nom d'usage du conjoint défunt puisse continuer à être utilisé par le conjoint survivant, quelle que soit l'évolution de sa situation conjugale.