Question écrite n°6038 : Demande de soutien aux producteurs de pommes de terre

16ème Législature

Question de : M. Jean-Philippe Tanguy (Hauts-de-France - Rassemblement National)

M. Jean-Philippe Tanguy appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la situation alarmante qui affecte le secteur féculier. La production de pommes de terre atteint cette année des niveaux historiquement bas, inquiétant les producteurs mais également les consommateurs. Face à l'effondrement du rendement de pommes terre, les 16 000 producteurs français se sentent démunis. Facteurs à l'origine de l'arrêt du développement des tubercules, les importantes vagues de chaleur corrélées à la forte sècheresse survenue cet été ont lourdement affecté les rendements des agriculteurs. Depuis une dizaine d'années, les rendements de pommes de terre ont constamment diminué, conséquence directe des conditions climatiques mais également des problèmes de sols, des difficultés d'accès à l'irrigation et des réglementations européennes restrictives. En effet, de nombreuses filières agricoles, comme la production de betterave ou de pommes de terre, sont confrontées à des impasses techniques émanant de réglementations européennes punitives concernant les engrais et l'utilisation des produits phytosanitaires. Par ailleurs, les producteurs de pommes de terre sont également victimes d'une hausse des coûts de production due notamment à l'augmentation du coût de l'énergie et de l'engrais. En effet, les coûts de production ont augmenté de 25 à 30 % en comparaison avec la campagne 2021-2022. Concernant les coûts énergétiques de stockage, les prix de l'électricité pour les contrats ont connu une hausse de 500 % en 2023. Cette charge financière pèse fortement sur les producteurs voyant la pérennité de leur activité remise en question. Par un communiqué publié le 26 août 2022, l'Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT) appelait d'ores et déjà les pouvoirs publics ainsi que les acteurs économiques à réagir de manière immédiate afin de soutenir cette filière française en péril. L'UNPT estime les pertes des rendements à 1,5 millions de tonnes, soit une diminution de 20 % des rendements nationaux par rapport à la moyenne des vingt dernières années. Les premières estimations des pertes financières se chiffrent à plus de 250 millions d'euros pour les producteurs français, une perte considérable pour les producteurs des Hauts-de-France, première région cultivatrice de pommes de terre en France (60 % des pommes de terre provenant des sols de cette région agricole). Il est inconcevable de laisser cette filière dynamique périr. Cette hausse des coûts de production accompagnée d'une diminution considérable des rendements entraîne différentes conséquences pour l'ensemble du secteur féculier, des producteurs jusqu'aux consommateurs. En effet, afin de compenser les pertes financières engendrées, les producteurs de pommes de terre estiment une hausse des coûts d'achat de 30 % pour la grande distribution, pouvant ainsi se répercuter sur le prix d'achat pour les consommateurs. Compte tenu de l'urgence de la situation à laquelle font face les producteurs de pommes de terre, il lui demande les mesures concrètes que le Gouvernement entend mettre en œuvre afin de soutenir financièrement cette filière agricole dynamique et ainsi maintenir la France au premier rang d'exportateur mondial de pommes de terre.

