Question de : M. Éric Woerth
Oise (4e circonscription) - Renaissance

M. Éric Woerth attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les difficultés des Français pour obtenir un crédit bancaire dans la perspective d'un achat d'un bien immobilier. En effet, aujourd'hui, de nombreux ménages solvables ne parviennent pas à acquérir un bien immobilier en raison du taux d'usure, taux conçu initialement pour protéger les consommateurs de taux d'intérêts excessifs. Or l'application du taux d'usure est en train de se retourner contre les ménages, en particulier les plus modestes. On observe ainsi une nette diminution du nombre de prêts bancaires accordés pour des achats dans l'immobilier ancien, avec environ moins 30 % au troisième trimestre 2022 selon l'Observatoire Crédit Logement/CSA. Le taux d'usure fixé par la Banque de France constitue un plafond pour les emprunts à compter de 20 ans, qui ne suit pas l'évolution actuelle des taux d'emprunt. La Banque de France fixe le taux d'usure à partir des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit augmentés d'un tiers. En période de remontée sensible des taux de prêts, un pincement se produit entre les taux bancaires pratiqués et le taux d'usure calculé sur le trimestre précédent, trop en décalage avec la réalité des taux réel. L'accès au crédit immobilier se dégrade alors. Si M. le député est évidemment favorable au principe de protection de l'emprunteur contre des taux excessifs, il constate que le mécanisme de fixation du taux d'usure est profondément inadapté à la conjoncture économique actuelle et pénalise injustement les potentiels emprunteurs. Au 1er octobre 2022, ce taux qui comprend le taux nominal du crédit, les différents frais bancaires et l'assurance emprunteur, a été relevé à 3,05 % pour les crédits de 20 ans et plus et à 3,03 % pour les durées plus courtes. La remontée importante de ces taux avait donné un peu d'espoir aux emprunteurs. Mais l'embellie n'aura été que de courte durée. Les établissements bancaires ont très vite remonté leurs taux et de nouveau l'addition des taux d'intérêt, des frais et de l'assurance est venue heurter le taux d'usure. Beaucoup de dossiers restent encore infinançables en l'état, au grand désarroi des emprunteurs. Aussi, M. le député demande à M. le ministre de bien vouloir lui préciser les mesures qu'il compte mettre en œuvre pour permettre aux Français de continuer à avoir accès au crédit immobilier et revoir la méthode de fixation du taux d'usure afin qu'un tel blocage n'advienne plus. Une actualisation mensuelle du taux d'usure est indispensable pour permettre sa meilleure adéquation avec le contexte d'évolution des taux, en évitant de créer des impasses d'accès au crédit.

Réponse publiée le 14 mars 2023

Le Gouvernement est très attentif à l'accès au crédit et au risque d'éviction de certains ménages dans le contexte actuel de remontée des taux d'intérêt. Les modalités de calcul du taux d'usure sont définies par l'article L.314-6 du code de la consommation, qui dispose que « constitue un prêt usuraire tout prêt conventionnel consenti à un taux effectif global qui excède, au moment où il est consenti, de plus du tiers, le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les établissements de crédit et les sociétés de financement pour des opérations de même nature comportant des risques analogues […] ». Conformément aux articles D.314-15 et D.314-16 du code précité, les taux effectifs moyens sont calculés trimestriellement par la Banque de France « selon une moyenne arithmétique simple des taux effectifs globaux observés », via des collectes auprès des établissements prêteurs. Le taux d'usure vise à protéger les emprunteurs, notamment les plus fragiles, d'une charge de la dette excessive. La formule de calcul du taux d'usure permet de contenir les taux d'intérêt dans une fourchette réduite, qui bénéficie ainsi à la majorité des emprunteurs. Toutefois, la remontée rapide des taux, que nous connaissons depuis quelques mois, a pu conduire le niveau du taux d'usure à devenir trop contraignant et à gripper l'accès au crédit des particuliers. Le Gouvernement a, dès lors, organisé un cycle de travail avec l'ensemble des parties concernées (Banque de France, Trésor, banques, associations de consommateurs…) afin de faire un état des lieux exhaustif des impacts du taux d'usure et d'examiner les mesures de correction possibles. Des premiers ajustements techniques ont ainsi été apportés, dès juin 2022, pour que le taux d'usure suive mieux l'évolution des taux du marché. Surtout, en janvier 2023, sur recommandation du Gouverneur de la Banque de France, le Ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique a décidé de réviser mensuellement le taux d'usure, jusqu'en juillet 2023. Cette mesure transitoire permet au taux d'usure de davantage refléter l'état des taux du marché, tout en conservant son caractère protecteur pour les emprunteurs. Ainsi, le taux d'usure des crédits immobiliers à taux fixe de plus de vingt ans est passé de 3,05 % au 1er octobre 2022 à 4% au 1er mars 2023. Le ministère de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, en lien avec la Banque de France, continuera de suivre l'évolution de l'accès au crédit avec la plus grande attention, afin d'évaluer les effets des mesures mises en œuvre.

Données clés

Auteur : M. Éric Woerth

Type de question : Question écrite

Rubrique : Banques et établissements financiers

Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Dates :
Question publiée le 10 janvier 2023
Réponse publiée le 14 mars 2023

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