16ème législature

Question N° 12065
de M. Jean-Hugues Ratenon (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Réunion )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et souveraineté alimentaire
Ministère attributaire > Agriculture et souveraineté alimentaire

Rubrique > outre-mer

Titre > Doctrine de la CDPENAF dans les territoires ultramarins

Question publiée au JO le : 10/10/2023 page : 8916
Réponse publiée au JO le : 12/12/2023 page : 11162

Texte de la question

M. Jean-Hugues Ratenon interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la doctrine de la Commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) dans les territoires ultramarins. En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte, l'article L. 181-12 du code rural et de la pêche maritime soumet « tout projet d'élaboration ou de révision d'un document d'aménagement ou d'urbanisme ayant pour conséquence d'entraîner le déclassement de terres classées agricoles, ainsi que tout projet d'opération d'aménagement et d'urbanisme ayant pour conséquence la réduction des surfaces naturelles, des surfaces agricoles et des surfaces forestières dans les communes disposant d'un document d'urbanisme » à l'avis favorable de la CDPENAF. Le même article fixe les critères sur le fondement desquels la commission est appelée à se prononcer. Il est rappelé par ailleurs que la liste des constructions admissibles au sein des zones agricoles et naturelles délimitées par les plans locaux d'urbanisme peut être dressée en combinant les dispositions prévues aux articles L. 151-11 à 151-13, R. 151-23 et R. 151-25 du code de l'urbanisme. Cette liste, qui peut être adaptée par les auteurs du plan local d'urbanisme (PLU) de manière à prendre en compte notamment l'objectif de préservation des terres agricoles, ne fait pas l'objet de restrictions ciblant spécifiquement les territoires ultramarins. Toutefois, il ressort de l'analyse des avis émis par la CDPENAF de La Réunion sur la période récente que celle-ci retient une lecture alternative - et au demeurant particulièrement restrictive - des possibilités d'implantation de constructions en zone agricole, nonobstant les facultés légales et réglementaires accordées aux auteurs des PLU pour définir la liste des constructions admissibles dans ce type de zone. Ainsi, alors que peuvent être admis en zone A « les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ou au stockage et à l'entretien de matériel agricole par les coopératives d'utilisation de matériel agricole agréées », il a pu être écrit dans différents avis qu'en zone agricole « seuls sont autorisés les bâtiments techniques nécessaires au développement, au maintien voire à la consolidation de l'activité agricole existante sur l'exploitation ». Une telle règle, forgée par la doctrine locale, est de nature à faire obstacle à la création de nouvelles exploitations et entrave les tentatives de diversification des activités agricoles, y compris dans l'hypothèse de projets conçus par des collectivités territoriales, œuvrant quotidiennement au service de l'intérêt général. On remarquera au passage cette curiosité qui fait que si l'instruction d'opérations de logements à dominante sociale est dispensée d'avis favorable des CDPENAF outre-mer, le montage de projets portés par des acteurs publics visant la remise en culture des terres en friche n'y échappe pas. L'élaboration d'une doctrine partagée par l'ensemble des acteurs investis dans la protection et la valorisation du foncier agricole outre-mer s'avère pourtant et plus que jamais indispensable, notamment afin de définir une position claire au sujet des bâtiments d'exploitations nouvellement créées et du logement des exploitants. En effet, les conditions particulières d'exploitation, qui aux yeux du législateur ont justifié la création d'un régime d'exception propre à la saisine de la CDPENAF dans un objectif de préservation du potentiel agricole des outre-mer, doivent également conduire à adapter à ces territoires les critères permettant notamment d'apprécier la nécessité de la présence permanente et rapprochée de l'exploitant sur le lieu de son activité. Il lui demande les mesures qu'il entend prendre en ce sens.

Texte de la réponse

La Réunion est la région française dont la surface agricole utile (SAU) rapportée au nombre d'habitants est la plus petite, avec seulement 440 m2 de SAU par habitant. En comparaison, cette surface est dix fois plus élevée en Métropole. D'après le recensement agricole de 2020, la surface agricole utilisée a diminué de 10 % en dix ans et atteint désormais 38 700 hectares (ha) exploités alors que l'ambition pour l'île est de reconquérir 5 000 ha supplémentaires à l'horizon 2030, pour répondre à l'ambition du Gouvernement de renforcement de l'autonomie alimentaire. L'action de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) sur ce territoire est donc indispensable pour veiller à l'utilisation adaptée des ressources foncières et joue un rôle essentiel de garde-fou en matière de déclassement des terres ou de constructions en zones agricoles et naturelles. Pour mener à bien ses travaux, la CDPENAF s'est dotée d'un règlement intérieur et a élaboré progressivement une doctrine à partir du cadre réglementaire existant et de la jurisprudence. Ce cadre de référence formalise les critères d'appréciation par la CDPENAF du caractère de nécessité et de proportionnalité d'une construction ou d'une installation pour le fonctionnement d'une exploitation agricole au regard de la consommation d'espaces agricoles, naturels ou forestiers qu'elle entraîne. Il ne restreint pas les constructions et installations agricoles admises en zone agricole dès lors qu'elles sont nécessaires au regard de leur localisation et leur dimensionnement, à une exploitation agricole existante ou nouvelle. En 2022, la CDPENAF de La Réunion a été consultée à 296 reprises sur des projets présentés comme agricoles : sur les 61 % ayant donné lieu à un avis favorable, la majorité concernait des bâtiments techniques d'exploitation (serres, ombrières, bâtiments d'élevage, hangars…) mais portait également pour 10 % sur des locaux de conditionnement, transformation ou commercialisation de produits issus de l'exploitation du demandeur, pour 4,4 % sur des logements de fonction et pour 4,4 % sur des constructions liées à l'activité d'agritourisme. Au regard de ces éléments, la pratique de la CDPENAF de La Réunion accorde avec les enjeux d'une préservation marquée des espaces agricoles naturels et forestiers et ceux du maintien d'une agriculture performante et ne justifie pas des mesures de nature à revoir le régime d'exception établi par l'article L. 181-12 du code rural et de la pêche maritime.