16ème législature

Question N° 19
de M. Thierry Benoit (Horizons et apparentés - Ille-et-Vilaine )
Question écrite
Ministère interrogé > Santé et prévention
Ministère attributaire > Santé et prévention

Rubrique > pharmacie et médicaments

Titre > Prescription de psychostimulants aux enfants hyperactifs

Question publiée au JO le : 05/07/2022 page : 3391
Réponse publiée au JO le : 04/10/2022 page : 4443

Texte de la question

M. Thierry Benoit attire l'attention de Mme la ministre de la santé et de la prévention sur la question de l'évolution des statistiques de consommation de psychostimulants pour les enfants dits « hyperactifs ». La Commission des citoyens pour les droits de l'homme (CCDH), association luttant pour le respect de la dignité et des droits fondamentaux en psychiatrie, s'inquiète de l'évolution des statistiques de consommation de psychostimulants pour les enfants dits « hyperactifs » (Ritaline, Medikinet, Concerta et Quasym). Selon l'assurance maladie (source Medic'am), on est passé de 246 015 boîtes de psychostimulants remboursées en 2008 contre 1 246 934 boîtes en 2021, soit une augmentation de 406 % entre 2008 et 2021. L'association souhaite attirer l'attention sur le fait que, depuis le 13 septembre 2021, sur décision de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), la prescription initiale de Medikinet, Quasym, Ritaline et Concerta n'est plus réservée aux médecins hospitaliers pour un enfant « diagnostiqué TDAH » (trouble du déficit de l'attention avec/sans hyperactivité). Leur prescription peut désormais être initiée en ville par les neurologues, psychiatres et pédiatres. Cette évolution des conditions de prescription, sur décision de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), vise à améliorer la prise en charge précoce du TDAH. Mais l'association pointe du doigt le problème que représente une augmentation de consommation de stupéfiants pour les enfants trop énergiques ou ayant des difficultés d'attention. Est-il souhaitable de « corriger » un comportement par un stupéfiant ? Aussi, il souhaite demander au Gouvernement ce qu'il compte faire pour enrayer cette tendance alarmante à la consommation de psychostimulants chez les enfants. Prévoit-il, par exemple, de revenir en arrière et autoriser uniquement les spécialistes hospitaliers à initier une prescription ? Il lui demande son avis sur le sujet.

