16ème législature

Question N° 14787
de M. Xavier Roseren (Renaissance - Haute-Savoie )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et souveraineté alimentaire
Ministère attributaire > Agriculture et souveraineté alimentaire

Rubrique > agriculture

Titre > Consommation masquée des terres agricoles

Question publiée au JO le : 06/02/2024 page : 716
Réponse publiée au JO le : 26/03/2024 page : 2389

Texte de la question

M. Xavier Roseren attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l'utilisation des zones agricoles à destination d'activités non-agricoles. Dans les territoires dynamiques, les espaces agricoles subissent une forte pression liée à l'urbanisation mais cette artificialisation n'est pas la seule cause de la diminution des surfaces agricoles productives, l'acquisition de ce foncier pour des usages de loisirs ou pour changement d'usage y contribue également. La société d'aménagement foncier et d'établissement rural identifie ce phénomène comme une consommation foncière « masquée ». Il s'agit, pour un non-agriculteur, de réaliser un achat, résidentiel ou d'agrément, menant à la perte de son usage agricole initial. Les prix moyens consentis sont bien supérieurs au prix agricole. L'usage de loisir est par ailleurs difficilement réversible et implique par conséquent une indisponibilité ou précarisation du foncier pour l'agriculture. Cette consommation masquée n'impacte pas seulement les surfaces productives disponibles, elle contribue également au mitage des ilots agricoles, multiplie les risques de conflit d'usage et peut engendrer la dégradation des milieux naturels et de leurs ressources, pourtant encadrés par une planification et un droit des sols appliqué. Près de 7 165 ha de surfaces agricoles seraient actuellement fragilisés chaque année en Auvergne-Rhône-Alpes, avec un détournement avéré ou potentiel de leur usage initial (0,2 % de la SAU/an). Contrairement au développement urbain, cette consommation foncière masquée n'étant pas planifiée ni anticipée, ses conséquences ne sont pas atténuées par des dispositifs et mesures d'accompagnement (compensations agricoles collectives, aménagements fonciers). Il lui demande si le Gouvernement envisage de réguler ce détournement et si des outils et moyens d'intervention existent, à l'instar des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural dont les compétences sont parfois limitées.

Texte de la réponse

Dans la lutte pour le maintien de la souveraineté alimentaire du pays, la protection du foncier à usage ou vocation agricole revêt pour le Gouvernement une priorité particulière. L'artificialisation des sols (désormais limitée depuis l'entrée en vigueur des lois promouvant le « zéro artificialisation nette ») n'est ainsi pas la seule cause de la diminution des surfaces disponibles pour les activités agricoles : l'acquisition de foncier agricole productif pour des usages de loisir ou pour changement d'usage (stockage de matériaux, installations non agricoles professionnelles ou non, projet de construction à moyen ou long terme) a également un fort impact. Les parcelles concernées ne faisant pas l'objet d'un projet de construction à court terme, elles échappent aux indicateurs développés pour mesurer l'évolution de la surface agricole disponible : cette « consommation foncière masquée » représente pourtant des surfaces souvent équivalentes à celles artificialisées. Deux types de risque de consommation foncière masquée peuvent être distingués : - d'une part, les projets de transaction sur le foncier non bâti peuvent, lors de notifications de vente, laisser entrevoir un abandon à brève ou moyenne échéance de l'usage agricole pour une réallocation vers des usages de loisir ou professionnel non agricole (stockage par exemple). Dans un tel cas de figure, l'intervention de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) est possible et souhaitable. La SAFER peut destiner le bien à un ou plusieurs acquéreurs exploitants agricoles, si nécessaire en exerçant la préemption sur le bien afin de le rétrocéder ultérieurement à des agriculteurs. Elle peut également, par la préemption, se réserver la possibilité, le cas échéant, de réévaluer le prix de vente à la baisse, dans une fourchette compatible avec les prix constatés pour des biens équivalents d'usage ou de destination agricole. Il s'agit là de l'exercice par chaque SAFER de son cœur de mission de gestion et de protection des espaces agricoles ; - d'autre part, les projets de transaction portant sur la cession à des non-agriculteurs de propriétés bâties disposant de surfaces agricoles et naturelles qui sont orientées vers un usage d'agrément ou de loisir. Dans ce cas de figure, les possibilités d'intervention de la SAFER peuvent être plus limitées, pour plusieurs raisons. D'une part la société est susceptible d'intervenir en préemption partielle, étant surtout intéressée par le maintien de l'usage agricole des terres, beaucoup moins par le ou les bâtiments d'habitation. Or dans un tel cas de figure, le vendeur peut contraindre la SAFER à acquérir la totalité du bien. D'autre part, la valeur vénale du bâtiment peut être considérable au regard de celle des terres agricoles à protéger : dans un tel contexte, l'intervention de la SAFER peut être rendue impossible, soit pour de strictes raisons financières, soit parce que le bâtiment d'habitation, amputé des terres, présente un risque avéré de non-revente, ce que la société ne peut se permettre. Cependant, dans tous les cas de figure, les SAFER peuvent s'efforcer d'intervenir à l'amiable dans les transactions, en vue notamment d'adjoindre à l'acte de vente un cahier des charges imposant le maintien, sur les 10 à 30 ans à compter de la vente, d'une activité agricole professionnelle sur le bien en cause, au besoin en intermédiant la passation d'un bail rural entre le nouvel acquéreur et l'exploitant en place ou tout nouvel exploitant si le bien était libre de bail. Sur le terrain, lorsque le détournement de la vocation ou de l'usage agricole initial est avéré, il peut être nécessaire d'engager la procédure de remise en culture des terres incultes ou manifestement sous-exploitées. Cette procédure est encadrée par les dispositions prévues aux articles L. 125-1 à L. 125-15 du code rural et de la pêche maritime. Dans ce contexte, la mesure 30 du pacte d'orientation pour le renouvellement des générations en agriculture présenté en décembre 2023 associera les parties prenantes pour réfléchir notamment à la manière de stimuler les remises en culture. Enfin, lorsque les parcelles en cause ont conservé une vocation agricole mais sont détournées de leur usage par des constructions illégales, les collectivités territoriales peuvent et doivent également intervenir. Ainsi les articles L. 481-1 à L. 481-3 du code de l'urbanisme, entrés en vigueur depuis le 29 décembre 2019, prévoient un mécanisme de mise en demeure de régulariser sous astreinte les constructions, travaux et installations réalisés en infraction au code de l'urbanisme. Dès lors que le procès-verbal d'infraction au code de l'urbanisme est dressé, l'autorité compétente a la faculté de mettre en demeure l'auteur de cette infraction de procéder aux travaux nécessaires à la mise en conformité de sa construction ou de déposer une demande d'autorisation visant à les régulariser a posteriori. Cette mise en demeure peut être assortie d'une astreinte d'un montant de 500 euros maximum par jour de retard dont le produit revient à la collectivité compétente en matière d'urbanisme. Il s'agit donc là d'un moyen simple et rapide à disposition des collectivités pour traiter les constructions illégales sur les terrains à vocation agricole.