16ème législature

Question N° 12433
de M. Jean-Philippe Tanguy (Rassemblement National - Somme )
Question écrite
Ministère interrogé > Santé et prévention
Ministère attributaire > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Rubrique > santé

Titre > Interdiction d'importation de prothèses dentaires hors UE

Question publiée au JO le : 24/10/2023 page : 9340
Réponse publiée au JO le : 09/01/2024 page : 220
Date de changement d'attribution: 31/10/2023

Texte de la question

M. Jean-Philippe Tanguy appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention concernant l'augmentation alarmante des importations de prothèses dentaires provenant de pays étrangers, tels que le Maroc, la Chine, la Turquie ou Madagascar. Depuis de nombreuses années, la France fait état d'une augmentation progressive de prothèses importées et cela au profit de certains praticiens déloyaux, voire malhonnêtes. À titre d'exemple, Labocast, premier importateur de prothèses chinoises a vu son chiffre d'affaires augmenter de 50,12 % entre l'année 2020 et 2021. N'étant pas assujetties à la TVA ou même aux taxes douanières, ces prothèses dentaires, en provenance de pays hors Union européenne abusent de leur situation fiscale. Malgré la fabrication sur mesure proposée par les laboratoires français, ces derniers, redevables de multiples taxes et impôts, notamment sur la main-d'œuvre, ne peuvent plus faire face à une concurrence déloyale. L'importation de prothèses dentaires provenant de pays avec une main-d'œuvre très peu couteuse est une aberration à tout point de vue, sur le plan économique, écologique ou encore en matière sociale et surtout sanitaire. Bien que les prothèses importées soient moins chères, la Cour des comptes précise dans un rapport qu'« il n'a jamais été prouvé que le prix des prothèses dentaires importées profite aux patients ». En effet, l'article L. 1111-3-2 du code de la santé publique établit une obligation, pour les professionnels de santé, de dissocier, sur le devis, le prix de vente de chaque produit et de chaque prestation proposée. L'absence d'indication sur le prix d'achat des prothèses bénéficie alors grandement aux praticiens malhonnêtes pouvant s'assurer une marge confortable. L'opacité de ces informations empêche donc l'exercice d'une réelle concurrence. Par ailleurs, il est évident que l'importation depuis des pays étrangers hors Union européenne interdit toute traçabilité sanitaire et tout recours en cas de problème. À ce titre il lui semble primordial de rendre l'information accessible et transparente aux patients. Alors que les soins dentaires, peu remboursés par la sécurité sociale, représentent un luxe pour de nombreuses familles ; certains prothésistes dentaires n'hésitent pas à fournir des dispositifs médicaux inadaptés à leurs patients tout en leur facturant un prix standard. Au-delà des conséquences pour les patients, cette volonté d'occultation du prix d'achat met en péril de nombreux laboratoires français qui ne peuvent plus faire face aux tarifs proposés par les importateurs étrangers. Afin d'éviter d'être confronté, une nouvelle fois, à cette situation de dépendance vis-à-vis de pays tiers et notamment de la Chine, le Gouvernement doit impérativement soutenir les laboratoires français. Au regard des différents impacts de cette recrudescence d'importations de prothèses dentaires, l'État se doit de prendre ses responsabilités pour garantir le savoir-faire français et l'accès aux patients à des soins de qualité. M. le député demande donc au ministre de la santé de bien vouloir interdire toute importation de pays dont on ne peut garantir un respect des normes et des recours juridiques égaux à la France. À défaut de mettre en place les mesures préconisées par les différents organismes officiels afin que les dentistes ne souffrent plus de cette concurrence déloyale. De plus, il demande au Gouvernement d'assurer aux patients une entière visibilité sur le coût d'importation, l'origine ainsi que la composition des prothèses dentaires.

