16ème législature

Question N° 13292
de Mme Christine Engrand (Rassemblement National - Pas-de-Calais )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition écologique et cohésion des territoires
Ministère attributaire > Collectivités territoriales et ruralité

Rubrique > mer et littoral

Titre > Sincérité démocratique des concessions d'utilisation du domaine public maritime

Question publiée au JO le : 28/11/2023 page : 10656
Réponse publiée au JO le : 23/04/2024 page : 3217
Date de changement d'attribution: 26/03/2024
Date de renouvellement: 09/04/2024

Texte de la question

Mme Christine Engrand interroge M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la sincérité des décisions de concessions d'utilisation du domaine public maritime prises en l'absence de délibération du conseil municipal. Pour l'heure, l'article R. 2124-6 du code général de la propriété des personnes publiques dispose que « le projet (de concessions d'utilisation du domaine public maritime) est soumis pour avis aux communes et établissements publics de coopération intercommunale intéressés » et que « l'absence de réponse dans le délai de deux mois vaut avis favorable ». Or cette rédaction ne laisse pas présager de la qualité des personnes de la commune auxquelles est notifiée la soumission, par le préfet, d'un avis à propos d'un projet de concession d'utilisation du domaine public. Partant, le préfet peut se contenter de notifier ce projet au maire de la commune, qui peut alors se réserver le droit de communiquer ou non la demande d'avis du préfet aux autres membres de son conseil municipal. Dans cette hypothèse, un édile peut décider de l'avis favorable de la collectivité à un projet de concession d'utilisation du domaine public maritime, sans consulter les autres représentants communaux, fussent-ils d'opposition, en ne transmettant pas l'avis de sa commune au préfet. Ce pouvoir discrétionnaire induit par la rédaction de cet article est d'autant plus problématique qu'en cas de compilation de l'avis des communes sollicitées par la préfecture, il permet de déguiser une décision unilatérale en acte consensuel aux yeux des concitoyens partie à l'enquête. En l'occurrence, la décision de concéder l'utilisation du domaine public maritime est, au titre du b) du 2) de l'article L. 181-28-1 du code de l'environnement, un document nécessaire à l'obtention d'une autorisation environnementale pour certains projets ayant une incidence environnementale, notamment les installations de production d'énergies renouvelables en mer, telles que les éoliennes implantées en mer. Il en résulte qu'un maire a aujourd'hui le pouvoir d'influencer la décision du préfet et l'opinion de la population concernant l'effective mise en œuvre d'un projet éolien en mer en refusant de communiquer un avis à ce sujet. Cette possibilité laissée au maire, contraire aux principes démocratiques de la République, attente également à toutes les exigences éthiques et déontologiques en jetant en pâture les édiles aux tentations et aux pressions exercées à leur encontre pour l'obtention d'un avis favorable à un projet. Cette situation est d'autant plus préjudiciable pour des projets aux contours discutables tels que le projet de parc éolien au large du littoral dunkerquois. Pour rappel, par avis délibéré n° 2023-49 du 21 septembre 2023, l'Autorité environnementale demande « de justifier les raisons ayant conduit l'État à retenir la zone, objet de l'appel d'offres (AO), au sein d'une aire marine protégée ». En outre, sur la dizaine de communes interrogées par la préfecture, les trois communes ayant procédé à une délibération ayant donné lieu à un vote en conseil municipal ont rejeté le projet. À cet égard, elle lui demande l'interprétation précise du Gouvernement du passage précité de l'article R. 2124-6 du code général de la propriété des personnes publiques, notamment en déclinant la liste des interlocuteurs du préfet recouverts par la notion de « commune » et, le cas échéant, en précisant les devoirs de publicité du maire s'il était le seul interlocuteur, auquel cas elle lui demande également si une rédaction mentionnant explicitement le conseil municipal en tant que partie à l'avis sollicité par le préfet est envisageable et sinon, pourquoi.

Texte de la réponse

Le code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) prévoit que les dépendances du domaine public maritime situées hors des limites administratives des ports peuvent faire l'objet de concessions d'utilisation en vue de leur affectation à l'usage du public, à un service public ou à une opération d'intérêt général. Les articles R. 2124-1 et suivants du CG3P précisent les conditions dans lesquelles peut être concédée une dépendance du domaine public maritime. La demande doit être adressée au préfet qui la soumet à l'avis du préfet maritime ou du délégué du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer. Elle fait l'objet d'une instruction administrative conduite par le service gestionnaire du domaine public maritime qui consulte les administrations civiles ainsi que les autorités militaires intéressées. A l'occasion de cette instruction, le projet est soumis pour avis, comme le prévoit l'article R. 2124-6 du CG3P, « aux communes et établissements publics de coopération intercommunale intéressés ». A défaut de précisions apportées par l'article R. 2124-6 du CG3P sur l'autorité compétente pour rendre cet avis, il convient de se reporter au droit commun et à la répartition des compétences opérée par le législateur entre le conseil municipal et le maire. En particulier, l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune. / Il donne son avis toutes les fois que cet avis est requis par les lois et règlements, ou qu'il est demandé par le représentant de l'Etat dans le département  ». Cette disposition « habilite le conseil municipal à statuer sur toutes les questions d'intérêt public communal, sous réserve qu'elles ne soient pas dévolues par la loi à l'État ou à d'autres personnes publiques et qu'il n'y ait pas d'empiétement sur les attributions conférées au maire » (CE, 29 juin 2001, n° 193716). Les pouvoirs propres du maire, limitativement énumérés à l'article L. 2122-21 du CGCT, ne concernent pas l'utilisation du domaine public maritime naturel de l'Etat. A cet égard, le Conseil d'Etat a pu juger qu'il appartenait au conseil municipal, et non pas au maire, de rendre l'avis requis au titre de l'article 38 désormais abrogé du code des ports qui prévoyait « la consultation des collectivités publiques » pour l'installation d'outillages sur les voies de navigation intérieure et sur les dépendances du domaine public fluvial (CE, 6 avril 1979, n° 02462). Par ailleurs, le conseil municipal ne peut pas déléguer au maire une compétence ne figurant pas à l'article L. 2122-22 du CGCT, qui ne mentionne aucunement l'utilisation du domaine public maritime naturel de l'Etat. Dès lors, il appartient au conseil municipal de la commune intéressée de rendre l'avis mentionné à l'article R. 2124-6 du CG3P. Ainsi, lorsque l'autorité gestionnaire du domaine adresse une demande d'avis, il revient au maire de convoquer le conseil municipal en lui adressant les documents utiles relatifs au projet de concession. Le même raisonnement trouve à s'appliquer s'agissant des établissements publics de coopération intercommunale.