Artificialisation des zones humides
Publication de la réponse au Journal Officiel du 7 mars 2023, page 2180
Question de :
M. Sylvain Carrière
Hérault (8e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale
M. Sylvain Carrière interroge M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la gestion des zones humides. Les zones humides occupent 5 % du territoire, elles sont les zones marécageuses, les terrains exploités ou non, inondés ou gorgée d'eau douce ou salée telles que définies au I-1° de l'article L211-1 du code de l'environnement. Elles sont des puits de biodiversité accueillant de nombreuses espèces végétales ou animales, comme les amphibiens ou les oiseaux d'eau. Mais elles sont aussi des puits de carbone très efficaces, essentiels dans la quête de la neutralité carbone à laquelle le Gouvernement s'est engagé. Enfin, elles font office de zone tampon de protection autour des cours d'eau et au niveau des littoraux, en ralentissant le ruissellement, en permettant le stockage permanant ou en transférant l'eau vers les nappes phréatiques qu'elles surplombent. Cependant, elles sont en péril, leur destruction étant encore aujourd'hui possible dans les plans d'urbanisme ou par autorisation de la préfecture. Elles sont en effet des zones à fort enjeux économiques, ayant souvent une valeur hédonique très élevée. Et sont ainsi détruites, drainées et artificialisées pour permettre la construction de logements, de commerces sur un foncier très onéreux. Mais construire sur des zones humides c'est doubler l'artificialisation des sols. Une première fois sur la zone humide et une seconde fois quand, dans 10, 20, 30 ans, il faudra se replier dans les terres et reconstruire ailleurs à cause des inondations de plus en plus forte à venir selon le GIEC. C'est aussi par ricochet réduire les services rendus par ces zones humides à des bassins de population entiers au profil de quelques-uns. C'est accélérer le phénomène de repli qui sera rendu nécessaire non seulement au niveau des littoraux avec la montée des eaux mais aussi autour des cours d'eau dont l'occurrence des crues centennales va augmenter de 20 à 30 fois d'ici la fin du siècle, toujours selon le GIEC. Comment parler alors de zéro artificialisation nette quand ces projets ne sont pas interdits, au mieux soumis à une autorisation environnementale ? Cette déclaration ou autorisation selon le type et la surface de zone humide n'empêche pas pour autant des aberrations telles que la construction d'appartement en bord de mer, rentables immédiatement pour les promoteurs immobiliers qui se soucient peu des préjudices à venir. Ainsi, pour une politique d'adaptation au changement climatique et pour l'efficacité de la zéro artificialisation nette, il lui demande quand il compte agir en faveur d'une zéro artificialisation brute pour les zones humides et littorales.
Réponse publiée le 7 mars 2023
La préservation des milieux humides est un enjeu prioritaire : par leurs multiples fonctions, ils jouent un rôle primordial dans la régulation de la ressource en eau, l'épuration et la prévention des crues, rendent des services inestimables en matière d'atténuation du changement climatique et d'adaptation à ses conséquences, et sont un support majeur de biodiversité. Par les usages qu'ils soutiennent et par la qualité des paysages et du cadre de vie qu'ils constituent, ils présentent aussi de nombreux intérêts sociaux et économiques. Malheureusement, trop longtemps perçus comme des espaces insalubres ou inutiles, ils ont été fortement détruits et dégradés : on estime ainsi que leur superficie s'est réduite de 64 % au cours du XXe siècle, et sur les cinquante dernières années, qu'elle a diminué de 35%, un rythme trois fois plus élevé que la déforestation. La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets fixe, dans son article programmatique 191, une trajectoire nationale de réduction de l'artificialisation des sols pour atteindre le « zéro artificialisation nette des sols » en 2050, avec un jalon intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers pour les dix années qui suivent sa promulgation. Le « zéro artificialisation nette » se définit comme un équilibre entre les surfaces nouvellement artificialisées et les surfaces désartificialisées en compensation. L'artificialisation des sols est quant à elle caractérisée comme une atteinte à la fonctionnalité des sols, ce qui démontre que l'objectif général recherché est de réduire les atteintes portées aux sols, en particulier aux sols naturels dont font partie les zones humides et les espaces naturels littoraux. Si des constructions, justifiées au regard des besoins et de l'absence de foncier déjà artificialisé mobilisable, sont nécessaires, il convient de favoriser des aménagements qui limitent l'emprise au sol et l'altération des sols. La soumission de ces projets à la loi sur l'eau ainsi qu'à évaluation environnementale, permet d'éviter, de réduire et le cas échéant de compenser leurs incidences environnementales, et notamment sur les milieux humides. Concernant le sujet spécifique du recul du trait de côte et de l'anticipation de ses conséquences, des mesures ont également été introduites dans la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Ces mesures portent à la fois sur l'amélioration de la connaissance, la limitation de l'exposition de nouveaux biens au recul du trait de côte et des outils de recomposition spatiale pour la renaturation des espaces exposés et la relocalisation des biens menacés. Si le 6e rapport du GIEC confirme que l'augmentation prévue de l'intensité des précipitations se traduira par un accroissement de la fréquence et de l'ampleur des inondations pluviales, ces données doivent être analysées avec prudence, en raison d'une variabilité spatiale importante. Par ailleurs, le GIEC met en lumière une absence de correspondance univoque entre la survenance des pluies intenses et les phénomènes d'inondation fluviale concomitants, en raison de nombreux autres facteurs (forçages hydrologiques, humidité des sols, couverture terrestre, gestion humaine de l'eau, etc.). Les travaux de recherche engagées par le MTECT devront permettre de stabiliser les connaissances, afin d'évaluer l'évolution de la disponibilité en eaux superficielle et souterraine et caractériser les étiages et crues rares pour différents scénarios d'émission de gaz à effet de serre. Le quatrième Plan national milieux humides 2022-2026, élément essentiel de la Stratégie nationale biodiversité 2030, porte de forts engagements pour la préservation et la restauration de ces milieux. Au-delà des fortes progressions prévues en matière de classement en aires protégées, d'acquisition, d'actions de restauration, de développement de labels bas carbone, de connaissances, etc., il a pour ambition de changer les regards sur ces milieux et sur leurs multiples intérêts et de mobiliser toutes les parties prenantes, au premier rang desquelles les collectivités territoriales qui ont en main les cartes maîtresses de l'aménagement des territoires et de la planification urbaine. Il convient de souligner ici le rôle majeur des collectivités en charge des compétences "gemapiennes" (gestion des eaux, des milieux aquatiques et de prévention des inondations).
Auteur : M. Sylvain Carrière
Type de question : Question écrite
Rubrique : Urbanisme
Ministère interrogé : Transition écologique et cohésion des territoires
Ministère répondant : Écologie
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 30 janvier 2023
Dates :
Question publiée le 22 novembre 2022
Réponse publiée le 7 mars 2023