Question de : M. Pierre Dharréville
Bouches-du-Rhône (13e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine - NUPES

M. Pierre Dharréville interroge Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la situation créée par le mandat d'arrêt européen délivré à l'encontre de M. Vincenzo Vecchi. En effet, le 7 octobre 2022, Mme la ministre a déclaré dans le quotidien La Repubblica à propos du nouveau gouvernement italien : « Nous serons très vigilants sur le respect des valeurs et des règles de l'Etat de droit ». Pourtant, l'un des premiers gestes que la France pourrait être amenée à produire à son égard risque d'être l'exécution d'un mandat d'arrêt européen lancé à l'encontre de M. Vincenzo Vecchi, ressortissant italien résidant en France et condamné à douze ans de prison pour avoir été identifié comme l'un des participants à la manifestation de Gênes en 2001, de sinistre mémoire, et incriminé au titre du « concours moral » qu'il aurait apporté de par sa simple présence à des « dévastations et pillages » sur le fondement du code Rocco, une loi structurante de l'État mussolinien datant de 1930, réactivée pour l'occasion. Compte tenu des craintes émises par Mme la ministre et de l'esprit de vigilance dont elle a fait état, M. le député demande si cela ne constituerait pas un geste d'encouragement dramatiquement malvenu. En effet, la cour d'appel d'Angers, réunie le 11 octobre 2022 suite au pourvoi formé par le procureur de la République, a mis son jugement en délibéré jusqu'au 29 novembre. À deux reprises, des juridictions françaises ont pourtant refusé l'exécution de ce mandat d'arrêt. Or, les délits ne sont pas constitués et les condamnations hors de toute proportion. Saisie par la Cour de cassation, la Cour de justice de l'union européenne a émis un avis concluant à la remise de M. Vincenzo Vecchi par les autorités françaises aux autorités italiennes sur le fondement du renforcement de la coopération judiciaire européenne. Cet avis ne peut qu'interroger tant il vient mettre en cause le principe de double incrimination et le droit souverain de tout État lorsqu'il est invité à se rendre solidaire d'une décision de justice de répondre au regard de son propre droit. Il souhaite connaître les intentions du gouvernement de façon plus générale à ce propos tant cet avis, qui pourrait entraîner à l'échelle de toute l'Union européenne des conséquences problématiques, soulève des questions politiques.

Réponse publiée le 3 janvier 2023

Contrairement à une procédure d'extradition classique, l'exécution d'un mandat d'arrêt européen est une procédure entièrement judiciaire, encadrée par des règles précises et dans le cadre de laquelle le Gouvernement ne peut en aucune manière s'immiscer. Cette spécificité du mandat d'arrêt européen repose sur les principes de confiance et de reconnaissance mutuelles, fondements essentiels de la coopération pénale au sein de l'Union européenne. Saisie par la Cour de cassation de questions préjudicielles dans le cadre de la procédure engagée contre Monsieur Vincenzo Vecchi, la Cour de justice de l'Union européenne a, dans son arrêt du 14 juillet 2022, précisé les conditions devant être réunies aux fins de l'exécution d'un mandat d'arrêt européen. Dans son arrêt, la Cour a jugé que la condition de double incrimination prévue par la décision cadre 2002/584/JAI n'exigeait pas une correspondance parfaite entre les éléments constitutifs de l'infraction concernée dans l'État membre d'émission et dans l'État membre d'exécution. En effet, la Cour a considéré, d'une part, que la condition de la double incrimination est satisfaite dans une situation dans laquelle un mandat d'arrêt européen est émis aux fins de l'exécution d'une peine privative de liberté prononcée pour des faits qui relèvent, dans l'État membre d'émission, d'une infraction nécessitant que ces faits portent atteinte à un intérêt juridique protégé dans cet État membre, lorsque de tels faits font également l'objet d'une infraction pénale au regard du droit de l'État membre d'exécution pour laquelle l'atteinte à cet intérêt juridique protégé n'est pas un élément constitutif. D'autre part, la Cour a jugé qu'il n'était pas possible de refuser l'exécution d'un mandat d'arrêt européen émis pour l'exécution d'une peine privative de liberté lorsque cette peine a été infligée dans l'État membre d'émission pour la commission, par la personne recherchée, d'une infraction unique composée de plusieurs faits dont seule une partie constitue une infraction pénale dans l'État membre d'exécution. Il apparaît important de souligner que cet arrêt repose sur la prémisse, mise en évidence par la Cour de cassation dans sa décision de renvoi, suivant laquelle une partie des faits ayant donné lieu à la condamnation de la personne visée par le mandat d'arrêt européen relevait également en droit français de comportements délictueux effectivement imputables à cette personne. L'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne ne remet donc pas en cause le principe de double incrimination, puisqu'il part du postulat, établi par les juridictions internes françaises, que la personne visée par le mandat d'arrêt européen aurait également pu être condamnée en vertu du droit français si les faits avaient été commis sur notre territoire. Il convient également de signaler que, dans le cadre de la procédure du mandat d'arrêt européen, il ne revient pas à l'autorité judiciaire d'exécution d'apprécier la proportionnalité de la peine prononcée dans l'État d'émission, dans la mesure où, en vertu des mêmes principes de confiance et de reconnaissance mutuelles, il ne lui appartient pas de rejuger l'affaire. La décision prise par la Cour de justice de l'Union européenne est ce faisant en cohérence avec sa jurisprudence antérieure et pleinement conforme aux objectifs de la décision-cadre 2002/584/JAI, ainsi qu'à la position soutenue devant elle par le Gouvernement français. Il convient encore de souligner que la Cour s'est prononcée en droit, et non en considération de la situation individuelle de Monsieur Vincenzo Vecchi. Il appartient désormais aux seules juridictions judiciaires de tirer les conséquences de cet arrêt dans le cadre de la procédure engagée contre Monsieur Vincenzo Vecchi.

Données clés

Auteur : M. Pierre Dharréville

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 1er novembre 2022
Réponse publiée le 3 janvier 2023

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