Question écrite n° 2535 :
Souveraineté juridictionnelle - article 3 CEDH - Affaire Sébastien Raoult

16e Législature

Question de : Mme Francesca Pasquini
Hauts-de-Seine (2e circonscription) - Écologiste - NUPES

Mme Francesca Pasquini appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation de Sébastien Raoult. Le 31 mai 2022, Sébastien Raoult, citoyen français de 21 ans, a été arrêté au Maroc sur la demande des autorités américaines alors qu'il s'apprêtait à embarquer pour Bruxelles. Sébastien Raoult est accusé d'avoir participé à une vaste opération de piratage informatique. Depuis son arrestation, il est incarcéré dans une prison de Rabat et risque l'extradition vers les États-Unis, où il encourt une peine de plus de cent ans d'emprisonnement. Le 20 juillet 2022, la Cour de cassation marocaine a donné un avis favorable à cette extradition vers les Etats-Unis. Plusieurs parlementaires ont été interpellés sur cette situation par des proches, famille ou amis, de Sébastien Raoult ; le ministère de la justice et la Présidence de la République ont également été interpellés à ce propos. Les faits reprochés à Sébastien Raoult, citoyen français, se sont déroulés sur le territoire français. Celui-ci doit donc être jugé par un tribunal français et selon le droit français. Des éléments (repris entre autres par Le Monde, Libération et La Dépêche) montrent que des investigations sur cette affaire ont été menées sur le sol français et par des policiers français. Mme la députée rappelle que le ministre de la justice a de ce fait les moyens d'intervenir ; mais aussi que Sébastien Raoult ne cherche pas à se soustraire à la justice. Sébastien Raoult souhaite qu'une demande d'extradition soit formulée par les autorités françaises auprès des autorités marocaines, conformément à la convention d'extradition franco-marocaine du 18 avril 2008 ; il souhaite être jugé en France, dans le respect de ses droits fondamentaux. Mme la députée s'associe à cette demande. Elle rappelle également son attachement à l'article 3 de la Convention européenne des Droits de l'Homme qui considère la condamnation perpétuelle sans perspective de libération comme un traitement inhumain et dégradant. Elle demande, enfin, que la souveraineté juridictionnelle française ne soit pas bafouée : c'est pourquoi elle lui demande d'intervenir afin que Sébastien Raoult soit extradé vers la France pour y être jugé.

Réponse publiée le 27 décembre 2022

La question porte sur la situation de M. Sébastien RAOULT, ressortissant français s'étant rendu au Maroc, et faisant l'objet d'une demande d'extradition dans cet Etat de la part des Etats-Unis d'Amérique, pour des infractions de cybercriminalité qu'il est soupçonné d'avoir commises à l'encontre de personnes morales américaines. Il est demandé au ministre de la Justice d'intervenir afin que celui-ci soit extradé vers la France pour être jugé dans le respect des droits fondamentaux. Sur le fond, M. RAOULT fait l'objet d'une action judiciaire engagée par les autorités américaines dans le cadre d'une enquête diligentée par le FBI américain à l'encontre d'un groupe de cybercriminels dont le mode opératoire semble avoir consisté en la création de sites internet fantômes, usurpant l'apparence de sites réels (avec de faux portails sollicitant logins et mots de passe), de manière à accéder de manière illégale aux données électroniques des victimes afin de les revendre en ligne sur le Darknet. Le mandat d'arrêt émis à l'encontre de M. Sébastien RAOULT par un juge américain vise des faits de cybercriminalité au préjudice d'entités morales ou de personnes physiques américaines au visa des qualifications d'associations de malfaiteurs en vue de commettre des escroqueries au moyen d'une atteinte à un système automatisé de traitement et usurpation d'identité aggravée. La France n'est pas partie à la procédure d'extradition entre les Etats-Unis d'Amérique et le Maroc initiée au fondement de ce mandat d'arrêt. Ces deux Etats sont des Etats souverains et les autorités françaises ne sauraient s'immiscer dans ce processus extraditionnel. Dès lors, l'extradition de M. RAOULT vers la France ne peut en aucun cas être initiée par le ministère de la justice de son propre chef : l'engagement d'un processus extraditionnel à l'égard de M. RAOULT pour des infractions susceptibles de lui être reprochées sur le territoire national est soumis à la délivrance d'un mandat d'arrêt émis par une juridiction française dans le cadre d'une information judiciaire qui viserait un comportement répréhensible avec le niveau de charge exigé. A cet égard, il faut rappeler que toute instruction individuelle du garde des Sceaux aux juridictions françaises pour la poursuite de tel ou tel citoyen est proscrite. Par le biais de son réseau diplomatique et consulaire, le Gouvernement français demeure cependant attentif au conditions d'incarcération et au traitement réservé à son ressortissant. Dans l'hypothèse d'une extradition vers les Etats Unis d'Amérique, la situation de M. RAOULT continuera de faire l'objet d'un suivi très étroit afin de s'assurer que l'ensemble de ses droits soient préservés dans le cadre de son traitement judiciaire.

Données clés

Auteur : Mme Francesca Pasquini

Type de question : Question écrite

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 25 octobre 2022
Réponse publiée le 27 décembre 2022

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