Protection tarifaire des commerces de proximité et des petites entreprises
Question de :
M. Laurent Alexandre
Aveyron (2e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale
M. Laurent Alexandre attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les graves insuffisances de ce que son ministère présente pourtant comme un « dispositif complet pour accompagner les entreprises face aux hausses des prix de l'électricité et du gaz ». Des millions de petits commerçants, artisans, agriculteurs, entrepreneurs voient leur activité menacée par la hausse brutale des tarifs de l'énergie malgré les aides gouvernementales. M. le député a rencontré les artisans bouchers et charcutiers qui ont manifesté le 29 novembre 2022 près de l'Assemblée nationale. De nombreuses boucheries artisanales ne peuvent prétendre au bouclier tarifaire en raison d'une puissance souscrite supérieure à 36kVA. La situation de nombreux boulangers est tout aussi alarmante pour des raisons équivalentes. Leurs factures explosent et atteignent des niveaux insoutenables. De nombreux commerçants et artisans risquent de mettre la clef sous la porte. Par exemple, une étude démontre que 20 % des boulangers pourraient fermer leur commerce en 2023. Des agriculteurs aveyronnais ont également alerté M. le député avec des exemples très concrets et tout aussi préoccupants. L'un, ayant une puissance souscrite de 90kVA et un contrat d'électricité renouvelable tous les ans, voit sa facture prévisionnelle passer de 10 387 euros en 2022 à 70 989 euros en 2023 avec les nouveaux tarifs proposés par EDF. Après une étude comparative telle qu'elle lui est proposée par son fournisseur d'énergie, cet agriculteur peut au mieux prétendre à une facture en 2023 de 50 826,65 euros, soit cinq fois le coût qu'il va payer pour cette année 2022. Ces cas illustrent selon M. le député les nombreux manquements du dispositif gouvernemental, en dépit des annonces de renforcement récentes. Avec le cumul de l'amortisseur des tarifs d'électricité et celui du guichet d'aide au paiement des factures pour 2023, de nombreux commerces et entreprises resteront en péril. Dans les projections les plus optimistes, face à une facture qui va se multiplier par 4, 5, 6 voire plus, l'impact de l'aide gouvernementale sera bien trop modéré pour compenser les factures bien supérieures à celles de l'an passé. Tant de ces petits commerçants, déjà fortement fragilisés avec la crise covid, risquent de voir leur activité cesser définitivement. C'est tout un pan d'une vie de village, de bourg, de petite et moyenne ville qui s'en va avec la fermeture d'un commerce. M. le député insiste sur le caractère indispensable des petits commerces et notamment des bouchers et boulangers pour la vie économique et sociale des territoires ruraux. Leur fermeture signifie souvent pour les habitants la contrainte d'utiliser la voiture individuelle sur plus de 10 kilomètres et parfois bien plus, pour trouver un service de bouche alternatif. Quant aux agriculteurs, ils sont des maillons essentiels de l'indépendance alimentaire et nourrissent le pays, faut-il encore le rappeler ? De plus, ces commerces de proximité et petits producteurs sont soumis à la concurrence des grands groupes et des autres pays européens. De nombreux pays de l'Union ont déjà pris et continuent de prendre de leur côté des mesures claires pour endiguer les prix de l'énergie. L'Espagne et le Portugal, en réglementant les prix du gaz pour 2023 font chuter les prix de l'électricité, jusqu'à 130 euros/MWh, pour des tarifs supérieurs à 500 euros/MWh en France. De même, l'Allemagne plafonne les prix du gaz et de l'électricité chez elle, tout en continuant à s'opposer à un blocage européen des prix du gaz. Elle taxe également les superprofits, à l'instar des Pays-Bas, ces deux pays allouant une partie de cette contribution exceptionnelle à leurs dispositifs de contrôle des prix de l'énergie. Ainsi, d'autres pistes que les mesures gouvernementales coûteuses et inefficaces existent et sont appliquées par d'autres pays européens. D'ailleurs, des propositions telles que la taxation des superprofits ou le blocage des prix des produits de première nécessité ont été débattues dans l'hémicycle mais balayées à coup de 49-3. M. le député estime qu'il est urgent de protéger l'économie du pays. D'une part en appliquant dans l'urgence le bouclier tarifaire aux petites entreprises. D'autre part, en rétablissant ensuite des tarifs réglementés pour sortir des seules logiques du marché dérégulé qui conduisent le pays dans l'impasse actuelle. Le marché et la concurrence dans le secteur de l'énergie sont en effet inefficaces et dangereux en temps de crise, on en a une tragique illustration actuellement. Pourtant, on a en France les moyens opérationnels et techniques d'engager une grande bifurcation de l'organisation du secteur de l'énergie. Le coût de production moyen d'un mégawattheure en France est inférieur à 100 euros, quand les prix de marché ont dépassé les 1 000 euros à l'été 2022. En planifiant et exploitant le parc de production français, on peut élaborer une grille tarifaire simple, lisible et équitable pour les producteurs comme les consommateurs, basée sur les coûts de production. La stabilité des prix serait alors garantie et bénéfique tant pour les consommateurs que pour les producteurs. Une telle réforme ne viendrait pas bouleverser l'organisation actuelle des échanges transfrontaliers ni la mutualisation des moyens de production à l'échelle européenne. Elle nécessiterait certes une dérogation aux règles européennes, notamment au principe de libéralisation du marché de l'électricité, dans un contexte où les pays de l'Union européenne multiplient déjà les dérogations face aux dysfonctionnements graves du marché. On peut d'ailleurs servir d'exemple à l'Europe entière, à l'heure où une réforme structurelle du marché européen de l'électricité va être débattue au premier trimestre 2023. La promotion d'un opérateur public centralisé européen bénéficierait à tous les pays de l'Union européenne et les ferait entrer dans un cycle de coopération plutôt que de concurrence. Un service public de l'électricité refondé peut apporter une réponse claire aux dysfonctionnements de marché et relever les enjeux économiques, écologiques et sociaux que l'on va devoir affronter dans un futur très proche. Ainsi, il lui demande quand il compte cesser de s'entêter avec son dogmatisme économique pour enfin prendre des mesures protectrices et efficaces pour préserver le commerce de proximité, les petites et moyennes entreprises ainsi que les artisans du pays.
