16ème législature

Question N° 3464
de M. Bertrand Bouyx (Horizons et apparentés - Calvados )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et souveraineté alimentaire
Ministère attributaire > Agriculture et souveraineté alimentaire

Rubrique > agriculture

Titre > Résilience et adaptation de l'agriculture face au dérèglement climatique

Question publiée au JO le : 29/11/2022 page : 5702
Réponse publiée au JO le : 15/08/2023 page : 7475

Texte de la question

M. Bertrand Bouyx appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la résilience et l'adaptation de l'agriculture face au dérèglement climatique. Il y a quelques mois, on a pu voter la loi d'orientation relative à une meilleure diffusion de l'assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture. Ce texte permet de mieux protéger les agriculteurs face au changement climatique, il crée un régime universel d'indemnisation du risque climatique, individualise les modalités d'indemnisation tout en permettant à tous les agriculteurs de bénéficier de l'intervention de l'État en cas d'aléas exceptionnels. Cependant, le travail réglementaire se poursuit afin que le futur dispositif entre en vigueur au 1er janvier 2023. Ainsi, les agriculteurs se questionnent quant à l'application réelle de certaines dispositions de cette loi. Tout d'abord, l'article 12 de cette loi, détaillé par l'ordonnance n° 2022-1075 du 29 juillet 2022, prévoit la création du groupement de réassurance. Il est prévu que ce groupement s'organisera par une convention entre assureurs commercialisant des assurances subventionnables et en l'absence de cet accord, le pool sera créé par décret mais après une période minimum de 18 mois. L'échéance leur paraissant lointaine, ils souhaiteraient que le décret voie le jour plut tôt. Par ailleurs, l'article 5 de cette loi prévoit que les évaluations des pertes de récoltes pourront faire l'objet d'une demande de réévaluation par les agriculteurs, selon des règles fixées par décret. Si les agriculteurs partagent l'intérêt d'avoir des outils satellitaires de suivi et de reconnaissance des pertes, ils s'interrogent sur la possibilité pour eux d'avoir accès à un dispositif complémentaire d'expertise terrain simple et accessible à chaque éleveur qui permette de corriger toute incohérence entre l'indice et la mesure constatée de la pousse de l'herbe. Enfin, l'article 20 de cette loi a pour objectif de rendre le calcul de la moyenne dite olympique servant de référence pour mesurer le taux de perte le plus cohérent possible avec la réalité des impacts du changement climatique pour les exploitants. Aussi, il l'interroge sur les actions et pistes d'évolution à envisager aux niveaux européen et national sur les modalités de calcul du potentiel de production moyen par culture.

