16ème législature

Question N° 11846
de Mme Karine Lebon (Gauche démocrate et républicaine - NUPES - Réunion )
Question écrite
Ministère interrogé > Transformation et fonction publiques
Ministère attributaire > Transformation et fonction publiques

Rubrique > outre-mer

Titre > Mutations en outre-mer

Question publiée au JO le : 03/10/2023 page : 8733
Réponse publiée au JO le : 09/01/2024 page : 291

Texte de la question

Mme Karine Lebon interroge M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques sur la situation des fonctionnaires ultramarins en situation d'exil forcé en attente d'une mutation dans leur territoire d'origine. Une enquête publiée par l'Inss en 2020 montrait qu'à La Réunion, sur 31 000 personnes exerçant un emploi de cadre, seuls 14 500 sont natifs de La Réunion. Mme la députée s'inquiète de ce taux de 47 % plus faible que dans l'Hexagone (52 %) ou aux Antilles (57 %). Or, contrairement à ce que ces chiffres laissent penser, les Réunionnais sont de plus en plus diplômés et formés, avec 46 % des natifs de l'île qui sont aujourd'hui détenteurs d'un master ou plus. Cette préférence exogène, que l'on peut encore constater dans tous les milieux du monde professionnel, s'applique encore dans la fonction publique locale, que ce soit dans la fonction publique d'État ou hospitalière, pénalisant grandement les Réunionnais formés sur l'île ou ayant dû quitter le territoire dans le but d'obtenir une formation. Cela concerne notamment et majoritairement les enseignants du second degré, les gardiens de la paix ainsi que les agents pénitentiaires. Ceux-ci étant pleinement conscients de passer un concours national, laissant la possibilité, une fois lauréats, d'être mutés partout sur le territoire de la République, peinent à se faire entendre et à valoriser leurs situations personnelles parfois urgentes et critiques. Mme la députée s'interroge sur cette situation d'autant plus que les dispositifs légaux et réglementaires existent pour permettre aux Réunionnais de rester dans leur territoire ou d'y retourner. Cela était notamment l'objet de la loi « EROM » de 2017 qui a débouché sur une circulaire précisant tous les centres d'intérêt matériels et moraux à considérer lors de l'examen de demandes de mutation. Mme la députée regrette cependant la faible application des dispositions de cette loi « EROM » de la part d'administrations qui laissent encore passer de trop nombreuses situations personnelles dramatiques qui nécessitent une évaluation rigoureuse. Lors de sa visite à La Réunion, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, Gabriel Attal, a déclaré vouloir que « des jeunes Réunionnais qui ont grandi à La Réunion, qui se sont formés à La Réunion ou qui ont fait une partie de leur carrière dans l'Hexagone [ ] puissent bénéficier de ces affectations » et a annoncé travailler sur le sujet avec ses services. Ainsi, Mme la députée demande à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques d'étendre cet effort à toutes les branches et tous les secteurs des fonctions publiques nationale, hospitalière et territoriale, afin que puisse émerger, enfin, une vraie application de l'objectif poursuivi par la loi « EROM ». Mme la députée demande à M. le ministre de travailler à la création d'un observatoire de l'emploi public, doté d'une indépendance et de fonds propres, compétent sur le traitement des demandes de mutation vers les territoires d'outre-mer. Cela permettrait d'endiguer la très problématique fuite des cerveaux vers l'Hexagone et de valoriser les talents locaux. Elle demande une meilleure considération des centres d'intérêt matériels et moraux dans l'étude des demandes de mutation et demande à ce que ceux-ci soient automatiquement mobilisés comme critère de priorité dans chaque demande de mutation. Elle suggère enfin que parmi ces critères soient priorisés ceux étant « non-réversibles » (lieu de naissance, de scolarité, ascendance, etc.) et souhaite connaître les perspectives à ce sujet.

Texte de la réponse

Les fonctionnaires de l'État originaires des départements d'outre-mer (DOM) et des collectivités d'outre-mer (COM) peuvent mobiliser les dispositions prévues à l'atticle L512-9 du code général de la fonction publique, instituant une priorité légale de mutation pour tous les fonctionnaires de l'État ultramarins pour l'examen des demandes de mobilité vers le territoire où ils ont leurs attaches. Les agents de l'État originaires des DOM font ainsi valoir la priorité du centre des intérêts matériels et moraux (CIMM), qui repose sur un faisceau d'indices à l'occasion d'une demande de mobilité. L'administration s'appuie sur ces éléments pour examiner chaque demande individuelle dès lors que les demandes peuvent être plus nombreuses que le nombre d'emplois disponibles. Dans ce cas, il ne leur est pas possible de répondre favorablement à l'ensemble des demandes de priorité.  Les agents originaires d'un territoire d'outre-mer peuvent légitimement aspirer à revenir servir dans leur territoire pour une étape de carrière ou de manière définitive. Dans cette perspective, les administrations facilitent la mobilisation du critère du CIMM dans les décisions d'affectation des agents en outre-mer pour pourvoir les postes vacants. La circulaire du 2 août 2023 relative au CIMM commune aux trois versants de la fonction publique vise à préciser et compléter les critères pouvant être pris en compte par les services gestionnaires, que ce soit pour une demande de mutation outre-mer ou pour une demande de congés bonifiés. L'objectif est d'harmoniser le processus de traitement des demandes entre les services, mais également de faciliter l'instruction des demandes de reconnaissance du CIMM. Désormais, l'agent dont l'administration aura reconnu le CIMM au titre d'au moins trois critères « irréversibles », en conserve le bénéfice pour chaque nouvelle demande concernant la même collectivité ou le même territoire, sans limitation de durée. Si cette nouvelle circulaire s'applique aux trois versants de la fonction publique, il demeure une disposition propre à la fonction publique de l'État. En effet, la circulaire crée également un système de portabilité du CIMM entre administrations de l'État et fixe, selon le type de critères retenus pour l'octroi, à au moins six ans la durée de validité du bénéfice du CIMM. Les collectivités territoriales et les établissements relevant de la fonction publique hospitalière (FPH) ne sont donc pas soumis à ce principe, eu égard à leur statut, mais sont libres de l'appliquer notamment en cas de mobilité entre employeurs relevant de la fonction publique territoriale ou entre employeurs relevant de la FPH. Ces récentes nouvelles modalités devraient, à terme, participer à favoriser le retour des agents de l'État ultramarins dans leur territoire d'origine. Au regard du caractère récent de la circulaire, il apparaît nécessaire d'en faire un bilan afin de faire des évolutions.  Le ministère de l'intérieur et de l'outre-mer publie par ailleurs sur sont site un observatoire de l'emploi en Outre-mer qui comporte une rubrique Fonction publique. Celle-ci aura vocation à faire apparaitre le nombre de mobilités réalisées au titre des priorités légales.