Texte de la réponse

Les prothèses dentaires sont des dispositifs médicaux régis par la libre circulation des produits au sein de l'Union Européenne, y compris pour des produits importés de pays hors Union Européenne, dès lors qu'ils sont conformes à la réglementation applicable dans les Etats membres, de nature à garantir les exigences essentielles en matière de qualité et de sécurité, et notamment le règlement européen 2017/745 du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux. Le cadre légal et réglementaire national garantit la transparence sur ces produits à l'égard des patients. En effet, l'obligation, pour le chirurgien-dentiste, de dissocier sur le devis proposé au patient le prix de vente de chaque produit et de chaque prestation proposés résulte du II de l'article L.1111-3-2 du Code de la santé publique, lequel impose également au professionnel de santé de remettre « au patient les documents garantissant la traçabilité et la sécurité des matériaux utilisés, en se fondant le cas échéant sur les éléments fournis par un prestataire de services ou un fournisseur ». Le devis évoqué, de nature réglementaire et accessible en annexe XIV de la convention nationale organisant les rapports entre les chirurgiens-dentistes et l'assurance maladie, est un devis-type dont les mentions ne peuvent être modifiées par les praticiens. Parmi les mentions obligatoires devant y figurer, un encart est spécifiquement prévu afin d'informer le patient du lieu de fabrication du dispositif médical - origine européenne ou non européenne de ce dernier - ainsi que de l'éventuelle sous-traitance dont la prothèse a pu être l'objet. Enfin, reprenant les dispositions susmentionnées, le devis dispose expressément qu'à l'issue du traitement, une fiche de traçabilité et une déclaration de conformité du dispositif médical seront remises au patient. Ce dispositif s'inscrit dans le cadre de l'obligation de transparence des prix mise en œuvre par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires et a été renforcé par la réforme relative au « 100% santé » lancée au 1er janvier 2020. Ayant pour objectif de favoriser l'accès aux soins en garantissant un niveau minimum de prestations et des prix plafonds à tout consommateur bénéficiant d'une complémentaire santé ou de la complémentaire santé solidaire, cette réforme est venue compléter le devis-type en imposant aux chirurgiens-dentistes de mentionner aux patients l'existence de l'offre « 100% santé » lorsque les soins prothétiques proposés résultent d'une entente directe entre les parties. Ces obligations d'information ainsi que l'ensemble de ces mentions portées sur le devis permettent à la patientèle d'avoir des offres concurrentielles entre les chirurgiens-dentistes puisque qu'elle est informée des prix des produits, des prestations ainsi que l'origine du dispositif médical. Des contrôles sont régulièrement diligentés par les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (CCRF), qui vérifient la loyauté de l'information délivrée au consommateur (affichage, devis normalisé, documents d'identification et de traçabilité des dispositifs médicaux sur mesure). L'information portant sur le lieu de fabrication des prothèses dentaires fait l'objet d'une attention particulière afin de prévenir et de prohiber toute « francisation » abusive de ces dispositifs. Des poursuites sont engagées contre les auteurs de certaines pratiques commerciales trompeuses. Afin de s'assurer du respect par les chirurgiens-dentistes des dispositions légales et réglementaires applicables, près de 1 700 établissements ont été contrôlés depuis 2013, à la suite de plaintes ou dans le cadre de contrôles programmés, ce qui témoigne de l'attention portée à ce secteur. En complément, les professionnels qui relèveraient ou s'estimeraient victimes de pratiques illicites de leurs concurrents peuvent les signaler aux directions départementales de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations territorialement compétentes. Ces remontées permettent aux agents de la DGCCRF de mieux cibler leurs enquêtes et leurs contrôles, en facilitant notamment l'identification des professionnels faisant l'objet de signalements récurrents ou des problèmes émergents. De manière plus générale, la protection des consommateurs et de leur pouvoir d'achat ainsi que la répression des fraudes économiques figurent au titre des priorités de l'action de la DGCCRF : plus de la moitié des 120 enquêtes programmées en 2023 y sont consacrées. A ce titre, une attention particulière continuera d'être portée au secteur dentaire.