Question écrite n° 392 :
Passage en location-gérance de magasins du groupe Carrefour

16e Législature

Question de : M. Jean-Charles Larsonneur
Finistère (2e circonscription) - Horizons et apparentés

M. Jean-Charles Larsonneur interroge M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur le passage en location-gérance de 47 magasins du groupe Carrefour. Dans le cadre du plan de transformation 2022 mis en œuvre depuis 2018, cette stratégie a conduit au transfert de 10 000 salariés à des repreneurs. Cette année, sont concernés 3 487 salariés. Pour l'entreprise de distribution, il s'agit d'inscrire ces magasins dans une « dynamique de croissance » mais pour les salariés, le changement d'employeur provoquerait des pertes de rémunérations estimées à deux mois de salaires ainsi que des pertes d'avantages sociaux (comme la fin de l'intéressement, de la participation et de la sixième semaine de repos). En séance publique le 19 mai 2021, Mme la ministre chargée du travail indiquait que ce passage en location-gérance avait fait « l'objet de deux accords collectifs, négociés dans le cadre d'un comité de suivi associant les organisations syndicales. Ces deux accords collectifs prévoient des clauses sociales et bien sûr, la reprise des salariés, mais aussi, au-delà de ce qui est prévu par le code du travail, le maintien des salaires, de la mutuelle et des différents avantages dont les salariés des magasins du groupe Carrefour bénéficient aujourd'hui ». Reçue à la permanence de M. le député à Brest, la section CFDT de Carrefour Brest l'a informé que les accords ne prévoient le maintien des droits des salariés et des emplois que durant quinze mois après la reprise. Les salariés redoutent donc que cette transformation ne serve à contourner le droit du licenciement. Ils appellent à une vraie reconnaissance des « salariés de deuxième ligne », au versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat de mille euros et plus globalement, à une revalorisation des grilles salariales. Il souhaite donc savoir comment elle compte préserver les emplois et les droits des salariés du groupe Carrefour.

Réponse publiée le 15 novembre 2022

Au terme de l'article L. 144-1 du code de commerce, la location-gérance se définit comme « tout contrat ou convention par lequel le propriétaire ou l'exploitant d'un fonds de commerce ou d'un établissement artisanal en concède totalement ou partiellement la location à un gérant qui l'exploite à ses risques et périls ». La conclusion d'un contrat de location-gérance entre pleinement dans le champ de l'article L. 1224-1 du code du travail, qui prévoit que « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ». Ainsi en a décidé une jurisprudence constante, notamment en dernier lieu un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 18 décembre 2000, n° 98-41.178, publié au Bulletin civil, 2000, V, n° 425, p. 326 : « Attendu, cependant, que la mise en location-gérance du fonds de commerce avait entraîné le transfert d'une entité économique, dont l'activité a été poursuivie par le locataire-gérant, qui était tenu, en application de l'article L. 122-12 du code du travail, de reprendre les contrats de travail des salariés […] ». Dès lors, la mise en location-gérance de magasins du groupe CARREFOUR n'entrainera aucune modification des éléments essentiels du contrat de travail des salariés concernés par le transfert, notamment en matière de rémunération et de conditions de travail. En ce qui concerne les avantages collectifs, les dispositions de l'article L. 2261-14 du code du travail prévoient que lorsque l'application d'une convention ou d'un accord est mise en cause dans une entreprise en raison notamment d'une cession, cette convention ou cet accord continue de produire ses effets jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué, ou à défaut, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis, soit quinze mois au total, sauf clause prévoyant une durée supérieure. A l'expiration de ce délai, en l'absence de nouvelle convention ou de nouvel accord, les salariés affectés ont droit au maintien de leur rémunération perçue au cours des douze derniers mois. La jurisprudence a décidé que les dispositions précitées de l'article L. 2261-14 étaient applicables en cas de location-gérance : « une location-gérance, qui entraîne changement d'employeur pour le personnel de l'ensemble transféré, met en cause au sens de l'article L. 2261-14 les conventions et accords qui régissaient jusque-là ce personnel » (Cass. 2° civ, 9 avril 2009, Bull. civ. 2009, II, n° 99). Dès lors, la mise en location-gérance de magasins du groupe CARREFOUR, si elle entraîne effectivement une mise en cause des éventuels conventions ou accords collectifs d'entreprise, ouvrira cependant droit au bénéfice d'une garantie de rémunération versée selon les modalités prévues à l'article L. 2261-14 du code du travail, pour tous les salariés concernés par le transfert.

Données clés

Auteur : M. Jean-Charles Larsonneur

Type de question : Question écrite

Rubrique : Travail

Ministère interrogé : Travail, plein emploi et insertion

Ministère répondant : Travail, plein emploi et insertion

Dates :
Question publiée le 26 juillet 2022
Réponse publiée le 15 novembre 2022

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