Réponse publiée le 4 juillet 2023
Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et la ministre déléguée en charge des PME, du commerce, de l'artisanat et du tourisme sont pleinement mobilisés pour soutenir les entreprises confrontées à la hausse des coûts de l'énergie. A ce titre, plusieurs dispositifs d'aide ont été mis en place, prenant en compte la diversité des situations des entreprises. Tout d'abord, s'agissant de l'électricité, un dispositif de bouclier tarifaire est mis à disposition des très petites entreprises -TPE- (moins de 10 salariés et chiffre d'affaires -CA- annuel ou bilan inférieur à 2 M€) éligibles au tarif réglementé de vente (TRVe) (ayant un compteur électrique d'une puissance inférieure à 36 kVA). Il limite la hausse du TRVe à 15 % à partir de février 2023. S'agissant des TPE et petites et moyennes entreprises (PME) dont la puissance du compteur est supérieure à 36 kVA, un amortisseur électricité a été mis en place à compter du 1er janvier 2023. Il prend en charge, sur 50 % des volumes d'électricité consommés, l'écart entre le prix de l'énergie du contrat payé en 2023 (hors acheminement et hors taxes) et 180 €/MWh, dans la limite de 320 €/MWh. Par ailleurs, les TPE bénéficient d'un tarif plafonné à 280 €/MWh en moyenne en 2023. L'amortisseur électricité est cumulable avec le guichet d'aide au paiement des factures de gaz et d'électricité, qui vise toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. Les TPE et les PME doivent toutefois d'abord demander le bénéfice de l'amortisseur auprès de leur fournisseur avant de pouvoir bénéficier du guichet si elles en remplissent les conditions d'éligibilité. S'agissant de ce guichet d'aide au paiement des factures de gaz et d'électricité, sont éligibles les dépenses de gaz naturel et d'électricité, et les achats de chaleur et de froid produits à partir de ces énergies. L'entreprise doit subir une augmentation du prix moyen de l'énergie d'au moins 50 % sur la période de demande d'aide par rapport à la même période en 2021, et les dépenses d'énergie sur la période de demande de l'aide doivent s'élever à au moins 3 % du CA sur la même période en 2021. Le dispositif est composé d'une aide dite « générique » (intensité de 50 % pour une aide plafonnée à 4 M€), ainsi que de deux aides dites « renforcées » (intensités respectives de 65 % et 80 % et pour des aides respectivement plafonnées à 50 et 150 M€) pour les entreprises structurellement énergo-intensives (les dépenses d'énergie en 2021 doivent représenter au moins 3 % du CA 2021, ou les dépenses d'énergie du premier semestre 2022 doivent représenter au moins 6 % du CA de ce même semestre). Pour accéder aux aides renforcées, les entreprises énergo-intensives doivent justifier d'un excédent brut d'exploitation (EBE) négatif ou en baisse de plus de 40 % par rapport à 2021. Les aides sont plafonnées à 70 % de la consommation d'énergie 2021. La demande d'aide au titre du guichet d'aide gaz électricité est à déposer sur le site impots.gouv.fr. Le ministre indique que le décret n° 2023-189 du 20 mars 2023 institue une nouvelle aide plafonnée à 2 M€, applicable à compter des dépenses de septembre 2022, pour les entreprises confrontées à des situations dites atypiques, c'est-à-dire ayant subi ou connu un évènement exceptionnel ayant pour conséquence que leur consommation d'énergie en 2021 n'est pas représentative de leur activité normale en 2022 ou 2023. Le fonctionnement général de cette aide est similaire au guichet générique (critère de hausse de prix, d'énergo-intensité, intensité de l'aide), mais le volume d'énergie considéré pour le calcul des coûts éligibles est celui consommé pendant la période éligible (i.e. en 2022 ou 2023, contre 2021 pour le guichet générique). La limite de 70 % du volume considéré est conservée pour ce nouveau dispositif. Par ailleurs, le décret n° 2023-189 du 20 mars 2023 permet aux entreprises créées à partir du 1er décembre 2021 – jusqu'ici non éligibles - de bénéficier d'une aide plafonnée à 2 M€ sur leurs consommations de gaz et d'électricité, à compter des dépenses de septembre 2022. Par ailleurs, pour accompager les entreprises dans leurs démarches, un conseiller départemental à la sortie de crise est désigné dans chaque département. Les coordonnées du conseiller sont disponibles sur le site impots.gouv.fr.
Auteur : M. Laurent Alexandre
Type de question : Question écrite
Rubrique : Commerce et artisanat
Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère répondant : Petites et moyennes entreprises, commerce, artisanat et tourisme
Dates :
Question publiée le 20 décembre 2022
Réponse publiée le 4 juillet 2023