16ème législature

Question N° 321
de M. Philippe Gosselin (Les Républicains - Manche )
Question écrite
Ministère interrogé > Santé et prévention
Ministère attributaire > Santé et prévention

Rubrique > pharmacie et médicaments

Titre > Usage de psychostimulants

Question publiée au JO le : 26/07/2022 page : 3553
Réponse publiée au JO le : 04/10/2022 page : 4443

Texte de la question

M. Philippe Gosselin attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur l'usage légal grandissant de psychostimulants, dont la Ritaline, par des mineurs, parfois des jeunes enfants. Cet usage, prescrit par des professionnels de santé comme des psychiatres, des neurologues ou des pédiatres semblerait dangereux dans bien des cas aux dires de professionnels. En effet, les psychostimulants sont la plupart du temps des dérivés d'amphétamine, considérée par l'Organisation des nations unies comme un stupéfiant. Ces traitements constituent souvent la réponse aux troubles de déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité, dont les jeunes sont particulièrement victimes. Les psychostimulants peuvent servir à calmer des mineurs trop agités mais aussi à améliorer certaines performances, qu'elles soient d'ordre intellectuelles ou sportives. Surtout, il existe un risque fort de dépendance. Ce dernier aspect inquiète particulièrement, au vu de l'explosion de la consommation de ces psychotropes en France. Entre 2012 et 2020, le nombre de prescription de psychostimulants remboursés par la sécurité sociale a augmenté de 143 %, passant de 503 956 boites en 2012 à 1 227 013 remboursés en 2020. Il souhaiterait savoir par quelles mesures le ministre envisage de lutter contre la dépendance aux psychotropes des mineurs. Il souhaiterait également savoir si l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a remis au ministre un état des lieux actualisé et lui a communiqué les actions mises en œuvre pour lutter contre ce phénomène. Si tel était le cas, M.le député souhaiterait en être destinataire.

