16ème législature

Question N° 1179
de Mme Caroline Colombier (Rassemblement National - Charente )
Question écrite
Ministère interrogé > Éducation nationale et jeunesse
Ministère attributaire > Éducation nationale et jeunesse

Rubrique > enseignement

Titre > Modalités d'autorisations de l'instruction en famille

Question publiée au JO le : 13/09/2022 page : 3990
Réponse publiée au JO le : 25/10/2022 page : 4895

Texte de la question

Mme Caroline Colombier interroge M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur les prises de position des rectorats relatives aux demandes d'autorisation que déposent les familles pratiquant l'instruction en famille (IEF). Conformément à l'article L. 131-2 du code de l'éducation, l'instruction obligatoire peut être donnée dans les familles par les parents, ou l'un d'entre eux, ou toute personne de leur choix. Le 4° de l'article L. 131-5 du code de l'éducation permet aux personnes responsables d'un enfant soumis à l'obligation définie à l'article L. 131-1 du code de l'éducation de lui donner l'instruction en famille dès lors qu'il est démontré une existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant à assurer l'instruction en famille dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans ce cas, la demande d'autorisation comporte une présentation écrite du projet éducatif, l'engagement d'assurer cette instruction majoritairement en langue française ainsi que les pièces justifiant de la capacité à assurer l'instruction en famille. Dans sa décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021, le Conseil constitutionnel émet une réserve d'interprétation sur cet article en prévoyant que l'autorisation accordée en raison de « l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif » permet seulement au législateur de s'assurer que l'autorité administrative s'assure que le projet d'instruction en famille comporte les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de l'enfant. Aussi, si le pouvoir règlementaire peut poser des conditions relatives à la question de « l'existence d'une situation propre à l'enfant », il peut seulement le faire sur le critère de la capacité d'instruction de la personne en charge de l'enfant et sur le sérieux du projet pédagogique. Ces conditions ont été traduites par la création des articles R. 131-11-1 et R. 131-11-5 du code de l'éducation et validée par le Conseil d'État dans une décision n° 463123 du 16 mai 2022. Néanmoins, de nombreux rectorats n'ont pas la même analyse et refusent des autorisations sur le fait que les caractéristiques de l'enfant ne sont pas assez particulières et seulement sur ce motif, sans regarder le sérieux du projet pédagogique ou les capacités des parents à dispenser un enseignement. En appréciant le projet éducatif au regard des particularités de l'enfant sans prendre en compte la réserve constitutionnelle du Conseil constitutionnel, de nombreux rectorats ont rajouté une nouvelle condition aux articles R. 131-11-1 et R. 131-11-5 du code de l'éducation. Des premières décisions de tribunaux administratifs ont déjà rappelé l'étendue de la réserve constitutionnelle et ont annulé le refus d'autorisation de l'administration. Aussi, elle lui demande s’il compte prendre les mesures nécessaires pour rappeler les motifs possibles de refus de l'école à la maison et pour harmoniser la pratique sur le territoire, afin d'éviter que certaines décisions inconstitutionnelles remettent en cause les droits des familles garantis par le code de l'éducation et la Constitution.

Texte de la réponse

La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République (dite loi CRPR) vise à garantir une plus grande protection des enfants et des jeunes, d'une part, en posant le principe de la scolarisation obligatoire dans un établissement scolaire public ou privé de l'ensemble des enfants soumis à l'obligation d'instruction (i.e. âgés de trois à seize ans) et, d'autre part, en substituant au régime de déclaration d'instruction dans la famille un régime d'autorisation. Ainsi, à compter de la rentrée scolaire 2022, il ne pourra être dérogé à cette obligation de scolarisation que sur autorisation préalable délivrée par les services académiques, pour des motifs tirés de la situation de l'enfant et limitativement définis par la loi, au nombre desquels figure l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021 (point 76), jugeant de la constitutionnalité de ce dispositif, a relevé que : « en prévoyant que cette autorisation est accordée en raison de "l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif", le législateur a entendu que l'autorité administrative s'assure que le projet d'instruction en famille comporte les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de l'enfant. » Il en résulte que les responsables légaux sollicitant une autorisation d'instruction dans la famille pour ce motif ne doivent pas seulement justifier de la situation propre de leur enfant et présenter un projet éducatif. Les critères portent sur la conception du projet éducatif qui doit être adapté à la situation de l'enfant afin que celui-ci puisse bénéficier d'un enseignement conforme à l'objet de l'instruction obligatoire. En tout état de cause, en cas de décision de refus d'autorisation d'instruction dans la famille, les personnes responsables de l'enfant ont la possibilité de former un recours administratif préalable obligatoire devant une commission présidée par le recteur d'académie, laquelle est composée d'une équipe pluridisciplinaire qui pourra se prononcer aussi bien sur des aspects pédagogiques que médicaux dans l'intérêt de l'enfant. Les recours administratifs préalables obligatoires représentent ainsi un levier d'harmonisation des décisions nées de l'instruction des demandes d'autorisation d'instruction dans la famille à l'échelle académique. Le Gouvernement entend bien garantir l'application de la loi CRPR dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant et de ses droits, notamment son droit à l'instruction. À cet égard, les services du ministère chargé de l'éducation nationale accompagnent les services académiques dans la mise en œuvre du nouveau régime d'autorisation d'instruction dans la famille.