16ème législature

Question N° 16095
de M. Benjamin Saint-Huile (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires - Nord )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > lieux de privation de liberté

Titre > Quelles mesures de long terme contre la surpopulation carcérale

Question publiée au JO le : 12/03/2024 page : 1752
Réponse publiée au JO le : 14/05/2024 page : 3877

Texte de la question

M. Benjamin Saint-Huile attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la surpopulation carcérale et la dégradation des conditions de détention et de travail des personnels. En février 2024, 76 258 détenus furent comptabilisés au sein des prisons françaises pour 61 737 places, soit 5,5 % de plus en un an. Un nouveau record qui ne cesse d'être battu tous les mois. À ce rythme de croissance soutenue de la population pénale, la livraison globale des 15 000 places supplémentaires programmée d'ici 2027 ne va pas suffire à la direction de l'administration pénitentiaire pour tenir l'objectif de 80 % d'encellulement individuel. Le non-respect de ce principe fondamental est d'ores et déjà insupportable et indigne de la démocratie française. Cette surpopulation chronique entraîne de fait une dégradation des conditions d'exercice de tous les personnels pénitentiaires, qui sont sursollicités et ne parviennent plus à exercer leurs missions dans un cadre de travail acceptable. Ils font face au quotidien aux problèmes de cohabitation dans les cellules, aux tensions menaces et agressions. Cette surcharge de travail s'accumule dans tous les services. À ces grandes difficultés des conditions de travail s'ajoute la détérioration rapide du parc immobilier. Dans ce contexte, il apparaît indispensable d'ouvrir une réflexion de fond autour du rôle des prisons dans la société. Les interpellations sont nombreuses pour inviter à sortir d'une logique comptable de gestion de flux, au détriment des missions de sécurité, de garde et de réinsertion. Une adaptation du parc immobilier actuel, pour que les capacités d'hébergement et le profil des personnes incarnées permettent aux personnels pénitentiaires le plein exercice de leurs missions, pourrait être envisagée. Il l'interroge donc sur les mesures concrètes envisagées pour réduire sur le long terme la surpopulation carcérale.

Texte de la réponse

Le ministère de la Justice poursuit son engagement afin d'assurer l'effectivité de la réponse pénale, améliorer les conditions de travail des personnels pénitentiaires et améliorer les conditions de détention. L'ambitieux programme immobilier de livraison de 15 000 places supplémentaires de prison, souhaité par le président de la République, doit permettre d'atteindre un taux d'encellulement individuel de 80 % sur la totalité des établissements du parc dès 2027. Les établissements sont implantés dans les territoires qui connaissent les taux de surpopulation les plus importants, à savoir principalement dans les grandes agglomérations. Au total, près de la moitié des établissements seront opérationnels en 2024, sur les 50 que compte le plan 15 000. Ce programme se caractérise par une typologie diversifiée des établissements pénitentiaires pour mieux adapter les régimes de détention au profil des personnes détenues selon leur parcours, leur peine et leur projet de réinsertion : des maisons d'arrêt sécurisées et à sûreté adaptée, mais également des structures d'accompagnement vers la sortie (SAS) sont créées. Ces établissements ont vocation à accueillir des personnes condamnées dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à deux ans et proposent un régime de détention adapté, orienté autour de la responsabilisation de la personne détenue afin de préparer efficacement son retour à la vie libre et d'éviter la réitération de son comportement délinquant. Enfin, trois établissements tournés vers le travail dénommés InSERRE (Innover par des structures expérimentales de responsabilisation et de réinsertion par l'emploi) seront également livrés. Outre la création de nouvelles places, les récentes évolutions législatives sont intervenues afin de favoriser le recours aux alternatives à l'incarcération, pour les infractions de faible gravité. Elles permettent également de prévenir la récidive et de favoriser la réinsertion des personnes placées sous main de justice. En effet, la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a permis de renforcer le sens et l'efficacité des peines prononcées en limitant le recours aux courtes peines d'incarcération, en favorisant les aménagements de peine ab initio pour les peines inférieures ou égales à un an et en prohibant les peines d'emprisonnement inférieures à un mois. Plus encore, la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire est venue réaffirmer le principe selon lequel la détention provisoire doit demeurer exceptionnelle. Ses dispositions visent à favoriser le recours à l'assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE). A cet égard, le recours à cette mesure a augmenté de manière sensible : 309 mesures en janvier 2020 et 446 en janvier 2022. La loi du 22 décembre 2021 introduit également une mesure de libération sous contrainte de plein droit, dans le but d'éviter les sorties sèches et prévenir la récidive. Il est à noter qu'au 1er décembre 2023, 18 334 personnes écrouées ont bénéficié d'une mesure d'aménagement de peine. Depuis l'été 2022, les directeurs centraux de l'administration pénitentiaire, des affaires criminelles et des grâces ainsi que des services judiciaires ont rencontré l'ensemble des chefs de cour et de juridictions au sein des directions interrégionales, afin d'échanger sur la problématique de la surpopulation carcérale et d'identifier les leviers existants. Aussi, la direction de l'administration pénitentiaire, particulièrement vigilante à la régulation des effectifs des établissements les plus suroccupés, mène une politique volontariste d'orientation des personnes détenues vers les établissements pour peine, y compris à faible reliquat de peine. Les actions de pilotage mises en œuvre permettent un suivi en temps réel des besoins et capacités d'accueil des établissements pénitentiaires. Cette politique a donné des résultats significatifs puisque, si au 1er juin 2020, le taux d'occupation des quartiers centre de détention (QCD) et des centres de détention (CD) était de 84,1 %, au 1er décembre 2023, il était de 96,9 %.