Texte de la réponse

Le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité (TDAH) est une pathologie qui débute dans l'enfance. Les symptômes d'hyperactivité motrice deviennent ensuite moins marqués à partir de l'adolescence. L'agitation, l'inattention et l'impulsivité peuvent néanmoins persister à l'âge adulte. Actuellement, le diagnostic est réalisé selon les critères de l'association psychiatrique américaine (DSM-V) ou selon la classification internationale des maladies de l'Organisation mondiale de la santé (ICD-10). Les spécialités commercialisées en France et indiquées dans le cadre d'une prise en charge globale du TDAH chez l'enfant de plus de 6 ans et plus, lorsque les mesures correctives seules s'avèrent insuffisantes, dont le principe actif est le méthylphénidate, ont été mises sur le marché à partir de 1996. En cas de traitement prolongé, il est recommandé d'interrompre régulièrement le traitement (au moins une fois par an) pour en réévaluer l'utilité ; il peut s'avérer approprié de poursuivre ce traitement à l'âge adulte en cas de persistance des symptômes et de bénéfice avéré. L'instauration d'un traitement doit s'inscrire dans une véritable stratégie thérapeutique globale de prise en charge psychothérapeutique et éducative du patient. Jusqu'à récemment, le traitement, qui doit être initié sous contrôle d'un spécialiste des troubles du comportement de l'enfant et/ou de l'adolescent, relevait d'une prescription initiale hospitalière annuelle réservée aux spécialistes en neurologie, psychiatrie ou pédiatrie, le renouvellement pouvant ensuite être prescrit par tout médecin pendant cet intervalle d'un an. Toutefois, à la suite de difficultés d'accès aux soins liées à ces conditions de prescription restreintes, signalées par une association de patients ainsi que par des professionnels de santé, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a engagé une réflexion sur l'opportunité de supprimer la prescription initiale hospitalière pour permettre aux spécialistes susmentionnés exerçant en ville d'instaurer un traitement. Cette réflexion s'est inscrite dans le contexte suivant.  Tout d'abord, lors de la réévaluation des spécialités à base de méthylphénidate, la Commission de la Transparence de la Haute Autorité de Santé (HAS) a recommandé dans son avis du 30 septembre 2020, compte tenu des difficultés d'accès aux soins, de « revoir les conditions de primo-prescription afin de garantir un meilleur accès à ces traitements » tout en préservant les mesures de sécurité nécessaires au regard du profil de tolérance de ces médicaments. Ensuite, dans le cadre du suivi des données d'utilisation mis en place au niveau national à partir des données du Système National des Données de Santé (SNDS) portant sur le remboursement, il est apparu que, malgré une augmentation modérée et régulière de l'utilisation du méthylphénidate observée depuis le début des années 2000, celle-ci reste globalement faible en France, tant en comparaison aux autres pays européens qu'au regard du nombre d'enfants atteints. Le nombre de patients traités par méthylphénidate reste bien inférieur au nombre estimé d'enfants atteints de TDAH en France, ce constat pouvant refléter un problème de sous-diagnostic et/ou d'utilisation sous-optimale de ce traitement. Or il est primordial que le diagnostic du TDAH et la prise en charge adaptée soient précoces afin de ne pas conduire à une aggravation des difficultés psychologiques, sociales et scolaires chez l'enfant. Aussi, après concertation avec les différentes sociétés savantes concernées, l'ANSM a réévalué les conditions de prescription et de délivrance et a estimé désormais adapté de permettre à tout médecin spécialiste du TDAH d'initier la prescription des médicaments en question, considérant notamment les données de sécurité disponibles depuis la mise à disposition de ce traitement, le recul sur la pathologie et le fait que le diagnostic du TDAH incluant l'évaluation de son impact fonctionnel et la réalisation d'un bilan neuropsychiatrique préalable peut être réalisé hors établissements de santé. Cette mesure de simplification s'inscrit en outre dans un contexte où plusieurs mesures favorisant la prise en charge du TDAH, le bon usage et la prévention du mésusage, encadrent déjà la prescription et la dispensation. En effet, en premier lieu, les médicaments à base de méthylphénidate font l'objet du cadre strict de prescription et de délivrance prévu par la réglementation des stupéfiants. Conformément aux dispositions de l'article L. 162-4-2 du code de la sécurité sociale relatives aux médicaments susceptibles de faire l'objet d'un mésusage, d'un usage détourné ou abusif, la prise en charge par l'Assurance maladie dépend en outre de la mention par le médecin sur l'ordonnance du nom du pharmacien, désigné par le patient, qui sera en charge de la dispensation du traitement. La HAS a par ailleurs diffusé un document permettant au médecin de premier recours de repérer un TDAH et d'orienter le patient et sa famille dans le système de soin.  En termes de sécurisation d'utilisation, ces médicaments font l'objet d'un suivi national renforcé de pharmacovigilance et d'addictovigilance et d'un plan de gestion des risques, lequel prévoit la mise à disposition via un site internet de documents d'aide à la prescription et au suivi du traitement à destination des prescripteurs concernés.L'ANSM avait également rendu public en mai 2017 un rapport faisant un état des lieux sur l'utilisation du méthylphénidate et sa sécurité d'emploi en France, ainsi qu'une mise à jour de la brochure informative à destination des patients et de leur entourage intitulée « Vous et le traitement du trouble déficit de l'attention / hyperactivité par méthylphénidate » visant à rappeler les risques liés au méthylphénidate, les modalités de surveillance et les règles de bon usage. Par ailleurs, en 2019, l'évaluation européenne annuelle des rapports périodiques actualisés de sécurité pour les produits contenant du méthylphénidate avait confirmé que le rapport bénéfice/risque restait inchangé dans les indications approuvées, à savoir que le rapport entre les effets thérapeutiques positifs du médicament au regard des risques pour la santé du patient ou la santé publique liés à sa qualité, à sa sécurité ou à son efficacité demeure favorable. Une étude de suivi de la sécurité à long terme de l'utilisation du méthylphénidate chez l'adulte est également en cours au niveau européen, suite à l'autorisation de mise sur le marché du méthylphénidate dans cette population dans un certain nombre d'Etats membres.  Enfin, un suivi d'addictovigilance par les centres d'évaluation et d'information sur la pharmacodépendance (CEIP) a été initié par l'ANSM en 2022 afin de quantifier le mésusage.  C'est en tenant compte de l'ensemble de ces éléments et en veillant au premier lieu à l'intérêt des patients que l'élargissement des conditions de prescription et de délivrance de ces médicaments, par la suppression de la nécessité d'une prescription initiale hospitalière, a été décidée, afin d'en faciliter l'accès en France et améliorer la prise en charge précoce du TDAH, en permettant l'initiation du traitement par tout médecin spécialiste en neurologie, en pédiatrie ou en psychiatrie, en ville comme à l'hôpital. Cette prescription initiale est valable un an, au terme duquel le traitement ne peut être reconduit que par l'un de ces spécialistes ; entre temps, le traitement peut être renouvelé par tout médecin, comme c'était déjà le cas précédemment.