Question écrite n° 12102 :
Reconnaissance de la profession des mandataires judiciaires

16e Législature

Question de : Mme Emmanuelle Anthoine
Drôme (4e circonscription) - Les Républicains

Mme Emmanuelle Anthoine interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la profession des mandataires judiciaires. Cette profession consiste à accompagner des adultes protégés, en situation de handicap, de dépendance ou de troubles psychiques. Environ 730 000 adultes sont aujourd'hui placés sous protection judiciaire. Pour près de 500 000 d'entre eux, c'est à un mandataire judiciaire que le juge a confié la mesure de protection. Une étude du cabinet Citizing publiée en octobre 2020 a mis en évidence que l'action des mandataires judiciaires représente un gain socio-économique estimé à 1 milliard d'euros par an. Le ratio coût/bénéfice indique qu'un euro d'argent public investi rapporte 1,50 euro. Cela traduit un important effet de levier. Ces chiffres démontrent la forte utilité sociale des mandataires judiciaires. Pour autant, cette profession méconnue souffre d'un profond manque de reconnaissance. Elle est pourtant appelée à jouer un rôle majeur dans la société de vieillissement au cours des prochaines décennies. Le nombre de personnes confiées à des mandataires judiciaires pourrait doubler d'ici à 2040. Les rémunérations de ces professionnels (environ 1 350 euros nets par mois en début de carrière) et leur formation continue obligatoire ne suffisent pas alors que les situations auxquelles ils doivent faire face sont toujours plus complexes. Les 8,1 millions d'euros supplémentaires prévus dans la loi de finances pour 2022 sont bien loin des 85 millions réclamés par l'interfédération de la protection juridique des majeurs, de l'Union nationale des associations familiales (Unaf), de l'Unapei et de la Fédération nationale des associations tutélaires (Fnat). Les mandataires judiciaires sont également en sous-effectif face aux besoins importants de protection. Il y a actuellement près de 60 personnes protégées par mandataire judiciaire. La profession est à bout de souffle et réclame la création de 2 000 postes (en plus des 12 000 existants) afin de faire baisser cette moyenne à 45. Les mandataires judiciaires avaient d'ailleurs lancé un mouvement de grève en février 2023 pour dénoncer leurs conditions de travail. La profession souffre enfin d'un manque de diplôme reconnu par l'État. Le rapport sénatorial sur la mission « solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances pour 2020 soulignait déjà que « l'absence de reconnaissance du statut des délégués mandataires, exposés à des risques psychosociaux croissants, a un impact non négligeable sur leur recrutement et la qualité de l'accompagnement des majeurs protégés ». La création d'une commission nationale des droits et de la protection des adultes vulnérables qui devait permettre « grâce à sa représentativité des professionnels, de favoriser le dialogue avec les services de l'État, pour améliorer encore davantage la qualité du service rendu aux personnes protégées », n'a malheureusement pas eu les effets escomptés. Aussi, elle lui demande les mesures qu'il entend prendre pour enfin revaloriser la profession de mandataire judiciaire, tant en matière de moyens financiers et humains, que de reconnaissance.

Réponse publiée le 28 novembre 2023

Les principes guidant la rémunération des mandataires judiciaires à la protection des majeurs sont fixés aux articles 419 et 420 du code civil. Le code de l'action sociale et des familles en précise les modalités. Lorsque la mesure judiciaire de protection est exercée par un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, son financement est à la charge totale ou partielle de la personne protégée, en fonction de ses ressources, avec de manière subsidiaire un financement de l'Etat. Le code de l'action sociale et des familles prévoit des modalités de financement différentes entre les services mandataires et les mandataires individuels. Les premiers sont financés sous forme de dotation globale et les seconds sur la base de tarifs mensuels. Ces différences se justifient par des modalités d'organisation et de fonctionnement différentes qui entraînent des charges (personnel, fonctionnement et structure) importantes pour les services. Pour autant, les tarifs des mandataires individuels ont également vocation à couvrir les frais de fonctionnement de ces intervenants. Par ailleurs, pour tenir compte des différences en terme de charge de travail, les tarifs perçus par les mandataires individuels varient en fonction de la nature de la mesure, du lieu de vie et du niveau de ressources de la personne protégée. La protection juridique des majeurs est donc une politique publique très transversale, à la croisée des problématiques d'autonomie, de santé, de protection des droits fondamentaux, d'inclusion sociale des personnes âgées et handicapées et de lutte contre les maltraitances. Ce dispositif de solidarité, permet de répondre efficacement aux questions de vulnérabilité et d'isolement social, dans la mesure où le positionnement particulier des mandataires, judiciaire d'un côté, social de l'autre, leur permet d'accompagner les personnes et de garantir le respect de leurs droits, au plus près de leurs difficultés et de leurs besoins. L'État a consacré en 2023, 801 M€ (plan de loi de finances 2023) à la protection juridique des majeurs (+ 9.3 % par rapport à 2022) dont plus de 108 M€ pour les 2 301 mandataires individuels agrées sur le territoire national. Conformément au principe de subsidiarité du financement public, ce montant vient compléter la participation financière des personnes à leur mesure de protection. Si les services mandataires sont financés sous la forme de dotation globale de financement, les mandataires individuels sont quant à eux tarifés à la mesure, la participation des personnes protégées intervenant pour eux en complément de rémunération. Ainsi, la part de la participation dans la rémunération des mandataires individuels atteint 40 %, alors qu'elle n'intervient que pour 15 % dans le budget des services. Des travaux sont en cours depuis plusieurs années en vue de réformer le financement du secteur de la protection juridique des majeurs, et cela quel que soit le mode d'exercice. Parmi les réflexions en cours, figure notamment la démarche initiée par la note méthodologique de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) d'octobre 2018 et par l'étude de coûts réalisée par le CGI-business consulting fin 2021. C'est également dans cette perspective globale que s'inscrivent les problématiques exposées par les mandataires individuels. Les fédérations représentant les MJPM individuels et les services MJPM seront donc étroitement associées à la suite de ces travaux.

Données clés

Auteur : Mme Emmanuelle Anthoine

Type de question : Question écrite

Rubrique : Professions judiciaires et juridiques

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 10 octobre 2023
Réponse publiée le 28 novembre 2023

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