Question de : M. Aurélien Saintoul
Hauts-de-Seine (11e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale

M. Aurélien Saintoul interroge M. le ministre de la santé et de la prévention sur la pénurie de médicaments. Le 6 juillet 2023, le Sénat a publié un rapport accablant, fruit d'une commission d'enquête qui a duré 5 mois. Celui-ci signale qu'en 2022, 37 % des Français ont été confrontés à des pénuries de médicaments. La même année, 3 500 ruptures de stock ont été signalées à l'Agence nationale de sécurité du médicament. En 2018 déjà, 900 médicaments étaient en rupture de stock. La problématique n'est donc pas nouvelle. Le rapport du Sénat dénonce les liens étroits qu'entretiennent le ministère de la santé et les industriels du médicament, en même temps que le manque de transparence du Gouvernement à ce sujet. Les laboratoires ne souhaitent plus fabriquer certains médicaments même lorsqu'ils sont efficaces, nécessaires et sans alternative, car ils ne sont plus rentables. Ils préfèrent fabriquer des médicaments plus récents, qui rapportent plus. La pénurie d'amoxicilline illustre parfaitement cette problématique. Cet antibiotique, le plus prescrit en France, est souvent utilisé pour guérir des enfants d'otites, ou d'angines. En novembre 2022, alors qu'il était en rupture de stock, le ministère de la santé avait assuré que le médicament serait de retour en pharmacie rapidement. En juin 2023, les tiroirs étaient toujours vides. Pour toute réponse, M. le ministre a annoncé vouloir augmenter le prix des médicaments. Aider les industries pharmaceutiques et faire payer les malades ne peut pas être une solution. Le médicament n'est pas un bien de consommation comme les autres. Il souhaite donc savoir quelles actions il a concrètement mises en œuvre ces derniers mois afin de remédier à la pénurie de médicaments.

Réponse publiée le 7 novembre 2023

Comme l'ensemble des pays industrialisés, la France connaît des tensions d'approvisionnement sur certains médicaments. Elles sont liées pour partie à la conjoncture internationale ainsi qu'à une augmentation générale de la consommation de médicaments. Compte tenu de l'augmentation des signalements de ruptures et risques de ruptures de stock constatée, une feuille de route a été développée sous la coordination de l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), pour anticiper, minimiser les risques et résoudre au plus vite les situations de tension. Elle s'inscrit dans le prolongement de la précédente feuille de route 2019-2022 qui a permis des avancées majeures (plan de gestion des pénuries pour les médicaments d'intérêts thérapeutiques majeurs, obligation de détention de stocks de sécurité…). En outre, une liste de 450 médicaments dits essentiels a été établie sur la base des recommandations des autorités scientifiques. A partir de cette liste évolutive, publiée le 13 juin 2023, des travaux sont engagés pour mieux garantir la disponibilité des médicaments (suivi renforcé sur les capacités d'approvisionnement, analyse des pratiques de prescription et des tendances d'achat, cartographie et renforcement des chaînes de production, mise en œuvre de solutions de production de secours, actions de prévention…). L'ANSM, en lien avec la Direction générale de la santé, a également établi un plan de préparation des épidémies hivernales pour anticiper d'éventuelles tensions et renforcer notre capacité à faire face à des pics saisonniers de consommation de médicaments. Ce plan hivernal inclut une phase d'anticipation qui vise : à sécuriser les approvisionnements afin de garantir la couverture des besoins, à améliorer la mise à disposition des données, et à communiquer sur les gestes barrières et les règles de bon usage des médicaments dans un esprit de responsabilisation collective de l'ensemble des acteurs du soin et des assurés. Enfin, un « plan blanc » reste activable en cas de situation exceptionnelle qui conduirait à devoir prendre des mesures spécifiques pour sécuriser la prise en charge des assurés. Concernant la constitution des stocks, le Gouvernement a travaillé avec les industriels du secteur à : un moratoire sur les baisses de prix des génériques stratégiques sur le plan industriel et sanitaire, des hausses de prix ciblées sur certains génériques stratégiques produits en Europe, en contrepartie d'engagements sur une sécurisation de l'approvisionnement du marché français. Le Président de la République a en outre annoncé le 13 juin 2023, la relocalisation de la production de 25 médicaments stratégiques. De plus, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 prévoit de nouvelles mesures pour lutter contre les tensions d'approvisionnement notamment : l'obligation, sous peine de sanction financière, pour les laboratoires pharmaceutiques de chercher un repreneur en cas d'arrêt de commercialisation d'un médicament d'intérêt thérapeutique majeur et la création d'un statut de préparations officinales spéciales permettant aux pharmaciens de pallier à des pénuries, la généralisation de la délivrance à l'unité par les pharmaciens d'officines des médicaments concernés par une rupture d'approvisionnement, l'interdiction de prescription en téléconsultation de certains médicaments, en priorité les antibiotiques, ou encore la systématisation pour les antibiotiques du recours à des ordonnances conditionnant la délivrance de médicaments à la réalisation d'un test rapide d'orientation diagnostique (TROD). Le débat parlementaire a par ailleurs déjà permis de faire émerger de nouvelles idées, notamment en matière de pouvoirs de police sanitaire de l'ANSM. Enfin, de nombreuses actions sont menées au niveau européen. La France s'est très tôt associée, avec 18 autres pays, à la proposition portée par la Belgique de Critical Medicines Act, pour adapter à ces médicaments essentiels la stratégie adoptée pour les métaux rares. Le règlement (UE) n° 2022/123 du 25 janvier 2022 qui a introduit des dispositions visant à prévenir et gérer les pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux considérés comme critiques, en renforçant le rôle de l'Agence européenne des médicaments, est par ailleurs entré en application. Il s'agit là d'une première étape visant à mettre en place un cadre renforcé pour la notification et la surveillance des pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux lors d'urgences de santé publique ou d'événements majeurs dans l'Union européenne. De même, dans le cadre du projet de révision de la législation pharmaceutique présenté par la Commission européenne, des mesures visant à anticiper et réduire les tensions d'approvisionnement sont prévues, reprenant les dispositions françaises (obligation d'avoir des plans de gestion des pénuries pour les laboratoires, liste de médicaments critiques, déclaration des ruptures notamment). Pour faire le point sur l'ensemble de ces enjeux, le ministre de la Santé et de la Prévention réunira très prochainement l'ensemble des acteurs de la chaîne du médicament.

Données clés

Auteur : M. Aurélien Saintoul

Type de question : Question écrite

Rubrique : Pharmacie et médicaments

Ministère interrogé : Santé et prévention

Ministère répondant : Santé et prévention

Dates :
Question publiée le 19 septembre 2023
Réponse publiée le 7 novembre 2023

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