16ème législature

Question N° 553
de Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho (Rassemblement National - Essonne )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère attributaire > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Rubrique > postes

Titre > Suppression du timbre rouge

Question publiée au JO le : 02/08/2022 page : 3614
Réponse publiée au JO le : 25/10/2022 page : 4893

Texte de la question

Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur l'annonce par La Poste de la suppression du timbre rouge au 1er janvier 2023. En effet, La Poste justifie cette suppression par une évolution des usages et sa volonté de réduire son bilan carbone et énergétique. Cette suppression s'accompagne d'un rallongement du délai pour délivrer les courriers envoyés en timbre vert (3 jours au lieu de 2 jours) et la création d'une « e-lettre rouge » à envoyer depuis un automate situé dans le bureau de poste avec l'aide d'un conseiller et commercialisée 1,49 euros, ainsi que l'introduction d'une lettre « turquoise service plus » distribuée en 2 jours et commercialisée tout de même 2,95 euros. Ainsi, hormis l'augmentation significative des prix qui dépasse ici l'inflation (ex colissimo +9 %) alors qu'il s'agit ici d'un service public, cette mesure apparaît contre-productive dans la mesure où les particuliers qui utilisent le plus les services de La Poste sont les personnes âgées. En effet, ce sont précisément celles qui ont conservé le goût de l'écrit. Cette mesure va donc handicaper principalement celles et ceux qui ont le plus recours au timbre rouge et qui sont les moins aptes à utiliser les nouvelles technologies numériques. Certes, au début, La Poste mettra à la disposition de ses clients un conseiller qui aura pour mission d'aider les personnes les moins habituées au numérique à outrance de la société, mais pour combien de temps ? Par ailleurs, les guichets de La Poste n'étant pas connus pour leur très grande rapidité durant leurs heures d'ouverture, combien de temps une personne devra attendre avant de pouvoir envoyer son « e-lettre rouge » à l'aide d'un conseiller ? Enfin, il n'est pas inutile de rappeler que de très nombreux bureaux de Poste ont été supprimés à la campagne et qu'il sera donc difficile pour les ruraux d'utiliser ce nouveau service, alors que l'achat d'un carnet de timbre chez le buraliste et le dépôt de la lettre timbrée dans la boite jaune de levée du courrier était simple et pouvait se faire même en dehors des heures d'ouverture du bureau de poste. Dès lors, si l'on peut comprendre certaines adaptations et l'ouverture de nouveaux services s'ajoutant à ceux existant comme la lettre « turquoise service plus » distribuée en 2 jours, pourquoi supprimer le système multiséculaire du timbre rouge distribué en 1 jour et créer une « e-lettre rouge » à 1,49 euros, alors que l'envoi d'un e-mail ou d'un SMS gratuit revient au même ? La logique de la Poste dans la suppression du timbre rouge et la création de l'« e-lettre rouge » n'est donc pas vraiment claire. D'autant plus que si l' « e-lettre rouge » est envoyée de façon numérique, il semble que celle-ci devrait être distribuée en format papier par le facteur, ce qui générera forcément un coût carbone et énergétique. Aussi, elle demande au Gouvernement s'il entend exiger de La Poste que, conformément à son obligation de service public postal, elle maintienne le timbre rouge pendant au moins deux ans en parallèle de l'introduction de l' « e-lettre rouge » et des nouveaux services offerts pour déterminer ce dont les Français ont vraiment besoin au lieu de leur imposer d'en haut un système inadapté.

