État d'urgence de la psychiatrie en France et de l'hôpital Camille Claudel
Question de :
M. René Pilato
Charente (1re circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale
M. René Pilato alerte Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités sur l'état d'urgence dans lequel se trouve la psychiatrie publique en France et, à titre de signal, le centre hospitalier Camille Claudel de la Charente. En décembre 2023, le conseil de surveillance, le directoire, la commission médicale d'établissement et le comité social d'établissement ont adopté à l'unanimité une motion pointant les trop grandes difficultés budgétaires auxquelles la structure doit faire face et la nécessaire intervention financière des autorités de santé pour permettre sa « survie ». L'hôpital estime le déficit pour l'exercice 2023 à plus d'un million d'euros, déficit qui pourrait être multiplié par trois pour 2024. Additionnant la hausse des coûts de l'énergie et des assurances, le besoin de fonctionnement pour financer les mesures salariales qui ne sont qu'en partie compensées par l'État, le besoin d'investissement pour répondre à la vétusté des bâtiments et des matériels et la nécessité de leur mise aux normes et le besoin de recrutement, l'établissement se sait dans une situation critique. Une visite de l'établissement a permis à M. le député de constater notamment la vétusté du « logis » : dans ce bâtiment datant du XIXe siècle l'ascenseur subit des pannes régulières, il n'existe que deux toilettes pour 10 patients et l'issue de secours est un escalier en colimaçon. Le drame survenu dimanche 28 janvier 2024 à l'hôpital Purpan devrait tirer la sonnette d'alarme : comment peut-on encore concevoir une unité psychiatrique avec une issue de secours si dangereuse ? Cette situation de déficit soulève la question des normes et des mesures salariales imposées aux hôpitaux et des moyens nécessaires à leur mise en application, dont ils ne disposent pas. Elle pose également la question de l'égalité territoriale d'accès au service public. Une analyse comparée des dotations annuelles de financement (DAF historique) des départements de la région Nouvelle-Aquitaine met en lumière la sous-dotation historique de la psychiatrie en Charente : quand il est consacré, à l'échelle régionale, en moyenne 172 euros par habitant, c'est seulement 141 euros en Charente. En prenant en compte le fait que l'hôpital Camille Claudel assure pour les départements voisins un rôle de soutien dans plusieurs domaines, comment Mme la ministre explique-t-elle ce sous-financement ? Ce déficit exponentiel est aussi le résultat d'un abandon par l'État du secteur public de la psychiatrie. Entre 1976 et 2016, ce sont 60 % des lits qui ont été fermés. Depuis la pandémie de la covid-19, au moins 25 % des établissements ont fermé jusqu'à 30 % de leurs capacités d'accueil. En 2023, pour la première fois, des services d'urgences psychiatriques ont fermé la nuit dans certains départements. Ce sont 10 lits du centre de crise de l'hôpital Camille Claudel qui ont fermé en 2021, alors que la pression sur les urgences médicales est partout maximale. Les hôpitaux ne peuvent pas, dans l'état actuel des choses, garantir des conditions d'accueil à la hauteur des besoins des patients et sont contraints de laisser leurs soignants gérer la pénurie. Selon une étude de l'Unafam, 47 % des malades ont dû attendre deux ans pour qu'un diagnostic soit posé. Selon le baromètre 2023 de l'Union des familles et amis de personnes malades ou handicapées psychiatrique, sur 4 000 interrogés, 60 % disent que le patient a subi une mesure d'isolement et pour 44 % des répondants, il y a eu un refus de visite du patient. Pourtant, les troubles psychiques touchent davantage qu'avant. Pourtant, la psychiatrie est une des urgences nationales. Lors de leur visite de l'hôpital en 2021, le Premier ministre Jean Castex et le ministre de la santé Olivier Véran avaient annoncé une enveloppe supérieure à 16 691 000 euros. Depuis, l'établissement n'a reçu que 358 000 euros. L'hôpital Camille Claudel est une structure qui fait la fierté des Charentais. Il est la seule structure de soins psychiatriques en Charente, la seule structure labellisée « Haute Qualité des Soins » en Nouvelle Aquitaine, il a recruté 7 praticiens depuis juin 2023 et a bon espoir de rouvrir des lits dans les prochaines années. Il lui demande, dans l'esprit de la promesse faite en 2021, si elle peut s'engager à rehausser le financement de la psychiatrie à la hauteur de la moyenne régionale et à débloquer une aide à l'investissement à la hauteur de la situation de l'hôpital.
Auteur : M. René Pilato
Type de question : Question écrite
Rubrique : Établissements de santé
Ministère interrogé : Travail, santé et solidarités
Ministère répondant : Santé et prévention
Date :
Question publiée le 6 février 2024
Date de cloture :
11 juin 2024
Fin de mandat