Accès aux documents administratifs
Question de :
Mme Christelle D'Intorni
Alpes-Maritimes (5e circonscription) - Les Républicains
Mme Christelle D'Intorni appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les difficultés rencontrées quant à la communication de documents administratifs et ce, en application des dispositions des articles 300 et suivants du code des relations entre le public et les administrations. En effet, Mme la députée sait qu'en vertu de la loi, tout administré a le droit de demander des pièces administratives. Or si l'administration le refuse, ces derniers se doivent de saisir la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) pour obtenir un avis quant à une éventuelle communication desdites pièces. À réception de l'avis formulé par la CADA, les demandeurs doivent impérativement le notifier à l'administration, date à partir de laquelle cette dernière dispose de 30 jours pour s'exécuter. Une fois de plus et si l'administration se refuse à une telle exécution, le demandeur doit saisir, dans un délai de 2 mois, le tribunal administratif compétent afin d'obtenir l'annulation de cette décision implicite de rejet. Cependant, si le tribunal administratif annule la décision de l'administration pour excès de pouvoir et enjoint à la collectivité de communiquer les pièces querellées, force est de constater que si l'administration se refuse à nouveau à communiquer les pièces, il n'existe aucune mesure d'exécution forcée permettant d'assurer le respect des décisions judiciaires. Mme la députée souhaite donc dénoncer cette situation qui porte atteinte à la notion même d'État de droit et qui fragilise les libertés fondamentales des administrés. En conséquence et dans le dessein de mettre un terme à cette situation de blocage, elle lui demande s'il entend créer en la matière une mesure d'exécution forcée contre l'administration afin que les pièces demandées puissent être communiquées et que dans le même temps, les décisions de justice soient respectées.
Réponse publiée le 27 février 2024
Le droit d'accès aux documents administratifs, consacré par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, est désormais codifié dans le code des relations entre le public et l'administration (CRPA), et plus particulièrement au sein de son livre III. Par une décision du 3 avril 2020, n° 2020-834 QPC, le Conseil constitutionnel a conféré une valeur constitutionnelle à ce droit, en se fondant sur les dispositions de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. La Commission d'accès aux documents administratifs est une autorité administrative indépendante chargée de veiller à la liberté d'accès aux documents administratifs. Le recours devant elle constitue un préalable obligatoire à tout recours contentieux (article L. 342-1 du CRPA). Le contentieux de l'accès aux documents administratifs est un contentieux de l'excès de pouvoir qui donne lieu à un contrôle normal du juge administratif sur la décision de refus de communication. Désormais, en raison de la nature des droits en cause, de la nécessité de prendre en compte l'écoulement du temps et l'évolution des circonstances de droit et de fait et afin de conférer un effet pleinement utile à son intervention, le juge administratif apprécie la légalité de la décision de refus de communication à la date à laquelle il statue (CE, 1er mars 2021, n° 436654). En application de l'article L. 11 du code de justice administrative, les décisions de justice rendues par les juridictions administratives sont exécutoires. La personne publique ou la personne de droit privé chargée d'une mission de service public est ainsi tenue d'exécuter la décision de justice qui annule son refus de communication. L'exécution des décisions des juridictions administratives est absolue et une personne publique ne peut s'en exonérer en invoquant des impossibilités techniques (Conseil d'Etat, 14 décembre 1983, n° 30795). Toutefois, il se peut que l'administration refuse d'exécuter la décision prononcée à son encontre. Si les voies d'exécution du droit commun ne sont pas applicables aux personnes publiques, deux mécanismes permettent de contraindre l'administration à exécuter les décisions de justice : l'injonction et la saisine du juge de l'exécution. Saisi de conclusions sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, le juge qui prononce l'annulation d'un refus de communication peut être amené, selon les motifs qui fondent sa décision, à enjoindre à l'autorité administrative ou à la personne privée chargée d'une mission de service public de communiquer le document en cause (CE, 12 juillet 1995, n° 161803). Depuis 2019, le juge peut prescrire d'office une injonction assortie le cas échéant d'une astreinte. Dans l'hypothèse où l'administration tarderait à exécuter la décision juridictionnelle, les articles L. 911-4 et L. 911-5 du code de justice administrative permettent de saisir le juge de l'exécution a posteriori. La procédure débute par une phase administrative d'une durée maximale de six mois. Elle peut être suivie par une phase juridictionnelle à l'initiative de la juridiction, si le président de la juridiction estime nécessaire de prescrire des mesures d'exécution, si la demande n'a pas été satisfaite dans un délai de six mois ou si le requérant conteste le classement administratif de sa demande. L'ensemble des garanties procédurales contentieuses s'applique au contentieux relatif à la communication des documents administratifs. L'intervention du juge administratif protège le droit de la personne qui a sollicité la communication de documents administratifs. Il n'apparaît donc pas nécessaire de créer une procédure contentieuse spécifique à la communication de ces documents. Enfin, dans certaines situations, la jurisprudence reconnaît à la personne qui souhaite obtenir la communication de documents administratifs la possibilité de saisir le juge des référés « mesures utiles » sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative. Le juge des référés a le pouvoir d'ordonner la communication de tous les documents permettant à un requérant d'engager une action relevant de la juridiction administrative (CE, 11 mai 1979, n° 11551). Compte tenu de l'objet même de ces dispositions, le requérant n'a pas à saisir la Commission d'accès aux documents administratifs préalablement à la saisine du juge des référés (CE, 29 avril 2002, n° 239466).
Auteur : Mme Christelle D'Intorni
Type de question : Question écrite
Rubrique : Administration
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 30 janvier 2024
Réponse publiée le 27 février 2024