Texte de la réponse

La loi du 20 mai 2005 a désigné La Poste comme prestataire chargé de la mission de service universel postal. La loi du 9 février 2010 a confirmé l'attribution de cette mission à La Poste, pour une durée de 15 ans à compter du 1er janvier 2011. Malgré les gains de performance de La Poste et les hausses tarifaires autorisées par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), la baisse continue des volumes du service universel rend cette mission de service public fortement déficitaire. Le compte du service universel en coûts complets s'est établi à + 146 M€ en 2017 puis à -365 M€ en 2018, à -526 M€ en 2019 et à -782 M€ (hors provisions comptables pour dépréciations des actifs du courrier ou du colis) en 2020. En 2021, il s'établit à -617 M€. Face à cette évolution, le ministre de l'économie, des finances et de la relance avait missionné M. Jean Launay, ancien député, qui a remis le 27 mai 2021 un rapport intitulé « les mutations du service universel postal – enjeu politique de la proximité et de l'égalité des Français devant le service public » qui formule plusieurs recommandations pour l'évolution de cette mission de service public. Pour sa part, la Commission des affaires économiques du Sénat a adopté le 31 mars 2021 un rapport sur « l'avenir des missions de service public de La Poste », qui formule 28 propositions pour garantir un juste financement des quatre missions de service public confiées à La Poste, améliorer la qualité des services rendus aux usagers et envisager de nouveaux services répondant à un fort besoin social. Le 22 juillet 2021, le Premier ministre, accompagné du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités locales, a présidé le 6ème comité de suivi de haut niveau du contrat d'entreprise (CSHN) entre l'État et La Poste, en présence du Président-directeur général du Groupe La Poste, de MM. Patrick Chaize et Jean Launay et des membres du CSHN (ONPP, CSNP, Arcep, Association des maires de France et des intercommunalités, organisations syndicales représentatives de La Poste, associations de consommateurs). A cette occasion, le Premier ministre a réaffirmé l'attachement de l'État aux missions de service public et aux actions d'intérêt général accomplies par La Poste. Il a également annoncé le soutien du Gouvernement aux évolutions du service universel postal préconisées par M. Jean Launay. Il a indiqué que La Poste préparerait d'ici à 2023 une nouvelle gamme, centrée sur une offre à J+3 permettant de mieux répondre aux besoins des clients et de maintenir un haut niveau de qualité et de maîtriser l'impact carbone de cette activité. Il a également indiqué que la gamme inclurait des solutions pour les communications les plus urgentes, nécessitant une distribution en J+1. Cette évolution a été confirmée dans l'avenant au contrat d'entreprise 2018-2022 signé le 16 janvier 2022 par l'État et La Poste. Le 21 juillet 2022, La Poste, après décision du ministre chargé des postes et avis de l'Arcep, a annoncé l'évolution de sa gamme de courrier au 1er janvier 2023, en cohérence avec les annonces du Premier ministre lors du comité de suivi de haut niveau de juillet 2021. La nouvelle gamme courrier s'adapte à l'évolution des usages des Français, qui privilégient d'autres canaux (messagerie dématérialisée, par exemple) pour leurs communications urgentes, et préserve le service universel, accessible et abordable pour tous, partout, dans des conditions économiques et écologiques maîtrisées. Elle garantit l'égalité des territoires avec des tarifs identiques quelle que soit la distance parcourue et conforte la distribution 6 jours sur 7 des lettres, des colis et de la presse. La nouvelle gamme de courrier est aussi plus respectueuse de l'environnement. D'ici 2030, avec le développement de la e-Lettre rouge et de la Lettre verte en J+3, La Poste aura économisé 60 000 tonnes de CO2 par an, ce qui représente une réduction de 25 % par rapport aux offres actuelles. L'arrêt du transport aérien dans l'hexagone courant 2023, un meilleur remplissage des camions et l'impression des e-Lettres rouges au plus près du destinataire constituent les principaux leviers qui permettront cette économie. Pour permettre l'envoi des courriers physiques, les timbres postaux (timbre vert, timbre turquoise) seront toujours disponibles dans l'ensemble des points de contact de La Poste, y compris chez les réseaux partenaires comme les buralistes et relais commerçants ou encore, directement auprès du facteur. En complément, la gamme s'enrichit en solutions digitales, complémentaires aux produits physiques, pour répondre aux attentes des clients qui souhaitent faire leurs envois de chez eux, sans passer par un bureau de poste. Dans ce contexte, La Poste a annoncé une e-lettre rouge qui apportera la réponse aux usages urgents des clients particuliers et professionnels en permettant la distribution du pli dans la boite aux lettres du destinataire dès le lendemain pour toute commande avant 20h. Elle pourra servir par exemple pour envoyer au dernier moment un dossier d'inscription, un rapport de stage ou une résiliation d'abonnement. Cette solution ne recourt pas à des moyens de transport disproportionnés en terme de coûts écologique et économique au regard des volumes concernés (avion, liaisons spécifiques rapides). Elle répond aux besoins devenus aujourd'hui résiduels de Lettre prioritaire, en maintenant des tarifs abordables. La e-lettre rouge sera accessible pour le plus grand nombre dès le 1er janvier 2023 et sera disponible sur laposte.fr via son ordinateur personnel, sa tablette ou son smartphone. Cette e-lettre rouge soit également réalisable dans 7 000 bureaux de poste sur l'ensemble du territoire national, métropolitain et ultra-marin, en toute confidentialité, avec l'appui des chargés de clientèle de La Poste. Ces derniers seront spécifiquement formés pour accompagner les clients, particulièrement celles et ceux qui éprouvent des difficultés dans le maniement des outils numériques. Par ailleurs, des automates de nouvelle génération vont être déployés en 2023 dans près de 1 000 bureaux de poste, rendant possible la réalisation de sa e-lettre rouge de manière rapide et automatisée. Ainsi, la e-lettre rouge sera disponible dans tous les bureaux de poste de France permettant à toutes et tous de réaliser un courrier urgent, et de pallier les éventuels déficits de couverture numérique. Enfin, La Poste prépare le développement des moyens techniques pour proposer une nouvelle fonctionnalité, permettant au facteur de scanner un courrier au domicile des clients, et spécialement ceux ne pouvant se déplacer ou sans connexion internet et ainsi ouvrir l'accès à la e-lettre rouge.