16ème législature

Question N° 4929
de M. Johnny Hajjar (Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES) - Martinique )
Question écrite
Ministère interrogé > Première ministre
Ministère attributaire > Outre-mer

Rubrique > outre-mer

Titre > Empoisonnement au chlordécone en Martinique et en Guadeloupe

Question publiée au JO le : 24/01/2023 page : 537
Réponse publiée au JO le : 04/04/2023 page : 3149
Date de changement d'attribution: 14/02/2023

Texte de la question

M. Johnny Hajjar interroge Mme la Première ministre sur le scandale d'État lié à l'empoisonnement au chlordécone des peuples et des milieux naturels de Martinique et de Guadeloupe. Dans le cadre de la plainte pénale pour empoisonnement et mise en danger de la vie d'autrui des peuples et territoires de Guadeloupe et de Martinique, la justice, tout en reconnaissant l'existence d'une « catastrophe sanitaire », a rendu une ordonnance de non-lieu pour des raisons principalement de prescription, alors même que l'empoisonnement de milliers de Guadeloupéens et de Martiniquais se poursuit. En tant que représentant parlementaire du peuple martiniquais, M. le député souhaite interroger l'État, qui a activement contribué à la commercialisation de cette substance létale malgré la connaissance de sa haute toxicité et qui est donc complice et co-responsable de ce scandale d'État. Les deux juges d'instruction ayant rendu l'ordonnance de non-lieu dans ce dossier évoquent explicitement dans leurs conclusions « l'inadéquation de la loi pénale » face au « premier dossier judiciaire à traiter d'une pollution d'une telle ampleur, aux effets nuisibles d'autant plus graves et durables sur la santé, la flore, la faune, qu'elle a été provoquée sur un territoire insulaire ». On ne peut laisser ce cri judiciaire des juges d'instruction sans réponse parlementaire ! En tant que législateurs, on initie et on adapte les lois à la réalité. C'est bien à la loi de s'adapter à la réalité et non la réalité de s'adapter à la loi. Alors, il faut modifier la loi pour que justice soit rendue ! Alors, il faut réparer les imperfections de la loi pénale pour une justice juste, pour condamner les coupables, protéger aussi bien les victimes que l'environnement de nouveaux scandales. Aussi, M. le député souhaiterait savoir si Mme la Première ministre accepterait de mettre en place un processus juridique sécurisé permettant de modifier le code pénal et donc de déroger au droit commun afin de modifier les règles de prescriptions applicables à ce type de scandale notamment sanitaire, régler les imperfections du code pénal, sécuriser la justice dans son application et lui permettre de rendre justice. Il lui demande également si le Gouvernement accepterait de mettre en place une loi-programme de sortie du chlordécone prenant en compte au moins les 49 préconisations du rapport de la commission d'enquête parlementaire.

Texte de la réponse

La pollution à la chlordécone, par son ampleur et sa persistance, constitue un enjeu sanitaire, environnemental, agricole, économique et social majeur pour les Antilles. Conscient de la gravité de la situation et de son impact pour les populations, le Président de la République est le premier à avoir reconnu solennellement la part de responsabilité de l'Etat en 2018. En réponse à ce traumatisme qui touche les populations antillaises, l'action volontariste du Gouvernement permet des avancées concrètes pour protéger la santé des populations, tendre vers le « zéro chlordécone » dans l'alimentation et réparer les impacts de cette pollution au niveau individuel et collectif aux Antilles. Ces mesures ont été adoptées après une large consultation des parties prenantes et des citoyens et tiennent compte de la majorité des 49 recommandations du rapport de la commission d'enquête parlementaire de 2019. Le fonds d'indemnisation des victimes de pesticides est opérationnel, de manière pérenne, pour les personnes ayant déclaré une maladie liée à une exposition professionnelle aux pesticides, dont la chlordécone. Il concerne également les enfants exposés aux pesticides avant leur naissance, en raison de l'exposition professionnelle de l'un des deux parents. Les analyses de chlordécone dans le sang sont gratuites et permettent à chacun de mesurer son exposition à la chlordécone et de bénéficier, en fonction du résultat, d'un accompagnement adapté pour la réduire. Il est en effet possible de diviser par deux la teneur en chlordécone dans le sang en six mois en stoppant la consommation d'aliments contaminés. Les analyses de sols sont gratuites pour les agriculteurs et les particuliers, qui peuvent bénéficier de conseils gratuits pour produire des produits sains, y compris sur sols contaminés. Un dispositif d'aides financières a été créé en 2022 pour alléger les charges des pêcheurs dont l'activité est affectée par la chlordécone. La communauté scientifique est fortement mobilisée, comme l'ont illustré les « rencontres chlordécone 2022 » qui ont eu lieu du 12 au 16 décembre, avec un colloque scientifique de trois jours en Guadeloupe et des rencontres avec les différents publics en Guadeloupe et en Martinique pour « connaître pour agir ». L'Agence nationale de la recherche finance, conjointement avec la Région Guadeloupe et la Collectivité Territoriale de Martinique, six projets de recherche sur la chlordécone, à hauteur de 5,53 M€, dont la majorité porte sur la dépollution des sols. Le gouvernement est au travail pour accélérer les mesures et approfondir l'impact de l'action publique pour remédier à cette situation. La pollution environnementale par le chlordécone est un sujet grave. La réparation passe par l'action, et les services de l'Etat sont pleinement mobilisés, aux côtés des collectivités territoriales, des organismes de recherche et des professionnels de santé, pour protéger nos concitoyens des conséquences sanitaires de cette situation, dans la durée.