Texte de la réponse

Le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité (TDAH) est une pathologie qui débute dans l'enfance. Les symptômes d'hyperactivité motrice deviennent ensuite moins marqués à partir de l'adolescence. L'agitation, l'inattention et l'impulsivité peuvent néanmoins persister à l'âge adulte. Actuellement, le diagnostic est réalisé selon les critères de l'association psychiatrique américaine (DSM-V) ou selon la classification internationale des maladies de l'Organisation mondiale de la santé (ICD-10). Les spécialités commercialisées en France et indiquées dans le cadre d'une prise en charge globale du TDAH chez l'enfant de plus de 6 ans et plus, lorsque les mesures correctives seules s'avèrent insuffisantes, dont le principe actif est le méthylphénidate, ont été mises sur le marché à partir de 1996. En cas de traitement prolongé, il est recommandé d'interrompre régulièrement le traitement (au moins une fois par an) pour en réévaluer l'utilité ; il peut s'avérer approprié de poursuivre ce traitement à l'âge adulte en cas de persistance des symptômes et de bénéfice avéré. L'instauration d'un traitement doit s'inscrire dans une véritable stratégie thérapeutique globale de prise en charge psychothérapeutique et éducative du patient. Jusqu'à récemment, le traitement, qui doit être initié sous contrôle d'un spécialiste des troubles du comportement de l'enfant et/ou de l'adolescent, relevait d'une prescription initiale hospitalière annuelle réservée aux spécialistes en neurologie, psychiatrie ou pédiatrie, le renouvellement pouvant ensuite être prescrit par tout médecin pendant cet intervalle d'un an. Toutefois, à la suite de difficultés d'accès aux soins liées à ces conditions de prescription restreintes, signalées par une association de patients ainsi que par des professionnels de santé, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a engagé une réflexion sur l'opportunité de supprimer la prescription initiale hospitalière pour permettre aux spécialistes susmentionnés exerçant en ville d'instaurer un traitement. Cette réflexion s'est inscrite dans le contexte suivant.  Tout d'abord, lors de la réévaluation des spécialités à base de méthylphénidate, la Commission de la Transparence de la Haute Autorité de Santé (HAS) a recommandé dans son avis du 30 septembre 2020, compte tenu des difficultés d'accès aux soins, de « revoir les conditions de primo-prescription afin de garantir un meilleur accès à ces traitements » tout en préservant les mesures de sécurité nécessaires au regard du profil de tolérance de ces médicaments. Ensuite, dans le cadre du suivi des données d'utilisation mis en place au niveau national à partir des données du Système National des Données de Santé (SNDS) portant sur le remboursement, il est apparu que, malgré une augmentation modérée et régulière de l'utilisation du méthylphénidate observée depuis le début des années 2000, celle-ci reste globalement faible en France, tant en comparaison aux autres pays européens qu'au regard du nombre d'enfants atteints. Le nombre de patients traités par méthylphénidate reste bien inférieur au nombre estimé d'enfants atteints de TDAH en France, ce constat pouvant refléter un problème de sous-diagnostic et/ou d'utilisation sous-optimale de ce traitement. Or il est primordial que le diagnostic du TDAH et la prise en charge adaptée soient précoces afin de ne pas conduire à une aggravation des difficultés psychologiques, sociales et scolaires chez l'enfant. Aussi, après concertation avec les différentes sociétés savantes concernées, l'ANSM a réévalué les conditions de prescription et de délivrance et a estimé désormais adapté de permettre à tout médecin spécialiste du TDAH d'initier la prescription des médicaments en question, considérant notamment les données de sécurité disponibles depuis la mise à disposition de ce traitement, le recul sur la pathologie et le fait que le diagnostic du TDAH incluant l'évaluation de son impact fonctionnel et la réalisation d'un bilan neuropsychiatrique préalable peut être réalisé hors établissements de santé. Cette mesure de simplification s'inscrit en outre dans un contexte où plusieurs mesures favorisant la prise en charge du TDAH, le bon usage et la prévention du mésusage, encadrent déjà la prescription et la dispensation. En effet, en premier lieu, les médicaments à base de méthylphénidate font l'objet du cadre strict de prescription et de délivrance prévu par la réglementation des stupéfiants. Conformément aux dispositions de l'article L. 162-4-2 du code de la sécurité sociale relatives aux médicaments susceptibles de faire l'objet d'un mésusage, d'un usage détourné ou abusif, la prise en charge par l'Assurance maladie dépend en outre de la mention par le médecin sur l'ordonnance du nom du pharmacien, désigné par le patient, qui sera en charge de la dispensation du traitement. La HAS a par ailleurs diffusé un document permettant au médecin de premier recours de repérer un TDAH et d'orienter le patient et sa famille dans le système de soin.  En termes de sécurisation d'utilisation, ces médicaments font l'objet d'un suivi national renforcé de pharmacovigilance et d'addictovigilance et d'un plan de gestion des risques, lequel prévoit la mise à disposition via un site internet de documents d'aide à la prescription et au suivi du traitement à destination des prescripteurs concernés.L'ANSM avait également rendu public en mai 2017 un rapport faisant un état des lieux sur l'utilisation du méthylphénidate et sa sécurité d'emploi en France, ainsi qu'une mise à jour de la brochure informative à destination des patients et de leur entourage intitulée « Vous et le traitement du trouble déficit de l'attention / hyperactivité par méthylphénidate » visant à rappeler les risques liés au méthylphénidate, les modalités de surveillance et les règles de bon usage. Par ailleurs, en 2019, l'évaluation européenne annuelle des rapports périodiques actualisés de sécurité pour les produits contenant du méthylphénidate avait confirmé que le rapport bénéfice/risque restait inchangé dans les indications approuvées, à savoir que le rapport entre les effets thérapeutiques positifs du médicament au regard des risques pour la santé du patient ou la santé publique liés à sa qualité, à sa sécurité ou à son efficacité demeure favorable. Une étude de suivi de la sécurité à long terme de l'utilisation du méthylphénidate chez l'adulte est également en cours au niveau européen, suite à l'autorisation de mise sur le marché du méthylphénidate dans cette population dans un certain nombre d'Etats membres.  Enfin, un suivi d'addictovigilance par les centres d'évaluation et d'information sur la pharmacodépendance (CEIP) a été initié par l'ANSM en 2022 afin de quantifier le mésusage.  C'est en tenant compte de l'ensemble de ces éléments et en veillant au premier lieu à l'intérêt des patients que l'élargissement des conditions de prescription et de délivrance de ces médicaments, par la suppression de la nécessité d'une prescription initiale hospitalière, a été décidée, afin d'en faciliter l'accès en France et améliorer la prise en charge précoce du TDAH, en permettant l'initiation du traitement par tout médecin spécialiste en neurologie, en pédiatrie ou en psychiatrie, en ville comme à l'hôpital. Cette prescription initiale est valable un an, au terme duquel le traitement ne peut être reconduit que par l'un de ces spécialistes ; entre temps, le traitement peut être renouvelé par tout médecin, comme c'était déjà le cas précédemment.