Question écrite n° 13086 :
Carences réglementaires et législatives encadrant les autopsies judiciaires

16e Législature

Question de : M. Frédéric Cabrolier
Tarn (1re circonscription) - Rassemblement National

M. Frédéric Cabrolier appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les carences réglementaires et législatives encadrant les autopsies judiciaires. Si la médecine légale est nécessaire au bon fonctionnement du service public de la justice et à la manifestation de la vérité en apportant un concours certain dans le cadre d'une enquête ou information judiciaire, elle n'en revêt pas moins un caractère sensible lorsqu'elle touche au cadavre du défunt et son intégrité corporelle. Déjà éprouvées par la seule perte de leur proche, les familles sont en proie à des tourments supplémentaires, ceux de l'ignorance des autopsies pratiquées ou des prélèvements humains effectués au cours de ces analyses, d'un sentiment de dépouillement du défunt, d'intrusion et d'effraction faite à son corps. D'autant plus lorsqu'elles apprennent que les organes prélevés non réintégrés au corps en vue de l'inhumation ou de la crémation peuvent être détruits sans aucune identification en tant que « déchets anatomiques ». Au regard de pratiques amorales sur le disparu, un ajustement réglementaire garantissant aux familles respect, dignité, décence et humanité en adéquation avec l'article 16-1-1 du code civil semble nécessaire afin de ne pas les abandonner dans la souffrance et, in fine, leur permettre de faire enfin leur deuil. En conséquence, il lui demande s'il envisage de poursuivre les modifications législatives déjà engagées notamment par la loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration des droits en comblant le vide juridique actuel des articles 230-28 et suivants du code de procédure pénale relatives aux autopsies judiciaires.

Réponse publiée le 27 février 2024

Les dispositions des articles 230-28 à 230-31 du code de procédure pénale relatifs aux autopsies judiciaires sont issues de la loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit. Les travaux parlementaires révèlent que l'introduction de ces articles répondait à une triple préoccupation : - Inscrire dans la loi l'obligation pour les médecins légistes de veiller à ce que la restitution du corps après l'autopsie donne lieu à la meilleure restauration possible ; - Préciser les formations que doivent suivre les médecins légistes pour être habilités à pratiquer une autopsie dans le cadre d'une enquête judiciaire ; - Mettre fin au vide juridique relatif au statut des prélèvements humains réalisés dans le cadre d'une autopsie judiciaire. Aucune restitution d'organes placés sous scellés à l'issue d'une autopsie judiciaire n'était en effet juridiquement possible, les dispositions légales relatives aux « objets » placés sous scellé ne pouvant s'appliquer au regard du principe de non-patrimonialité du corps humain prévu par l'article 16 du code civil. Le dernier alinéa de l'article 230-28 prévoit désormais et sous réserve des nécessités de l'enquête ou de l'information judiciaire, que les proches du défunt sont informés dans les meilleurs délais de la réalisation d'une autopsie judiciaire et de prélèvements biologiques. Les dispositions de l'article 230-29 du même code prévoient qu'à l'issue des investigations médico-légales, l'autorité judiciaire délivre dans les meilleurs délais l'autorisation de remise du corps et le permis d'inhumer, afin que la famille puisse procéder aux funérailles de leur proche dans les meilleures conditions. L'article 230-30 prévoit la destruction par principe des prélèvements biologiques réalisés lors de l'autopsie judiciaire selon les modalités prévues par l'article R. 1335-11 du code de la santé publique, au terme duquel les pièces anatomiques d'origine humaine destinées à l'abandon sont incinérées. Néanmoins, parce qu'il est essentiel de permettre aux familles de procéder aux funérailles de leurs proches, cet article permet lorsque les prélèvements constituent les seuls éléments ayant permis l'identification du défunt, que l'autorité judiciaire puisse, sous réserve des contraintes de santé publique, autoriser leur restitution en vue d'une inhumation ou d'une crémation. Ces dispositions visent ainsi à encadrer au mieux les modalités de restitution des corps des défunts à leurs proches dans les meilleurs délais et conditions, tout en veillant à la préservation des nécessités de l'enquête. Il s'agit de la recherche d'un difficile équilibre, raison pour laquelle les services du garde des Sceaux travaillent actuellement à l'amélioration de ces dispositions, notamment au stade de la restitution des organes prélevés, dans un objectif de meilleure prise en compte de la souffrance des familles. Enfin, parce qu'il est indispensable d'informer et d'accompagner les familles dans ces épreuves douloureuses, le garde des sceaux a élaboré, sur la base du rapport « Comment améliorer l'annonce des décès ? » d'octobre 2019, une circulaire interministérielle relative à l'annonce des décès et au traitement respectueux du défunt et de ses proches. Cette instruction, datée du 2 décembre 2023, définit le cadre général des annonces de décès dans un cadre judiciaire, et le traitement respectueux du défunt et de ses proches rappelle notamment les termes de la recommandation européenne R (99) 3 sur l'harmonisation des règles en matière d'autopsie médico-légale, reprise par la Société française de médecine légale, qui préconise la réalisation de prélèvements par échantillonnage d'organes, et non la réalisation de prélèvements d'organes entiers. Ainsi, le Gouvernement agit pour l'accompagnement des familles de victimes en cas d'autopsie judiciaire de leur proche défunt et l'amélioration du cadre juridique applicable, en lien avec la représentation nationale.

Données clés

Auteur : M. Frédéric Cabrolier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 21 novembre 2023
Réponse publiée le 27 février 2024

partager