Suicides dans le monde agricole
Question de :
M. Marc Le Fur
Côtes-d'Armor (3e circonscription) - Les Républicains
M. Marc Le Fur alerte M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la grande détresse des agriculteurs français et le grand nombre de suicides dans la profession. Difficultés financières, conditions de travail, isolement, stigmatisation, agribashing, les agriculteurs souffrent de nombreux maux et sont confrontés à des phénomènes de société qui conduisent hélas un grand nombre d'entre eux au suicide. Dans la profession, le taux de mortalité par suicide est supérieur de 20 % à celui de la populaire en générale. En moyenne et chaque année, 600 agriculteurs mettent fin à leur jour, chiffre auquel il faut ajouter les nombreuses tentatives de suicide. Pour protéger les agriculteurs et en parallèle du plan de prévention mis en œuvre par la MSA, le ministère de l'agriculture a présenté fin 2021 une feuille de route pour la prévention du mal-être et l'accompagnement des agriculteurs en difficulté et a contribué au développement du réseau de « sentinelles », à l'image d'Agri sentinelles. Un an après la présentation de cette feuille de route, M. le député souhaiterait savoir comment elle a pu être déclinée sur le terrain et avoir connaissance de ses premiers résultats. Il lui demande aussi de bien vouloir lui préciser les actions concrètes qu'entend mettre en œuvre le Gouvernement afin de lutter contre la surmortalité par suicide, propre au monde agricole.
Réponse publiée le 6 décembre 2022
La politique publique de lutte contre les suicides d'agriculteurs a été définie par la feuille de route interministérielle du 23 novembre 2021 « Prévention du mal-être en agriculture ». Celle-ci faisait suite au rapport, en décembre 2020, du député Olivier Damaisin, « Identification et accompagnement des agriculteurs en difficulté et prévention du suicide », missionné par le Premier ministre le 21 février 2020, et reprend en grande partie les recommandations formulées par la commission des affaires économiques du sénat, dans le rapport du 17 mars 2021 des sénateurs Henri Cabanel et Françoise Férat, « Suicides en agriculture : mieux prévenir, identifier et accompagner les situations de détresse ». La mise en œuvre de cette feuille de route a été engagée dès le 3 février 2022, avec la nomination d'un coordinateur national, Daniel Lenoir, inspecteur général des affaires sociales, et la publication d'une circulaire des ministres chargés de l'agriculture, de la santé de la solidarité et du travail, installant une nouvelle gouvernance au niveau national et départemental. Celle-ci repose sur la mise en place, par les préfets, de comité départementaux chargés de déployer de façon coordonnée la prévention du mal-être et la prise en charge des agriculteurs comme des salariés de l'agriculture, ainsi que de leurs proches. Le dispositif a d'ores et déjà été mis en place dans la quasi-totalité des départements, y compris d'outre-mer, et l'objectif annoncé d'une couverture totale sera atteint d'ici la fin de l'année. Au niveau national, le comité de pilotage réunissant l'ensemble des parties prenantes s'est d'ores et déjà réuni trois fois, et lors de sa dernière réunion, le 19 octobre 2022, le ministre chargé de l'agriculture a tenu à réaffirmer l'engagement de l'ensemble du Gouvernement dans cette cause nationale que constitue la lutte contre le risque suicidaire en agriculture. Un comité de suivi et de coordination interministériel permet par ailleurs de coordonner l'intervention des administrations et des services publics. C'est dans ce cadre qu'a été engagé le développement d'un réseau des sentinelles en agriculture, notamment de leur formation, et ce en lien avec la stratégie nationale de prévention des suicides portée par le ministère de la santé. Sur la base d'une « charte des sentinelles en agriculture », les comités départementaux sont chargés de développer ce réseau, qui existe déjà en de nombreux endroits, au plus près des personnes concernées. Il en va de même des autres dispositifs de la feuille de route comme par exemple : - la promotion du numéro « agri-écoute » porté par la mutualité sociale agricole (MSA) et son articulation avec le numéro national de prévention du suicide (3114) ; - l'amélioration des modalités de prise en charge des accompagnements psychologiques ; - l'élargissement de l'accès à l'aide à la relance des exploitations agricoles (AREA), mis en place par voie de décret le 5 août 2022, aide pour laquelle le Gouvernement a doublé le budget dédié, soit 7 millions par an dès 2022 ; - l'assouplissement des possibilités d'étalement des cotisations agricoles, en donnant dans ce domaine à la caisse centrale de la MSA les mêmes compétences que celles de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) pour les autres indépendants ; - la possibilité pour les départements d'attribuer le revenu de solidarité active en urgence en cas de perte totale du revenu d'activité agricole. Les multiples situations de crise que connaît l'agriculture, du fait des événements sanitaires, climatiques ou géopolitiques ont également nécessité le déploiement de mesures d'accompagnement économiques importantes qui contribuent à la prévention du « mal-être ». Ces crises ont en effet un impact psychosociologique qui peut générer une augmentation du risque suicidaire. Un dispositif de veille est en cours de mise en place avec Santé publique France et les agences régionales de santé, et plus généralement des travaux ont été engagés, avec l'observatoire national du suicide pour mieux connaître les causes d'une sur-suicidité en agriculture qui est ancienne. Au demeurant, l'ampleur des mutations et des tensions auxquelles est confrontée l'agriculture française ont conduit le ministre chargé de l'agriculture, avec l'ensemble du Gouvernement, à inscrire les développements de la feuille de route dans le cadre de la préparation du pacte d'orientation et d'avenir pour l'agriculture annoncé par le Président de la République le 9 septembre 2022 à Terres de Jim.
Auteur : M. Marc Le Fur
Type de question : Question écrite
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture et souveraineté alimentaire
Ministère répondant : Agriculture et souveraineté alimentaire
Dates :
Question publiée le 1er novembre 2022
Réponse publiée le 6 décembre 2022