16ème législature

Question N° 3784
de M. Éric Coquerel (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Seine-Saint-Denis )
Question écrite
Ministère interrogé > Sports, jeux Olympiques et Paralympiques
Ministère attributaire > Sports, jeux Olympiques et Paralympiques

Rubrique > jeux et paris

Titre > Effets des paris sportifs sur les populations de Seine-Saint-Denis

Question publiée au JO le : 06/12/2022 page : 5979
Réponse publiée au JO le : 14/02/2023 page : 1515

Texte de la question

M. Éric Coquerel alerte Mme la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques sur les effets des paris sportifs sur les populations mises en situation de précarité de Seine-Saint-Denis. Alors que se déroule la Coupe du monde de football au Qatar, la pratique des paris sportifs continue de toucher une part de plus en plus grande de la population française. Les populations urbaines, jeunes et précaires sont particulièrement touchées. Un public particulièrement présent dans le département de Seine-Saint-Denis. Dans l'espoir de compléter des salaires faibles, de sortir d'une situation économique et sociale très dure, nombreux sont ceux qui s'adonnent à ces pratiques dangereuses du point de vue de la santé, mentale et physique. Selon les chiffres de l'Autorité nationale des jeux (ANJ), un quart des jeunes parieurs bascule dans une pratique problématique. Le risque de l'addiction est omniprésent, avec son corolaire d'isolement, de dépressions, voire de suicides. Ces jeunes précaires des quartiers populaires sont, de plus, très explicitement des cibles pour les opérateurs de paris. Jouant sur le mythe - et le mensonge - de l'élévation sociale par la pratique du jeu d'argent, ces opérateurs usent et abusent des codes de la culture populaire. Le Conseil départemental de Seine-Saint-Denis, les associations, toutes et tous dénoncent le caractère peu contraignant de la loi en vigueur, notamment en matière de prévention. M. le député demande au Gouvernement s'il envisage de légiférer de manière plus stricte face aux pratiques des opérateurs de paris, ainsi que de renforcer les moyens et mesures de prévention des risques. Plus largement, il voudrait savoir s'il ne serait pas temps de revenir sur l'ouverture à la concurrence de 2010 du secteur des paris sportifs.

