Pénuries de médicaments et souveraineté sanitaire
Question de :
M. Francis Dubois
Corrèze (1re circonscription) - Les Républicains
M. Francis Dubois appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur les pénuries de certains médicaments en France. En effet, cela fait maintenant plusieurs semaines que nombre de concitoyens, dont des parents de jeunes enfants, rencontrent de grandes difficultés à trouver en pharmacie des antibiotiques, comme l'amoxicilline, ou des anti-douleurs, comme le paracétamol, notamment sous sa forme pédiatrique. Cette situation alarmante est connue depuis longtemps puisqu'en 2019, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) avait déjà reçu 1 500 signalements de médicaments en rupture de stock et en 2022, ce sont plus de 3 000 signalements de ruptures et risques de ruptures de stock de médicaments qui ont été enregistrés, contre 2 160 en 2021. La délocalisation de la production de ces médicaments ou de leurs substances actives dans des pays à bas coûts de production comme l'Inde ou la Chine semble en partie expliquer cette pénurie. Mais ce n'est sans doute pas la seule raison : la France, en plafonnant le prix de ces médicaments, deviendrait un marché moins attractif pour les laboratoires et se verrait ainsi servir en dernier, les laboratoires préférant vendre en priorité à meilleur coût aux pays voisins européens. Au cœur de la première vague de l'épidémie de covid-19, il avait été annoncé par le Gouvernement qu'une relocalisation de la production serait faite pour certaines molécules afin de limiter les pénuries. Alors que l'on connaît un pic de la demande avec une triple épidémie de grippe, covid-19 et bronchiolite et que la Chine connaît de grandes difficultés de production du fait de la forte résurgence de la covid-19 sur son territoire, cette forte tension dans l'approvisionnement de certains médicaments représente aujourd'hui une réelle menace pour l'activité des pharmaciens mais surtout pour la santé des Français, dont certains ont déjà difficilement accès aux médecins dans les déserts médicaux. Il devient donc urgent de réagir ; les annonces faites ces dernières semaines n'ont pas produit d'effets positifs dans l'immédiat. En conséquence, il lui demande de lui préciser les mesures qu'il entend prendre rapidement pour faire face efficacement à cette crise d'approvisionnement et s'il envisage notamment de diversifier les canaux d'approvisionnement en relocalisant la production afin de retrouver une souveraineté sanitaire et protéger les Français.
Réponse publiée le 21 mars 2023
Face aux tensions d'approvisionnement en médicaments et dispositifs médicaux qui durent depuis plusieurs semaines, le Gouvernement a réuni le 2 février 2023 un comité de pilotage pour faire le point sur la situation et poser les premiers jalons d'une nouvelle stratégie en matière de prévention et de gestion des pénuries. Ce comité a réuni les acteurs clés du secteur de la santé (représentants des patients, des professionnels de santé et des industriels). Les ruptures récentes sont la conséquence de la recrudescence importante des pathologies hivernales non corrélée à une augmentation proportionnelle de la fabrication des produits disponibles. En outre, d'autres phénomènes expliquent ces situations de rupture telles que les difficultés d'approvisionnement en matières premières et notamment en excipients entrant dans la composition de ces spécialités. Alors que l'intensité de la triple épidémie de Covid-19, de bronchiolite et de grippe a diminué ces dernières semaines, les tensions en approvisionnement restent fortes en France et à l'échelle mondiale. Au plus fort de la crise, le contingentement des stocks, l'interdiction des exportations par les grossistes, les préparations magistrales par les pharmaciens ou encore les recommandations à destination des patients et des professionnels de santé, ont permis de limiter autant que possible les tensions rencontrées sur certains produits. Ces mesures restent en vigueur jusqu'à ce que la situation s'améliore de façon pérenne. Le Gouvernement a également œuvré pour trouver de nouvelles solutions rapides pour les Français pour faire face à la tension en amoxicilline. En collaboration étroite avec les industriels du secteur, un million de flacons d'amoxicilline (représentant un mois de consommation nationale supplémentaire) ont été mis à disposition pour continuer à alléger les tensions. Pour autant, compte tenu de l'augmentation des signalements de ruptures et risques de ruptures de stock constatée ces dernières années, indépendamment de la pandémie Covid-19, le comité de pilotage qui s'est réuni le 2 février 2023, a acté le lancement d'une phase de concertation de deux mois avec l'ensemble des parties prenantes. Leurs propositions serviront à construire une nouvelle feuille de route pluriannuelle permettant de lutter contre les pénuries de produits de santé qui sera présentée au plus tard en juin 2023. La précédente feuille de route 2019-2022 a marqué des avancées majeures (plan de gestion des pénuries, obligation de détention de stocks de sécurité notamment). En outre, trois chantiers majeurs sont en cours. Premièrement, d'ici à la fin du mois de mai 2023, la liste des médicaments dits « critiques » car stratégiques pour la santé des patients sera établie sur la base des recommandations des autorités scientifiques. A cette liste seront attachées une analyse des risques en matière d'approvisionnement, et des solutions correctrices nécessaires. Plusieurs axes d'amélioration seront établis (plus forte transparence sur la disponibilité des produits de santé, amélioration de l'information des Français sur la situation, y compris territorialisée, renforcement de l'information des patients directement concernés, etc.). Ces améliorations iront de pair avec un renforcement de la stratégie de souveraineté portée à travers les investissements « France 2030 », afin de renforcer l'autonomie et la souveraineté industrielle française en relocalisant en France la production de certains médicaments stratégiques ainsi que leurs principes actifs. Deuxièmement, l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ANSM en lien avec la direction générale de la santé sera chargée d'établir un plan de préparation des épidémies hivernales (sécurisation des stocks, amélioration de la mise à disposition des données, responsabilisation de l'ensemble des acteurs du soin et des patients, etc.) pour anticiper d'éventuelles tensions et renforcer notre capacité à faire face à des pics saisonniers de consommation de médicaments. Troisièmement, un « Plan blanc Médicaments » activable en cas de situation exceptionnelle, nécessitant de prendre des mesures fortes pour sécuriser la prise en charge des patients, sera préparé. Le Gouvernement a également annoncé un moratoire sur les baisses de prix des génériques stratégiques sur le plan industriel et sanitaire. Il est également prévu d'opérer des hausses de prix ciblées sur certains génériques stratégiques produits en Europe. Ces hausses de prix se feront en contrepartie d'engagements des industriels sur une sécurisation de l'approvisionnement du marché français. Enfin, au niveau européen, le règlement (UE) n° 2022/123 du 25 janvier 2022 qui a introduit des dispositions visant à prévenir et gérer les pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux considérés comme critiques, en renforçant le rôle de l'Agence européenne des médicaments est entré en application. Il s'agit là d'une première étape visant à mettre en place un cadre renforcé pour la notification et la surveillance des pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux lors d'urgences de santé publique ou d'événements majeurs dans l'Union européenne.
Auteur : M. Francis Dubois
Type de question : Question écrite
Rubrique : Pharmacie et médicaments
Ministère interrogé : Santé et prévention
Ministère répondant : Santé et prévention
Dates :
Question publiée le 10 janvier 2023
Réponse publiée le 21 mars 2023