16ème législature

Question N° 14512
de Mme Josiane Corneloup (Les Républicains - Saône-et-Loire )
Question écrite
Ministère interrogé > Travail, santé et solidarités
Ministère attributaire > Travail, santé et solidarités

Rubrique > professions de santé

Titre > Pénurie de main d'œuvre dans le secteur de la santé

Question publiée au JO le : 23/01/2024 page : 506
Réponse publiée au JO le : 20/02/2024 page : 1289

Texte de la question

Mme Josiane Corneloup attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités sur la grave pénurie de main d'œuvre dans le secteur de la santé et sur le recours par des établissements de santé à des intervenants à leur compte. D'après une étude de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) publiée début novembre 2023, les tensions de recrutement se sont encore accrues dans les métiers du soin (aides-soignants, infirmiers ou sages-femmes), créant une situation de plus en plus difficile pour les établissements de santé confrontés au vieillissement de la population et aux départs à la retraite des soignants. L'attractivité des métiers est également en question, puisque le nombre de candidats aux formations d'aide-soignant a chuté de 42 % en quatre ans, faisant craindre un manque massif de compétences à court terme. La pénurie de professionnels de santé est d'autant plus préoccupante qu'elle se répercute sur l'ensemble du territoire. La région Bourgogne-Franche-Comté doit ainsi gérer un fort besoin d'aides-soignants, avec plus de 1 000 postes à pourvoir dans les prochaines semaines selon le Centre de formation des apprentis sanitaire et social BFC. Dans ce contexte, le recours à des professionnels paramédicaux indépendants apparaît comme une solution supplémentaire pour pallier les manques de personnel et contribuer à soutenir les équipes permanentes. Ce modèle permet aux aides-soignants, tout en étant à leur compte, d'intervenir sous la responsabilité des infirmiers, dans le strict respect des dispositions du code de la santé publique, de la même manière que s'organisent les soins via les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD). Pour ce qui a trait à l'exercice en tant que microentrepreneur d'une activité d'aide-soignant dans un établissement de santé, dès lors que les actes accomplis le sont « sous la responsabilité » ou « en collaboration » avec l'infirmier, il importe de clarifier les modalités d'organisation pour éviter tout flou juridique qui, s'il n'admet pas formellement ce mode d'exercice, rend difficile toute attaque dès lors que ledit aide-soignant (et donc l'établissement qui y a recours) se conforme au code de la santé publique. Elle lui demande donc de préciser la stratégie nationale pour le recours à ces travailleurs indépendants dans les métiers de la santé en tension et sur les moyens envisagés par le Gouvernement pour mobiliser l'ensemble des solutions disponibles, face à cette pénurie critique.

Texte de la réponse

Les conditions d'exercice de certaines professions règlementées du secteur de la santé font obstacle à l'exercice même de ces activités sous un statut d'indépendant. C'est en particulier le cas de la profession d'aide-soignant. L'article R. 4311-4 du code de la santé publique dispose ainsi que « lorsque les actes accomplis et les soins dispensés relevant de son rôle propre sont dispensés dans un établissement ou un service à domicile à caractère sanitaire, social ou médico-social, l'infirmier ou l'infirmière peut, sous sa responsabilité, les assurer avec la collaboration d'aides-soignants, d'auxiliaires de puériculture ou d'accompagnants éducatifs et sociaux qu'il encadre et dans les limites respectives de la qualification reconnue à chacun du fait de sa formation. Cette collaboration peut s'inscrire dans le cadre des protocoles de soins infirmiers mentionnés à l'article R. 4311-3. […] ». L'article 1er de l'arrêté du 10 juin 2021 relatif à la formation conduisant au diplôme d'Etat d'aide-soignant et portant diverses dispositions relatives aux modalités de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux précise que « le diplôme d'Etat d'aide-soignant atteste de l'acquisition des compétences requises pour exercer la profession d'aide-soignant sous la responsabilité d'un infirmier dans le cadre de l'article R. 4311-4 du code de la santé publique ». Un aide-soignant ne peut exercer seul, sans contrôle ou responsabilité d'un infirmier diplômé d'Etat et ne peut exercer qu'en établissement ou en service à domicile à caractère sanitaire, social ou médico-social. En l'état actuel de la règlementation, il n'est donc légalement pas possible pour un aide-soignant d'exercer en tant que travailleur indépendant et d'être mis à disposition auprès d'un établissement de santé ou médico-social sous ce statut, comme le proposent ces plateformes de mise en relation. En deuxième lieu, malgré le fait qu'une profession médicale ou paramédicale puisse être exercée sous statut libéral, à l'instar des infirmiers diplômés d'Etat, l'exercice de ces professionnels en tant que travailleur indépendant au sein des établissements de santé ou médico-sociaux peut tomber sous le coup de la qualification de travail dissimulé. En effet, un travailleur indépendant doit disposer d'une marge d'autonomie dans l'exercice de ses fonctions, caractérisée notamment par la liberté de choix de ses horaires de travail, l'utilisation de son propre matériel, ou le fait de pouvoir développer une patientèle propre. Si ces professionnels exercent au contraire dans les mêmes conditions que les salariés ou agents de l'établissement, en étant notamment intégrés dans le même cadre hiérarchique et dans les mêmes plannings d'activité, sans pouvoir choisir leurs activités et leurs horaires, alors le contrat commercial peut, sous réserve de l'interprétation souveraine du juge civil ou pénal, être requalifié en contrat de travail salarié. La responsabilité de l'établissement peut alors être engagée au titre du travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, et donner lieu à des sanctions pénales, assorties du paiement des cotisations sociales dues aux URSSAF.