Question écrite n° 194 :
Retraits de points pour des dépassements de vitesse inférieurs à 10 km/h

16e Législature

Question de : M. Fabien Di Filippo
Moselle (4e circonscription) - Les Républicains

M. Fabien Di Filippo appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur les conséquences pour les conducteurs professionnels des retraits de points pour des dépassements de vitesse inférieurs à 10 km/h. Le code de la route sanctionne tout dépassement des limitations de vitesse, y compris si ce dernier constitue un excès d'1 ou 2 km/h. Les sanctions prévues pour un excès de vitesse compris entre 1 et 19 km/h sont, si la vitesse autorisée est supérieure à 50 km/h, le retrait de 1 point et une amende forfaitaire de 3e classe et si la vitesse autorisée est inférieure ou égale à 50 km/h, la perte de 1 point et une amende forfaitaire de 4e classe. Ces sanctions concernent tous les conducteurs, professionnels et non professionnels. Or le risque pour ces professionnels du transport d'effectuer de légers dépassements de vitesse est démultiplié (légalement, un chauffeur routier peut rouler jusqu'à 56 heures sur une semaine isolée quand les Français passent 7 heures par semaine en moyenne au volant) et chacun de ces dépassements peut donner lieu à une perte de points pouvant conduire à terme à une perte d'emploi. Des dépassements de 3 ou 4 km/h ne constituent pourtant pas une menace pour la sécurité routière. De plus, pour les conducteurs professionnels, les points sont comptabilisés et additionnés, qu'il s'agisse d'infractions commises dans le cadre de leur emploi ou non. Ils sont donc pénalisés dans leur profession pour des fautes commises en dehors de leur activité professionnelle, ce qui va à l'encontre d'une réelle équité en matière d'emploi. Pour répondre à ces difficultés, il semblerait pertinent de distinguer les dépassements au-dessus et en dessous de 10 km/h et de ne pas sanctionner par un retrait de points les infractions inférieures à 10 km/h pour les conducteurs professionnels lorsqu'elles sont commises dans le cadre de leur travail. Une réflexion semblait d'ailleurs en cours au sein du ministère de l'intérieur afin de ne plus retirer de points sur le permis de conduire des automobilistes coupables de « petits excès de vitesse », inférieurs ou égaux à 5 km/h. Selon une étude du cabinet britannique Transport Intelligence (TI) publiée en 2021, la France recherche actuellement 50 000 chauffeurs routiers. Un rapport de la Dares (la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques) d'octobre 2020, montrait d'ailleurs que les conducteurs routiers faisaient partie des 30 métiers les plus en tension en France en 2019. Plus de 400 000 manqueraient à l'appel dans toute l'Europe. Cette pénurie de candidats s'explique notamment par des conditions de travail difficiles, d'importants sacrifices, notamment sur la vie sociale ou familiale et les loisirs et la méconnaissance de la profession. De plus, conduire ce type de véhicule requiert des exigences qui ont un coût : en effet, il faut débourser jusqu'à 6 000 euros (permis et formation) pour pouvoir conduire de gros engins de chantier ou des camions de transporteurs. Une démarche d'autant plus difficile à accomplir lorsque l'on sait que des points de permis peuvent être retirés pour des dépassements de 3 ou 4 km/h. Dans le même temps, les besoins augmentent avec de nombreux départs en retraite dans le secteur et une activité qui repart fortement avec la reprise économique. La situation est d'autant plus inquiétante que les chauffeurs ont un rôle indispensable, le transport routier représentant 90 % du transport de marchandises en France. Il est donc essentiel et urgent de prendre des mesures qui garantissent à ceux qui exercent cette fonction avec rigueur et vigilance de rester en poste et qui encouragent d'autres personnes à s'engager dans cette voie, sans craindre de perdre trop facilement un permis très onéreux et un emploi. Dans cette perspective, il lui demande donc s'il envisage d'exempter de la sanction de retrait de points de permis les conducteurs professionnels effectuant dans le cadre de leur travail un dépassement de moins de 10 km/h par rapport à la vitesse autorisée.

Réponse publiée le 14 février 2023

Le code de la route fixe la liste des infractions routières pour lesquelles des retraits de points sont opérés. Le législateur n'a pas prévu de dispositions particulières concernant les infractions routières commises par les conducteurs professionnels ; ces derniers ne sont donc pas exonérés des retraits de points en cas de commission d'une infraction routière entraînant retrait de point, que celle-ci ait eu lieu au cours d'une activité professionnelle ou non. En outre, le système du permis de conduire, tel que souhaité par le législateur, est fondé sur le principe d'unicité du permis de conduire en vertu duquel le titulaire du permis de conduire ne peut être simultanément titulaire d'un autre permis de conduire mentionné au même article. En effet, l'article L. 223-5 du code de la route dispose que le titulaire d'un permis de conduire dont la totalité des points ont été retirés perd le droit de conduire un véhicule et ne peut obtenir un nouveau permis de conduire avant l'expiration d'un délai de six mois à compter de la remise de son permis au préfet de son département. Dès lors, aucune distinction ne peut s'appliquer entre les infractions au code de la route commises à titre privé et celles commises à titre professionnel, y compris pour les conducteurs professionnels. Par ailleurs, l'article R. 413-14 du code de la route, actuellement en vigueur, prévoit en cas de dépassement de la vitesse maximale autorisée de moins de 20 km/h, la réduction d'un point. A cet égard, l'arrêté du 4 juin 2009 relatif au cinémomètre de contrôle routier prévoit l'application d'une marge technique pour les vitesses relevées au moyen de radars. Ainsi, une marge est retranchée, systématiquement, de la vitesse mesurée pour établir la vitesse retenue. Cette marge technique est de 5 km/h lorsque la vitesse est relevée par un radar, et 10 km/h par une voiture-radar. Néanmoins, les services du ministère de l'Intérieur et des Outre-mer, et plus particulièrement la Délégation à la Sécurité Routière, mènent actuellement une réflexion afin d'évaluer différentes hypothèses relatives à une évolution réglementaire sur la question des retraits de points liés à des petits excès de vitesse.

Données clés

Auteur : M. Fabien Di Filippo

Type de question : Question écrite

Rubrique : Sécurité routière

Ministère interrogé : Intérieur et outre-mer

Ministère répondant : Intérieur et outre-mer

Dates :
Question publiée le 19 juillet 2022
Réponse publiée le 14 février 2023

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