16ème législature

Question N° 3719
de M. Arnaud Le Gall (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Val-d'Oise )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > consommation

Titre > Interpellation sur les arnaques à la rénovation des bâtiments

Question publiée au JO le : 06/12/2022 page : 5952
Réponse publiée au JO le : 04/07/2023 page : 6173

Texte de la question

M. Arnaud Le Gall attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le traitement des arnaques à la rénovation des bâtiments ainsi que les problèmes qu'elle sous-tend vis-à-vis de l'encadrement de l'activité des entreprises du secteur concerné, particulièrement en ce qui a trait au délai de prescription commerciale de 5 ans. Le Gouvernement dit faire de la rénovation des bâtiments une de ses priorités dans le cadre des différentes lois sur la transition énergétique. Or plusieurs concitoyens ont fait les frais d'arnaques à la rénovation de leurs logements face auxquelles la loi ne semble pas adaptée. C'est par exemple le cas de M. Jean-Yves Le Cadre, que la société Technitoit aurait escroqué à hauteur de plusieurs dizaines de milliers d'euros ces dernières années, comme l'a récemment rappelé la presse. Et lorsque l'on se penche sur les activités de cette société, on se rend compte que des dizaines de personnes auraient fait les frais soit d'une surfacturation excessive, soit d'une incitation au recours à des crédits financiers à travers des pratiques particulièrement agressives. C'est un système d'arnaque généralisé qui a été mis en place par de nombreuses sociétés profitant à la fois de la faiblesse de personnes âgées et isolées mais aussi de l'encadrement légal en matière de rénovation lié à la transition écologique. C'est en cherchant à porter plainte que, plusieurs années après ces travaux, le fils de M. Le Cadre s'est retrouvé face à une disposition du code du commerce : la prescription. Celui-ci stipule en effet, par l'article L. 104, que « les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans ». Toutes poursuites pour pratiques commerciales trompeuses (L. 121-2) ou pratiques commerciales agressives (L. 121-6) sont donc caduques, dans la mesure où ces plaintes ont été déposées dans un délai dépassant celui de la prescription. Par ailleurs, M. Le Cadre a dû faire face à un autre constat : plusieurs sociétés auxquelles son père avait eu recours se sont déclarées en faillite quelques temps après avoir effectué des travaux chez ce dernier. C'est par exemple le cas de la SASU Préservation du patrimoine de l'habitat français ou de la SAS Futura international, dont les activités ont cessé en mars 2019 pour la première et en septembre 2021 pour la seconde. Pourtant, plusieurs des sociétés auxquelles M. Le Cadre a eu recours sont réapparues. Même nom, même dirigeant. Mais le numéro de SIRET n'étant pas le même, impossible de porter plainte contre une entreprise dont l'existence juridique a été dissoute. Cette affaire, analogue à celles vécues par plusieurs milliers de citoyens, démontre que le délai de prescription de 5 ans inscrit dans la loi est inadapté. Face à la hausse des pratiques commerciales trompeuses ou agressives, des arnaques et abus de faiblesse en tout genre, quelle réponse le Gouvernement est-il prêt à apporter aux consommateurs et consommatrices français pour sécuriser les investissements demandés aux Français dans le cadre de la transition énergétique ainsi que pour rétablir la confiance entre le client et le commerçant ? Du point de vue de M. le député, un encadrement public beaucoup plus strict et une vraie loi prévoyant une planification écologique ne reposant pas essentiellement sur des dispositifs de défiscalisation et des acteurs privés serait souhaitable ; le Gouvernement ne pourrait-il pas, a minima, mettre à l'agenda législatif la rallonge de ce délai de prescription de 5 ans ? En ce qui a trait à la mise en faillite et la cessation juridique de l'activité d'une entreprise, l'État est-il prêt à encadrer plus sérieusement la mise en faillite et la liquidation d'entreprises et permettre la possibilité d'une enquête et de la poursuite de ses anciens dirigeants à titre individuel dans le cas d'une fraude avérée ? Il lui demande si la loi du plus fort et du plus rusé va continuer à primer ou si le Gouvernement est prêt à accompagner et soutenir les consommateur face à des pratiques abusives de la part de certains commerçants.

Texte de la réponse

Le ministère de la Justice tient à rappeler en premier lieu que la France s'est dotée, de longue date, d'un arsenal législatif particulièrement complet et protecteur du consommateur. En matière pénale, le code de la consommation et le code pénal protègent le consommateur : - en prohibant certaines pratiques commerciales qu'il s'agisse de pratiques commerciales déloyales (articles L. 121-1 à L. 121-4 du code de la consommation concernant les pratiques commerciales trompeuses, articles L. 121-6 et L. 121-7 concernant les pratiques commerciales « illicites » ou agressives, article L. 121-19 sur la vente ou prestation de services avec prime, article L. 121-10 sur les loteries publicitaires et article L. 121-11 sur la prohibition des ventes subordonnées déloyales) ou d'autres pratiques abusives telles que l'abus de faiblesse (article 223-15-2 du code pénal et L. 121-8 à L. 121-10 du code de la consommation) ; - en sanctionnant par des délits et des contraventions des comportements illicites ou indélicats venant émailler la formation et l'exécution du contrat (notamment concernant les crédits à la consommation, les crédits immobiliers, les modalités des taux d'intérêts, le démarchage bancaire, ou les contrats à distance portant sur les services financiers) ; - en punissant les fraudes, tromperies et falsifications dont le consommateur serait victime (notamment par l'article L. 441-1 du code de la consommation incriminant la tromperie, et l'article L. 413-1 du même code incriminant plusieurs types de falsifications). Au-delà de ces infractions spécifiques, il convient de souligner qu'en la matière, les infractions classiques que sont l'escroquerie (article 313-1 du code pénal), ou le faux et l'usage de faux (articles 441-1 et suivants du code pénal) sont également susceptibles d'être retenues. Par ailleurs sur le point de la prescription, il sera rappelé que depuis la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale, le délai de la prescription des délits est passé de trois à six ans. Celle-ci est indépendante de la prescription en matière civile et commerciale. En matière commerciale, le délai de prescription applicable entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants est de cinq ans sous réserve de dispositions spéciales plus courtes, conformément à l'article L. 110-4 du code de commerce. Cette règle résulte de la volonté du législateur, par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, de simplifier le droit de la prescription et de renforcer la sécurité juridique en tenant compte des nécessités du commerce. Le ministère de la Justice n'a pu identifier l'affaire particulière dont il est fait état dans la question écrite, et ne peut au demeurant ni donner d'instruction dans le cadre de dossiers individuels, ni interférer dans les procédures judiciaires. Il relève néanmoins que si ce dossier a trait à une plainte pénale tel que mentionné, le délai de prescription n'est donc pas celui évoqué, visé par le code de commerce et concernant la matière commerciale, mais celui prévu par l'article 8 du code de procédure pénale applicable aux faits délictuels. Enfin, la procédure pénale ne fait en aucun cas obstacle à la poursuite du dirigeant personne physique qui se serait rendu coupable d'infractions pénales précédemment à la dissolution de la personne morale (si les faits ne sont pas prescrits) ; cette dernière peut également être mise en cause dès lors que l'action publique est déclenchée avant la clôture des opérations de liquidation (par application des articles 121-2 du code pénal et L. 237-2 et L. 251-21 du code de commerce).