Texte de la réponse

Conformément aux engagements du Gouvernement, et comme le prévoyait la loi d'orientation du 2 mars 2022 relative à une meilleure diffusion de l'assurance récolte et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture, le dispositif rénové d'assurance est entré en vigueur au 1er janvier 2023. Face au coût croissant des dommages provoqués ces dernières années par des aléas climatiques de plus en plus intenses et fréquents, et à un système d'indemnisation des pertes de récolte devenu inadapté, la loi du 2 mars 2022 a institué de nouvelles modalités d'indemnisation des pertes de récoltes résultant d'aléas climatiques, reposant sur le partage équitable du risque entre l'État, les agriculteurs et les entreprises d'assurances. Cette loi instaure une couverture universelle contre les risques climatiques accessible à tous les agriculteurs. À cette fin, elle institue un dispositif de couverture des risques climatiques à trois étages, prévoyant une absorption des risques de faible intensité à l'échelle individuelle de l'exploitation agricole, une mutualisation entre les territoires et les filières des risques d'intensité moyenne, par le biais de l'assurance multirisque climatique (MRC) dont les primes font l'objet d'une subvention publique, et une indemnisation directe de l'État contre les risques dits catastrophiques. Dans le cadre de cette réforme, le groupement de coréassurance est un outil complémentaire, dont l'objectif est d'amplifier à terme l'effet de la mise en place du nouveau dispositif. Il avait été identifié à ce titre dès les travaux préparatoires de la loi que la création d'un groupement, la définition de ses modalités opérationnelles de fonctionnement et le temps nécessaire à la réalisation des travaux actuariels nécessaires préalablement à sa constitution, ne pourrait pas intervenir de manière opérationnelle dès la première année de la réforme. Par ailleurs, afin qu'un tel groupement porte ses fruits, il est fondamental que celui-ci soit constitué par les entreprises d'assurance et que celles-ci adhèrent pleinement à la démarche. À ce titre, l'ordonnance n° 2022-1075 du 29 juillet 2022 prévoit que les assureurs disposent d'un délai de 18 mois à compter du 1er janvier 2023 pour se concerter et proposer à leur initiative une convention constitutive de groupement, qui sera agréée par l'État, dans les conditions qui ont été récemment précisées par décret n° 2023-243 du 31 mars 2023. Toutefois, si les entreprises ne constituaient pas à leur initiative un groupement dans ce délai, l'État pourra, au regard de la situation du marché de l'assurance récolte, lancer un appel à manifestation d'intérêt en vue de favoriser la création du groupement, voire, après avis de l'autorité de la concurrence, créer le groupement par décret. Outre le fait que le processus de négociation demande plusieurs mois de travail, un certain nombre de garde-fous ont été prévus afin de préserver la concurrence et la conformité du dispositif avec les règles du droit européen de la concurrence. En premier lieu, la convention constitutive doit être approuvée par l'ensemble des entreprises. En second lieu, cette convention doit faire l'objet d'une consultation publique, afin de prendre en compte l'avis de l'ensemble des entreprises d'assurance pouvant présenter un intérêt pour le marché de l'assurance-récolte. Cette consultation aura pour finalité notamment de consulter les entreprises d'assurance européennes. En troisième lieu, comme cela a été mentionné, la convention constitutive doit être agréée par l'État afin de s'assurer que le groupement présente les garanties suffisantes au regard de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Ces garanties seront notamment appréciées au regard d'une analyse économique réalisée par les entreprises d'assurance sur l'impact du groupement sur l'intensité concurrentielle du secteur assurantiel en cause et sur les gains économiques dont bénéficieront les exploitants agricoles. Par ailleurs, elle ne pourra être agréée qu'à la suite de l'avis favorable de l'autorité de la concurrence. C'est dans ce cadre que sont conduites les concertations en cours entre les entreprises d'assurance en vue de la constitution du groupement. Celles-ci sont menées sous l'égide de France assureurs, l'État n'ayant pas vocation à prendre position dans le cadre de ces négociations. Toutefois, les ministères chargés de l'agriculture et de l'économie restent attentifs à l'évolution du dossier et organisent des points d'étape réguliers avec les entreprises d'assurance à ce sujet. Par ailleurs, s'agissant des modalités d'indemnisation des pertes sur prairies, l'utilisation d'un indice est la seule façon de mesurer la production annuelle des prairies de façon à la fois simple et stable dans le temps. Sans système indiciel, les entreprises d'assurance ne pourraient pas tarifer et proposer des contrats d'assurance en prairie. L'indice est également le meilleur moyen d'avoir une indemnisation rapide et correspondant le mieux à la situation individuelle de chaque éleveur. En outre, la réforme prévoit que les méthodes de calcul des pertes soient similaires entre les agriculteurs assurés et ceux non assurés. Le versement de l'indemnisation de solidarité nationale aux éleveurs non-assurés est ainsi également réalisé par un système indiciel. C'est pourquoi s'il n'est pas possible de revenir à un système d'expertise terrain basé sur des bilans fourragers, il est en revanche primordial de conforter dans la durée la confiance de tous les acteurs et en particulier des éleveurs dans l'approche indicielle et d'améliorer en continu l'indice. C'est ainsi que le décret n° 2022-1716 du 29 décembre 2022 prévoit qu'un réseau d'observation de la pousse de l'herbe selon un protocole scientifique strict sera mis en place pour vérifier la bonne cohérence entre les résultats des indices et la pousse de l'herbe observée sur le terrain. Par ailleurs, le décret n° 2023-229 publié le 30 mars 2023 prévoit, conformément à l'objectif fixé par le législateur dans la loi du 2 mars 2022, que les réclamations qui pourraient être formulées quant aux indemnisations fondées sur des indices devront faire l'objet d'un examen approfondi permettant de vérifier l'absence de toute erreur manifeste dans le fonctionnement ou la mise en œuvre opérationnelle de l'outil indiciel. Cet examen mobilisera au besoin un comité d'expert constitué par le ministère chargé de l'agriculture. L'approche indicielle a pu susciter une certaine incompréhension sur l'indemnisation des pertes des prairies. Il convient ainsi de rappeler que l'encadrement des règles d'indemnisation impose que la perte affectant les prairies soit appréciée sur l'ensemble de la période de pousse de l'herbe, soit du début du printemps à la fin de l'automne, et pas uniquement sur la période estivale où l'effet de la sécheresse se fait le plus ressentir. En outre, il est nécessaire réglementairement de calculer les indemnisations par rapport à un historique de production correspondant à la moyenne triennale ou « quinquennale olympique », référence qui a été fortement dégradée dans certains territoires du fait des sécheresses 2018, 2019 et 2020. Les préoccupations quant à la « moyenne olympique », c'est-à-dire quant à la référence de production historique prise en compte pour le calcul des pertes indemnisables par l'assurance récolte, renvoient à des discussions qui dépassent le cadre de la mise en œuvre de la réforme et concernent des règles qui ont été définies au niveau européen en application des accords agricoles de l'organisation mondiale du commerce. Dans le cadre immédiat de la réforme, la loi a prévu que les exploitants auront le choix pour leur référence de production historique, entre leur moyenne olympique quinquennale ou leur moyenne triennale. Les agriculteurs pourront ainsi choisir, s'ils le souhaitent, la plus favorable des deux. Par ailleurs, l'encadrement réglementaire de l'assurance récolte offre la possibilité aux entreprises d'assurance de proposer des garanties non subventionnables permettant aux agriculteurs qui le souhaitent de souscrire des contrats pour des rendements assurés plus élevés que ceux qui résulteraient de l'application stricte de la « moyenne olympique ». Dans une perspective de plus long terme, le Gouvernement porte ces préoccupations sur la référence historique auprès des enceintes européennes, afin de faire évoluer sa définition pour l'adapter au contexte d'accélération du changement climatique. Le Gouvernement doit rendre dans les prochaines semaines un rapport au Parlement à ce sujet, tel que prévu par la loi du 2 mars 2022 pour rendre compte des initiatives qu'il a menées à ce sujet. Toutefois, dans certaines situations, l'augmentation de la fréquence des aléas climatiques peut conduire à ce que la référence à un potentiel de rendement « historique » perde sa réalité agronomique du fait du changement climatique et entraîne une dégradation de la référence de production historique quelle qu'en soit sa définition. C'est pourquoi conformément aux conclusions des travaux du Varenne, conjointement à l'amélioration des dispositifs de protection et de gestion des aléas climatiques engagée au travers de la réforme de l'assurance récolte, le Gouvernement met également en place des mesures pour accompagner l'adaptation des systèmes de productions pour les rendre plus résilients et pour développer des solutions de gestion des besoins et de l'accès aux ressources en eau mobilisables pour l'agriculture.