16ème législature

Question N° 12882
de M. Lionel Tivoli (Rassemblement National - Alpes-Maritimes )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Titre > Explosion des actes antisémites

Question publiée au JO le : 14/11/2023 page : 10129
Réponse publiée au JO le : 12/12/2023 page : 11237

Texte de la question

M. Lionel Tivoli alerte M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'explosion des actes antisémites en France depuis l'attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023 en Israël qui, outre le massacre de populations civiles israéliennes des fermes israéliennes et localités attenantes et de participants à un festival de musique (1 400 morts), a coûté la vie à 39 concitoyens et 9 sont présumés otages ou encore non identifiés. L'imam franco-marocain de la mosquée de Beaucaire a expressément appelé « à tuer des juifs ». Des collégiens entonnent dans le métro des chants ouvertement antisémites. Une influenceuse ironise sur « l'assaisonnement d'un bébé rôti dans un four » et les croix gammées et étoiles de David sont légion sur les habitations et commerces des concitoyens de confession juive. Une étudiante de troisième année en médecine à la faculté de Lyon, sous la menace des réseaux sociaux, a quitté son université et a fui la France pour se réfugier en Israël. Si le travail de la police est remarquable en matière d'interpellations, soit 486 interpellations depuis le 7 octobre 2023 par rapport aux 1040 actes antisémites recensés par le ministère de l'intérieur, en revanche, et contrairement au parquet, les juges chargés de sanctionner les auteurs des actes incitant à la haine et au meurtre des juifs et faisant l'apologie du terrorisme prononcent des peines très légères et envoient des signes négatifs à la société française et analysés par les défenseurs de l'idéologie mortifère des Frères musulmans comme un signe de faiblesse de la République. Il lui demande quelles décisions il a mises en place pour que cesse cette « main légère » en matière de sanctions des magistrats vis-à-vis des auteurs d'actes aussi graves et qui renvoient à des heures sombres de l'histoire lors de la montée du nazisme en Europe.

Texte de la réponse

La lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations constitue une priorité de politique pénale depuis plusieurs années. L'arsenal législatif en matière de discriminations, déjà étoffé, s'est encore renforcé ces dernières années. Les discriminations fondées sur les convictions religieuses ou sur l'appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation ou une prétendue race prévues à l'article 225-1 du code pénal sont punies de 3 ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende dès lors qu'est caractérisé un comportement discriminatoire, tel que défini par l'article 225-2 du code pénal. Au-delà de ce texte spécifique, la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté a généralisé à l'ensemble des crimes ou délits punis d'emprisonnement la circonstance aggravante relative à la religion ou à la conviction des victimes prévue par l'article 132-76 du code pénal, afin d'appréhender l'ensemble des comportements haineux. Le ministère a ensuite porté des évolutions législatives, telles que la loi du 24 août 2021, confortant le respect des principes de la République qui a renforcé le droit préexistant en introduisant une nouvelle circonstance aggravante de commission par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, applicable aux délits mentionnés aux 7ème et 8ème alinéas de l'article 24 (provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence), à l'article 24 bis (négationnisme) et aux 3ème et 4ème alinéas de l'article 33 (injure à caractère raciste) de la loi du 29 juillet 1881. Ces faits sont désormais punis de trois ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. Par ailleurs, l'article 397-6 alinéa 2 du code de procédure pénale ouvre désormais la possibilité du recours aux procédures de convocation par procès-verbal, de comparution immédiate et de comparution à délai différé, prévues par les articles 393 à 397-5 du code de procédure pénale, aux délits prévus aux articles 24 et 24 bis, 33 alinéas 3 et 4 de la loi du 29 juillet 1881, sauf si ces délits résultent du contenu d'un message placé sous le contrôle d'un directeur de la publication en application de l'article 6 de la même loi ou de l'article 93-2 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle. Si en vertu du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs et d'indépendance de la Justice, et en application de l'article 30 alinéa 3 du code de procédure pénale, il n'appartient pas au garde des Sceaux d'intervenir dans le cadre d'affaires individuelles ni de porter une appréciation sur les décisions de justice, il convient de souligner que le taux de réponse pénale dans les affaires de racisme était en 2021 de 87 %. Ainsi, 3399 réponses pénales ont été apportées, soit une augmentation de 17 % par rapport à 2020. Le ministère de la Justice a également encouragé une réponse pénale ferme à l'encontre des actes discriminatoires à l'occasion de nombreuses directives de politique pénale, telles que sa circulaire de politique pénale générale du 20 septembre 2022, en rappelant aux procureurs généraux et procureurs de la République l'importance de privilégier, dans certaines hypothèses, les alternatives aux poursuites à contenu pédagogique et les compositions pénales mises en œuvre au plus proche du temps et du lieu de la commission des infractions, ou sa circulaire du 24 novembre 2020 relative à la lutte contre la haine en ligne ayant créé à droit constant un pôle national de lutte contre la haine en ligne et désigné à ce titre le tribunal judiciaire de Paris pour centraliser, sous la direction du procureur de Paris, le traitement des affaires significatives de cyber-harcèlement et de haine en ligne. Par ailleurs, aux termes de la circulaire du 10 octobre 2023 relative à la lutte contre les infractions susceptibles d'être commises en lien avec les attaques terroristes subies par Israël depuis le 7 octobre 2023, il a été rappelé que les actes antisémites constituent des comportements intolérables heurtant les fondements de la République et exigeant une réponse pénale ferme et rapide, privilégiant la voie du défèrement. La justice a été au rendez-vous avec, au 27 novembre 2023, l'ouverture de 366 enquêtes ainsi que 300 judiciarisations de signalement pharos. Ainsi un peu moins de 100 personnes ont fait l'objet de poursuites. La circulaire invite les parquets à mobiliser les qualifications pénales appropriées en fonction des circonstances de l'espèce. Enfin, la direction des affaires criminelles et des grâces a réuni, le 3 octobre 2023, l'ensemble des magistrats référents en matière de lutte contre les discriminations. Cette réunion a été l'occasion de présenter le plan interministériel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme 2023-2026 et de rappeler aux magistrats référents qu'il convenait de privilégier en matière d'infractions discriminatoires le dépôt de plainte en lieu et place des mains courantes. Le ministère de la Justice s'est engagé dans une politique volontariste visant à faciliter le dépôt de plainte et à libérer la parole des victimes. Enfin, cette réunion a permis de préciser qu'au regard de la technicité de ce contentieux, qui nécessite un fort investissement des praticiens et notamment des magistrats, ceux-ci sont incités à suivre la formation continue dédiée proposée par l'ENM intitulée « Des discriminations au racisme : juger des préjugés et de l'hostilité ».