La bienveillance de la justice française face aux trafiquants de drogue
Question de :
M. Jocelyn Dessigny
Aisne (5e circonscription) - Rassemblement National
M. Jocelyn Dessigny interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la bienveillance de la justice française face aux trafiquants de drogue et à la criminalité corrélative. La condamnation est tombée au début du mois de janver 2024 et elle est dérisoire. « Pitch », le condamné, peut en rire en toute tranquillité. 9 mois de prison de sursis probatoire pour détention de 9 grammes de cannabis dans 6 pochons différents et 350 euros en liquide, accompagnés d'une interdiction de se rendre 58, rue Alexandre Dumas à Villers-Cotterêts où les prix de vente de résine de cannabis, d'herbe et de cocaïne ont été tagués sur le mur de l'immeuble, par le réseau de vendeurs de drogue dont « Pitch » fait partie. La juridiction a justifié le ridiculement faible quantum de la peine, par manque de preuves de l'implication de « Pitch » dans les graffitis. Un autre trafiquant de drogue, castrotheodoricien, a été arrêté à Paris à la fin du mois de décembre 2023, avec 17 kilos de résine de cannabis dans sa voiture. S'il bénéficie de la jurisprudence « Pitch » il devrait être condamné à 17 ans de prison avec sursis. La France devient un narco-État qui laisse dépérir sa population par l'usage de la drogue. Tout le territoire français est infesté par le fléau de la drogue, son trafic et la criminalité qu'elle engendre. Il lui demande ce qu'attend le Gouvernement pour faire preuve de courage politique et prendre en charge cette réalité qui gangrène le pays.
Réponse publiée le 4 juin 2024
A titre liminaire, il convient de rappeler qu'il n'appartient pas au garde des Sceaux ni d'intervenir dans des affaires individuelles ni de commenter des décisions de justice, conformément au principe constitutionnel d'indépendance de l'autorité judiciaire. La lutte contre les trafics de stupéfiants constitue une priorité forte du Gouvernement, reprise dans le plan interministériel de lutte contre les trafics de stupéfiants signé le 17 septembre 2019 entre les ministres de l'Intérieur, de la Justice et de l'Action et des Comptes publics. Celui-ci a d'ores et déjà connu des succès significatifs, parmi lesquels le déploiement sur l'ensemble du territoire des cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants, la mise en place d'une nouvelle formation commune aux forces répressives ou la cartographie des points de vente de stupéfiants. Après quatre années d'exercice, la refonte en cours de ce plan interministériel a vocation à adapter chacune des mesures à l'évolution de l'Etat de la menace. Dans ce contexte, le ministère de la Justice est résolument engagé aux côtés du ministère de l'Intérieur et des Outre-mer dans la lutte contre ces trafics et s'investit dans la définition d'une politique pénale pragmatique, adaptée au haut niveau de la menace, aux différentes réalités que recouvrent ces trafics et à leur impact dans les différents territoires. Les principales orientations de politique pénale en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants ont ainsi été rappelées dans la circulaire de politique pénale générale du 20 septembre 2022. Elles tendent à inscrire l'action des parquets à la fois au niveau de l'offre et de la demande. S'agissant de la demande, les orientations données par le ministère de la Justice visent la mise en œuvre d'une politique pénale dissuasive à l'égard des consommateurs, notamment par le recours à l'amende forfaitaire délictuelle et la prise en charge sanitaire et sociale des usagers au titre de la politique de réduction des risques. Il s'agit ainsi d'encourager la sensibilisation des consommateurs à l'impact direct de leur comportement sur le développement des formes graves de criminalité qui s'agrègent autour des trafics, outre l'impact sanitaire néfaste de ces conduites addictives. Concernant l'offre, la réponse pénale vise le démantèlement des trafics au moyen de procédures judiciaires ambitieuses comprenant, dans la mesure du possible, un aspect patrimonial. Pour ce faire, la spécialisation des acteurs en charge de la lutte contre la criminalité organisée représente un aspect essentiel de cette politique pénale. Une organisation judiciaire dédiée a ainsi été mise en place en 2004, à travers la création des JIRS (Juridictions interrégionales spécialisées) puis de la JUNALCO (Juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée) en 2019, dont plus de la moitié des dossiers en cours sont relatifs à des trafics de stupéfiants. Le ministère de la Justice s'est également investi dans la définition d'une politique pénale pragmatique tenant compte des ancrages des trafics sur certains territoires. Ainsi, le garde des Sceaux a t-il assuré la diffusion de circulaires de politique pénale territoriale pour les départements des Bouches-du-Rhône et de la Guyane. Mais une lutte efficace contre les trafics de stupéfiants suppose également la mise à disposition d'outils spécifiques et efficients au service de la mise en œuvre, par l'ensemble des acteurs judiciaires concernés, d'une stratégie de démantèlement proactive des réseaux. Le ministère de la Justice a contribué à adapter l'arsenal juridique à l'évolution de la menace notamment avec la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023 attribuant à la douane de nouveaux moyens. Dans l'objectif corrélatif de parvenir à déstabiliser le modèle économique développé par les groupes criminels en présence, le ministère de la Justice promeut une approche financière des investigations et de la réponse judiciaire en matière de trafic de stupéfiants. Rappelant régulièrement le caractère impératif des saisies et confiscations, le ministère de la Justice s'est investi dans le renforcement de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs crimininels (AGRASC). Ses effectifs ont été augmentés, passant de 45 agents en 2020 à plus de 85 en 2022. En outre, 8 antennes régionales AGRASC contribuent à l'augmentation majeure de la volumétrie des saisies et confiscations. Ainsi en 2023, les chjffres des saisies et des confiscations des avoirs criminels ont-ils considérablement augmenté. 1,4 milliards d'euros ont été saisis. Conscient de la pluralité des services et autorités intervenant en matière de lutte contre les trafics de stupéfiants et de la nécessité de s'inscrire dans une logique d'anticipation, le ministère de la Justice a travaillé aux modalités du renforcement de la coordination entre ces acteurs. A ce titre, a notamment été créé par le décret du 25 avril 2023 un logiciel dit « SIROCCO » (Système informatisé de recoupement et d'orientation contre la criminalité organisée), qui permet aux JIRS et à la JUNALCO de bénéficier d'un outil opérationnel de recensement et de pilotage des affaires dont elles sont saisies et d'établir des liens entre ces procédures. Enfin, certaines dispositions du code pénal et du code de procédure pénale seront modifiées afin de renforcer notre arsenal judiciaire en matière de luttre contre le crime organisé. Le garde des Sceaux a ainsi annoncé, outre la réforme du statut des repentis, la création d'un parquet national anti criminalité organisée (PNACO), la consécration du crime d'association de malfaiteurs et la professionnalisation des cours d'assises pour le jugement des crimes commis en bande organisée. L'ensemble des acteurs du ministère de la Justice œuvre ainsi sans relâche à la lutte contre les trafics de stupéfiants en apportant une réponse sans cesse renouvelée à l'évolution des modes opératoires et à l'état de la menace en la matière.
Auteur : M. Jocelyn Dessigny
Type de question : Question écrite
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 23 janvier 2024
Réponse publiée le 4 juin 2024