16ème législature

Question N° 14870
de M. Frédéric Cabrolier (Rassemblement National - Tarn )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > famille

Titre > Résidence alternée de l'enfant en cas de séparation parentale

Question publiée au JO le : 06/02/2024 page : 758
Réponse publiée au JO le : 05/03/2024 page : 1606

Texte de la question

M. Frédéric Cabrolier attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'exercice conjoint de l'autorité parentale en cas de séparation et, notamment, pour chacun des père et mère, sur la nécessité de maintenir des relations personnelles avec leur enfant. Si la résidence alternée permet à ce dernier de partager son quotidien avec chacun des parents et de tisser d'indéfectibles et équitables liens, elle participe à une vie familiale plus équilibrée favorisant une implication plus grande des deux parents dans son éducation où depuis un demi-siècle la place des mères et des pères évolue. Pourtant, ce mode de résidence alternée demeure minoritaire et son recours peu usité par les juges aux affaires familiales (JAF) qui, en tout état de cause, n'ont pas à motiver son éviction au nom de l'enfant. La loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale a fait entrer la résidence alternée dans le code civil. Les travaux préparatoires témoignent que la volonté du législateur était de donner la priorité à ce mode de résidence. Or, en France, aujourd'hui, seuls 12 % des enfants de parents séparés contre 37 % en Belgique, 40 % en Italie ou 48 % en Suède bénéficient du mode de résidence alternée d'après l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Plus inquiétant, ce chiffre est en baisse. Il était de 15 % en 2015 alors qu'il était déjà parmi les plus faibles d'Europe. En cas d'opposition de la mère, la demande de résidence alternée formulée par le père ne semble être accordée que dans 30 % des cas. Ainsi, il apparaît que la volonté du législateur n'a pas été respectée. En conséquence, il lui demande si au-delà des actuelles initiatives parlementaires visant à favoriser des relations équilibrées entre les parents et leur enfant en cas de séparation, en faisant de la résidence alternée la règle et non l'exception, il envisage lui-même de prendre des mesures incitatives pour remédier à ces disparités et iniquités dans l'exercice de cette coparentalité.

Texte de la réponse

Le droit en vigueur promeut largement la résidence alternée puisqu'il impose, d'ores et déjà, au juge aux affaires familiales d'envisager la résidence alternée en première intention et de la favoriser. Ainsi, l'article 373-2-9 du code civil, d'une part, dispose que « la résidence de l'enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l'un d'eux. » et, d'autre part, permet au juge de mettre en place une résidence alternée à l'essai, à titre provisoire, et laisse à ce dernier toute latitude pour en fixer les modalités et prévoir le cas échéant une progressivité. Il en résulte que la résidence alternée progresse de manière significative en France. A titre illustratif, en 2016, 400 000 enfants mineurs vivaient en résidence alternée (source INSEE Première n° 1728, janvier 2019). Selon l'étude de l'INSEE n° 1841 de mars 2021, en France hors Mayotte, 480 000 enfants mineurs partageaient en 2020 de manière égale leur temps entre les domiciles de leurs parents séparés. La résidence alternée égalitaire avait ainsi progressé de 20 % en quatre ans, de 2016 à 2020. Plusieurs obstacles se dressent toutefois face à la généralisation du principe de la résidence alternée. D'une part, le juge est lié par les demandes des parties. Or, dans la grande majorité des cas, les parents s'accordent sur les modalités d'organisation de la résidence des enfants et ne choisissent pas la résidence alternée. En cas de désaccord, les parents sollicitent rarement la résidence alternée. Le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes relevait ainsi, dans son rapport en date du 22 novembre 2017, que « Si la résidence des enfants est majoritairement fixée aujourd'hui chez les mères, c'est parce que les pères ne la demandent pas. En effet, 93,4 % des décisions des juges aux affaires familiales sont rendues conformément à la demande des pères et 95,9 % conformément à la demande des mères. ». Le juge étant lié par les demandes des parties, il appartient donc aux parents et à leurs conseils de solliciter davantage la résidence alternée s'ils le souhaitent. D'autre part, la résidence alternée paritaire ne peut être un modèle unique pour tous. Elle peut être adaptée à la situation de l'enfant dans certains cas et ne pas l'être dans d'autres. La résidence alternée doit être le mode privilégié en particulier lorsque chacun des parents a eu un investissement réel auprès de l'enfant du temps de la vie commune et que les conditions de vie de chacun le permettent afin de maintenir, autant que faire se peut, la stabilité du cadre de vie de l'enfant après la séparation de ses parents. En revanche, elle ne sera pas adaptée en cas d'éloignement géographique ou bien dans un contexte de violences. C'est pourquoi, lorsque le juge rejette une demande de résidence alternée, ce refus est motivé par l'intérêt de l'enfant (en particulier au regard de l'éloignement entre les domiciles des deux parents, de l'âge de l'enfant, des mauvaises relations entre les parents, de l'indisponibilité d'un des deux parents,  des conditions matérielles, ou des capacités éducatives insuffisantes d'un des deux parents). Il est essentiel de conserver la possibilité pour le juge de prendre en compte la réalité de chaque situation familiale et d'apprécier au cas par cas l'intérêt de l'enfant afin d'ajuster sa décision aux multiples configurations familiales. Les règles existantes permettent déjà de répondre à la demande des parents à ce titre. Aucune évolution législative n'est donc envisagée à ce jour.