Question écrite n° 2771 :
Les Français obligés de se faire justice eux-mêmes ?

16e Législature

Question de : M. Alexandre Sabatou
Oise (3e circonscription) - Rassemblement National

M. Alexandre Sabatou attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la nécessité qu'éprouvent aujourd'hui les Français à se faire justice eux-mêmes. Un père interpellant le violeur de sa fille de 6 ans, une famille arrêtant un bus pour remettre à la police les agresseurs de leur fils, des propriétaires victimes du squat de leur bien expulsant eux-mêmes les occupants illégaux, des victimes de vols molestant le voleur présumé, des citoyens s'organisant en « milice » pour patrouiller dans leur quartier. Ces évènements ne seraient jamais arrivés si la justice fonctionnait et avait la confiance des Français. Aujourd'hui, la victimisation de l'agresseur prend toujours le pas sur la victime elle-même. Si se faire justice soi-même est bien évidement hors la loi, on ne peut pas rester aveugle devant ce phénomène qui prend de l'ampleur. C'est la porte ouverte à « la loi du plus fort », la porte ouverte à l'impossibilité de vivre ensemble si chacun se transforme en justicier. Il lui demande quand il prendra les mesures pour redonner les moyens et la volonté d'appliquer une justice forte pour que les concitoyens aient de nouveau confiance en elle ; la justice se doit de se tenir aux cotés des victimes pour défendre les plus faibles et leur rendre justice.

Réponse publiée le 7 mars 2023

La lutte contre la délinquance, quelles que soient ses formes, sa gravité, ou son type, constitue une priorité du ministère de la justice qui porte une politique pénale ferme face aux comportements délictueux. S'agissant des atteintes aux biens, et plus précisément des violations de domicile, couramment désignées sous le vocable de « squat », le ministère de la Justice a diffusé, le 22 janvier 2021, une circulaire établie conjointement avec le ministre de l'Intérieur et la ministre déléguée auprès de la transition écologique, chargée du logement, visant à préciser la mise en œuvre de la procédure d'expulsion telle qu'issue de l'article 73 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique. Cette loi a en effet clarifié les conditions d'application de cette mesure d'expulsion administrative prévue par l'article 38 de la loi DALO n° 2007-290 du 5 mars 2007 et a renforcé son efficacité. Dans la circulaire du 22 janvier 2021, le garde des Sceaux a entendu rappeler que l'évacuation effective des lieux dans le cadre de la procédure de l'article 38 ne saurait faire obstacle à l'engagement de poursuites pénales. Il est par ailleurs à noter que l'article 2 d'une proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite et présentée par Guillaume KASBARIAN a été adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale le 2 décembre 2022 et est actuellement à l'Assemblée nationale pour une deuxième lecture. Ce texte prévoit d'étendre le champ d'application de la procédure de l'article 38 au « domicile non meublé », ainsi qu'aux personnes entrées régulièrement dans les lieux et qui s'y maintiendraient irrégulièrement. Par ailleurs, et ainsi que le rappelle la circulaire de politique pénale générale du garde des Sceaux du 20 septembre 2022, le ministère de la Justice entend poursuivre son action afin de lutter contre la délinquance du quotidien, en développant notamment la justice de proximité, en renforçant la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance lucrative et en apportant une attention plus soutenue aux atteintes graves aux personnes, notamment commises dans la sphère familiale. Le ministère de la Justice est ainsi pleinement engagé pour lutter contre les troubles causés à l'ordre public, les atteintes aux domiciles ou aux biens des particuliers, les violences commises dans l'espace public ou dans les transports, les outrages sexistes, les atteintes commises à l'encontre des forces de l'ordre, des mineurs, et des personnes vulnérables. S'agissant de la réponse pénale, il est observé, depuis plusieurs années, un accroissement sensible de la sévérité des peines d'emprisonnement ferme ou de réclusion. Ainsi, depuis la fin de la décennie 2000, le taux du prononcé des peines d'emprisonnement ferme ou de réclusion n'a cessé d'augmenter, passant de 26 % à plus de 33 % à la fin des années 2010, avant d'amorcer une légère baisse en 2021 (32 %) en raison de l'entrée en vigueur de la Loi de programmation et de réforme pour la justice (les données chiffrées relatives aux condamnations sont extraites de la source Casier Judiciaire National, qui recense l'ensemble des condamnations définitives prononcées par les juridictions compétentes en matière délictuelle et criminelle. Les données 2021 sont des données semis-définitives). Parallèlement, le quantum moyen ferme prononcé s'est accru passant d'environ 9,5 mois au début de la période étudiée, à plus de 11 mois en 2020 et 2021. Par ailleurs, il convient de souligner qu'en 2021, la moitié des peines d'emprisonnement ferme prononcées était mise à exécution dans les 3 jours suivant l'acquisition de leur caractère exécutoire. Le délai moyen de l'ensemble des peines mises à exécution était de 6,4 mois. Pour les peines de 6 mois et moins, le délai médian était de 2,7 mois, pour un délai moyen de 7,9 mois. S'agissant des peines de plus d'un an, une sur deux est exécutée immédiatement. Le délai moyen d'exécution est de 2,4 mois. 95 % des peines prononcées en présence des condamnés sont mises à exécution. En moyenne, plus la peine est élevée, plus elle est exécutée rapidement. Le ministère de la Justice attache en outre une importance particulière à ce que les peines prononcées par les juridictions puissent être exécutées rapidement et effectivement. Cet impératif est régulièrement rappelé aux parquets, et récemment encore à l'occasion de la diffusion de la circulaire de politique pénale générale du 20 septembre 2022. Le ministère de la Justice veille ainsi avec une attention particulière à lutter contre la délinquance et à assurer une exécution rapide et effective des peines d'emprisonnement prononcées. Enfin, depuis 2020, le budget de la justice a augmenté de 3 % chaque année, soit au total, une augmentation de 26 %. Il est ainsi passé de 7,6 milliards d'euros à 9,6 milliards en 2023. Ce budget, ainsi que l'a rappelé le garde des Sceaux dans son discours de présentation du plan d'action issu des Etats généraux de la Justice à la presse le 5 janvier 2023, continuera d'augmenter jusqu'à atteindre près de 11 milliards en 2027 et aura connu, à l'issue des deux quinquennats, une hausse de près de 60 %. Ces hausses visent notamment à recruter davantage de magistrats, de greffiers, afin de renforcer les effectifs pour une justice plus rapide, plus efficace, et plus proche des citoyens. Le ministère de la Justice a ainsi fait de la lutte contre la délinquance l'une de ses priorités et veille à ce que les moyens humains soient suffisamment importants pour répondre, le plus rapidement possible, à tout acte délictueux portant atteinte aux droits et libertés d'autrui.

Données clés

Auteur : M. Alexandre Sabatou

Type de question : Question écrite

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 1er novembre 2022
Réponse publiée le 7 mars 2023

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