Texte de la réponse

Le Gouvernement est pleinement conscient de l'ampleur du phénomène des paris sportifs. A l'occasion de la Coupe du monde de football au Qatar, l'Autorité nationale des jeux a enregistré 615 M€ de mises, soit près de plus de 50 % par rapport aux mises sur l'Euro de football de 2020 et 70 % par rapport au mondial de 2018. Il est également bien conscient des problématiques d'addiction qui peuvent être liées à ce phénomène, et de la stratégie de ciblage renforcé des jeunes par le recours à des stratégies de marketing digital sur les réseaux sociaux particulièrement suivis par des mineurs mais également une stimulation active du joueur ayant pour effet d'intensifier les pratiques de jeu et le recrutement de nouveaux joueurs. A cet égard, les lois en vigueur encadrent de manière stricte la communication commerciale des opérateurs de paris. En effet, d'une part, l'article L. 320-12 du code de la sécurité intérieure interdit les communications commerciales sur les différents supports à destination des mineurs et, d'autre part, l'article 34 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 impose aux opérateurs de paris autorisés de présenter leur stratégie commerciale à l'Autorité nationale des jeux (ANJ) pour approbation. Ces textes font partie d'un socle conçu comme un ensemble de régulation solide et cohérent pour le secteur en vue d'assurer la prévention du jeu excessif et la protection des mineurs. Dans ce contexte, l'ouverture à la concurrence a permis le développement d'une offre plus encadrée et pouvant être contrôlée par l'ANJ. Un retour à un monopole conduirait à une impossibilité pour les pouvoirs publics de contrôler le secteur, notamment le marché illégal qui se développerait nécessairement, et d'assurer une protection du public et des joueurs. Il en va de même s'agissant d'une évolution de la réglementation. Ce cadre parait toujours pertinent et sa mise en œuvre a été récemment renforcée. L'ANJ a récemment développé des lignes directrices relatives aux contenus des communications commerciales des opérateurs de jeux d'argent et de hasard et des recommandations sur les communications commerciales des opérateurs de jeux agréés ou titulaires de droits exclusifs, qu'elle a publiées en début d'année 2022. Ces lignes directrices concernent plus particulièrement les articles D. 320-9 et D. 320-10 du code de la sécurité intérieure relatifs à l'interdiction des communications commerciales pouvant inciter à un jeu excessif ou pathologique et les mineurs à jouer à des jeux d'argent et de hasard. Ainsi, elles visent à interpréter ces deux articles comme interdisant les communications commerciales : banalisant ou valorisant la pratique du jeu excessif ; suggérant que jouer contribue à la réussite sociale ; contenant des déclarations infondées sur les chances de gagner ou les gains pouvant être espérés des joueurs ; suggérant que jouer peut être une solution face à des difficultés personnelles, professionnelles, sociales ou psychologiques ; présentant le jeu comme une activité permettant de gagner sa vie ou comme une alternative au travail rémunéré ; mettant en scène un mineur ou représentant un mineur en situation d'achat ; incitant les mineurs à considérer que les jeux d'argent et de hasard font naturellement partie de leurs loisirs ; mettant en scène des personnalités ou personnages appartenant à l'univers des mineurs ; orientées vers les enfants ou les adolescents, ou particulièrement attractives pour ceux-ci en raison notamment d'éléments visuels, sonores, verbaux ou écrits. Les recommandations adoptées par l'ANJ préconisent la limitation du volume et de la fréquence des communications commerciales relatives aux jeux sur l'ensemble des différents supports médiatiques existants, l'adoption d'une charte de bonne conduite relative à l'affichage publicitaire par les opérateurs ou encore l'interdiction d'accès aux communications commerciales des utilisateurs des plateformes qui ne détiennent pas de compte et/ou n'ont pas attesté de leur majorité. Ces lignes directrices et recommandations sont consultables sur le site internet de l'ANJ. Les modalités d'affichage du message de mise en garde contre le jeu excessif ou pathologique sur les communications commerciales ont été modifiées par arrêté du 29 juillet 2022. Ces nouvelles modalités d'affichage ont notamment pour effet de réduire le nombre de lignes afin de rendre le message de prévention plus percutant, de se rapprocher du visuel proposé par l'ANJ et de simplifier les visuels en affichant le seul logo du Gouvernement. Il convient de souligner que cet arrêté ne concerne que les communications commerciales diffusées sur tout support autre qu'informatique. En complément, un projet d'arrêté sur les avertissements sanitaires à apporter sur les publicités diffusées sur internet a fait l'objet d'une notification à la Commission européenne le 6 janvier 2023, ce qui implique une adoption à partir du 7 avril 2023. Par ailleurs, le projet d'arrêté mentionne une date d'entrée en vigueur 30 jours après son adoption. Enfin, l'ANJ a également innové en termes de communication en diffusant largement, en amont de la Coupe du Monde, un clip original "T'as vu, t'as perdu", dont la résonnance médiatique très forte a contribué à lutter efficacement contre le jeu excessif. Au-delà, le ministère est pleinement engagé dans la prévention des risques liés aux paris sportifs aux côtés de l'ANJ et des autres ministères compétents, notamment dans le cadre de la plateforme nationale de lutte contre la manipulation des compétitions, qu'il a consacrée par la loi n° 2022-296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France. Il a également été particulièrement engagé dans les travaux relatifs au projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la manipulation de compétitions sportives, adopté par le Parlement le 8 décembre 2022. Si les paris sportifs ne sont pas nécessairement liés à des manipulations, la lutte contre ce phénomène participe de la protection des joueurs et particulièrement des plus jeunes.