16ème législature

Question N° 597
de M. Nicolas Meizonnet (Rassemblement National - Gard )
Question écrite
Ministère interrogé > Collectivités territoriales
Ministère attributaire > Collectivités territoriales

Rubrique > voirie

Titre > Préservation du patrimoine des chemins de France

Question publiée au JO le : 02/08/2022 page : 3601
Réponse publiée au JO le : 18/10/2022 page : 4717

Texte de la question

M. Nicolas Meizonnet attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales, sur la préservation des chemins ruraux. Les communes ont des difficultés juridiques pour réhabiliter leurs chemins ruraux non goudronnés. Il arrive que des sentiers ou chemins ruraux anciens qui ne sont pas utilisés pour la circulation automobile, ayant été délaissés ou envahis de végétation, soient barrés par des riverains qui en interdisent l'accès en toute illégalité ce qui supprime et empêche leur affectation au public telle que définie par les articles L. 161-1 et L. 161-2 du code rural et de la pêche maritime. Du fait de l'impossibilité d'emprunter ces chemins ruraux les juridictions, qui ne prennent en compte que l'affectation au public, ici rendue impossible, considèrent que ces chemins ruraux anciens ne sont plus des chemins ruraux ou sont devenus des chemins d'exploitation appartenant alors aux riverains, qui sont totalement dépourvus d'actes ou titres de propriété. Pourtant nombre de ces chemins ruraux sans usage actuel du public relient deux voies publiques. Ils ont été dans le passé des chemins ruraux au titre de la loi du 20 août 1881 et même de domaine public jusqu'à l'ordonnance n° 59-115, mais les communes ne peuvent le prouver ni accéder à ces archives et sont dépossédées de leur patrimoine. Les maires sont contestés et ne peuvent mettre en œuvre les dispositions de l'article D. 161-11 du CRPM. Il apparaît donc que la législation en vigueur est insuffisante pour aider les communes malgré les dispositions adoptées dans la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, qui ne portent pas sur la propriété des chemins ruraux. Il lui demande ses intentions pour aider les communes afin qu'elles ne soient plus dépossédées de leurs chemins ruraux anciens sans titre et si elle peut apporter des précisions à leur statut afin de ne plus le baser sur le seul usage du public quand celui-ci est interrompu et notamment lorsque ces chemins ruraux peuvent relier d'autres voies.

Texte de la réponse

La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale dite "loi 3DS", modifie de manière significative le régime des chemins ruraux afin de mieux les protéger. Ainsi en vertu du nouvel article L. 161-6-1 du code rural et de la pêche maritime (CRPM), la commune peut initier un recensement de ses chemins ruraux qui aura pour effet de suspendre pendant deux ans le délai de la prescription acquisitive. Le législateur permet ainsi de prévenir la désuétude des chemins ruraux et offre aux communes la possibilité de mettre un terme à une appropriation progressive des chemins par les riverains. Il y a lieu de rappeler que dans le cadre de la police de la circulation et de la conservation des chemins ruraux définie à l'article L. 161-5 du CRPM, le maire dispose de pouvoirs de police pour préserver l'intégrité des chemins ruraux de sa commune. L'article D. 161-11 du code précité dispose, en effet, que : « lorsqu'un obstacle s'oppose à la circulation sur un chemin rural (…) les mesures provisoires de conservation du chemin exigées par les circonstances sont prises, sur simple sommation administrative, aux frais et risques de l'auteur de l'infraction ». Ainsi, une commune peut à tout moment réhabiliter un chemin rural sans que puisse y faire obstacle la circonstance « que l'usage public dudit chemin aurait cessé durant une longue période et que les [riverains] auraient procédé à leurs frais au nettoyage d'une partie de celui-ci » et ainsi exiger des riverains qu'ils procèdent à l'enlèvement de la barrière qu'ils avaient implantée (CAA Bordeaux, 22 mars 2007, n° 03BX02163). Lorsqu'un chemin rural fait l'objet d'une action en revendication de propriété par un riverain, il revient au juge judiciaire de se prononcer. La commune bénéficie, en application des articles L 161-2 et L. 161-3 du CRPM, d'une présomption de propriété lorsque le chemin rural est affecté à l'usage du public, ce qui ressort des critères alternatifs de l'utilisation du chemin comme voie de passage ou d'actes réitérés de surveillance ou de voirie réalisés par l'autorité municipale (cass. 3e civ., 4 avril 2007, n° 06-12.078). En outre, la présomption de propriété ne s'épuise pas par l'acte du riverain qui pose une barrière en faisant cesser la circulation sur le chemin et par l'inaction prolongée de la commune. Lorsqu'un chemin rural n'est plus, ni emprunté par le public, ni entretenu par la commune, il suffit à cette dernière d'établir que le chemin a été ouvert au public avant qu'un riverain ne le ferme à la circulation pour entrer dans le champ de la présomption (cass. 3e civ., 2 juillet 2013, n° 12-21.203). Le juge administratif considère également que le chemin qui « a été utilisé par le passé comme voie de passage » demeure un chemin rural bien qu'il soit difficilement praticable, partiellement recouvert de végétation et occasionnellement entretenu par des riverains (CAA Marseille, 27 avril 2018, n° 16MA02158). Par conséquent, l'interruption de l'usage public n'est pas déterminant. Enfin, le juge prend en considération l'ensemble des éléments qui lui sont rapportés, notamment les cadastres anciens (cadastre napoléonien) et la fonction de liaison du chemin qui peuvent jouer en faveur de la commune (cass., 3e civ., 3 juin 2021, n° 20-16.299). Ainsi, le fait de rapporter une fonction de liaison avec la voirie publique et des témoignages attestant que le chemin était ouvert à la circulation établit la propriété de la commune faute pour le riverain de pouvoir se prévaloir d'un titre de transfert de propriété (cass. 3e civ., 2 avril 2003, n° 00-13.430). Dans ces conditions, le Gouvernement n'envisage pas d'adopter de nouvelles mesures.