Réponse publiée le 18 avril 2023

Les données AGRESTE de novembre 2022 font état d'une production française de pommes de terre de conservation et demi-saison estimée à 6 Mt diminuant de 9,3 % sur un an et de 6,8 % sur 5 ans. Le rendement est de 39,1 tonnes par hectare (- 11 % sur un an). Le contexte de la crise ukrainienne entraîne une hausse générale du coût des matières premières nécessaires à la production agricole (intrants, emballages …), dont l'énergie, notamment pour la filière plants de pomme de terre, forte consommatrice d'électricité au titre du stockage des tubercules. Pour atténuer l'impact de la hausse des prix de l'énergie, le Gouvernement a mis en place une série de mesures de soutien aux entreprises. Toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, bénéficient de l'allègement, à son minimum légal européen, de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) et du mécanisme d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) permettant à tous les fournisseurs alternatifs de s'approvisionner en électricité auprès d'EDF dans des conditions fixées par les pouvoirs publics. Dans le cadre du plan de résilience économique et sociale, les exploitants agricoles sont éligibles au dispositif d'aide aux surcoûts de gaz et d'électricité. Cette aide a pour objectif de pallier les effets de la crise énergétique, de soutenir la compétitivité des entreprises et d'éviter les arrêts de production des sites les plus consommateurs de gaz et d'électricité, notamment ceux assurant des productions essentielles. Suite à la publication par la Commission européenne, le 28 octobre 2022, d'un nouvel encadrement temporaire de crise, le Gouvernement a fait évoluer cette aide fin novembre 2022, permettant d'accélérer les décaissements, de prolonger le dispositif en 2023 et d'augmenter l'intensité du soutien aux entreprises. En complément, pour les très petites entreprises (TPE) dont l'installation électrique est de faible puissance, c'est-à-dire inférieure à 36 kilovoltampères (kVA), le bouclier tarifaire permet de plafonner la hausse des factures d'électricité à 15 % à compter du 1er février 2023. Enfin, toutes les TPE qui ne sont pas protégées par le bouclier tarifaire car elles disposent d'un compteur électrique d'une puissance supérieure à 36 kVA et toutes les petites et moyennes entreprises bénéficient, depuis le 1er janvier 2023, du nouveau dispositif d'amortisseur électricité annoncé le 27 octobre 2022. Ce dispositif instaure un soutien à hauteur de 50 % de la différence entre le prix du contrat et un prix plancher de 180 euros (€) par mégawatt-heure (MWh), avec un plafond de 500 €/MWh dans le calcul de l'aide. Les entreprises, y compris les exploitations agricoles, dont la trésorerie est pénalisée de manière directe ou indirecte par les conséquences économiques du conflit en Ukraine peuvent également bénéficier de nouveaux soutiens de trésorerie (prêts BPI de long terme, nouveau prêt garanti par l'État – PGE « Résilience »). Dans l'objectif de faciliter la signature des contrats de gaz et d'électricité des entreprises, le Gouvernement a également annoncé la mise en place d'une garantie publique sur les cautions bancaires qui sont demandées par les fournisseurs à leurs clients lors de la signature de contrats d'énergie. En parallèle, les discussions se poursuivent au niveau européen en vue d'établir des mesures pour limiter à moyen terme l'impact des pressions inflationnistes sur l'économie et les ménages, et encadrer les prix de l'énergie, notamment en découplant les prix de l'électricité et du gaz. Le plan de résilience annoncé le 16 mars 2022 a également fait l'objet d'un abondement en 2022, pour le secteur agricole, de l'enveloppe de prise en charge des cotisations sociales à hauteur de 150 millions d'euros (M€), pour appuyer spécifiquement les exploitations confrontées à des hausses de charges qui dégradent leur compte d'exploitation de manière significative. Le plan de résilience économique et sociale prévoit également la mise en œuvre d'un plan sur la souveraineté à moyen et long termes spécifique aux fruits et légumes. Les travaux d'élaboration de ce plan ont été lancés en septembre 2022. Ce plan vise à donner un cadre stratégique et des leviers d'actions opérationnels afin que la filière fruits et légumes puisse inverser la tendance des courbes de production à l'horizon 2030. Afin d'élaborer ce plan, des discussions ont associé professionnels et services ministériels sur les grands axes stratégiques suivants : protection des cultures ; compétitivité, investissements, innovation ; recherche, expérimentation, formation et renouvellement des générations ; dynamisation de la consommation de fruits et légumes dans le modèle alimentaire. Ce plan a été présenté et rendu public le 1er mars 2023.  Ce plan constitue un premier exemple concret de la méthode gouvernementale de planification écologique, afin d'anticiper et d'engager les transitions, au service de la souveraineté alimentaire. Il permet d'engager des transformations structurelles de la filière pour renforcer durablement sa capacité productive : renforcement de la résilience des vergers, agroéquipements innovants, recherche-développement et innovation. Il vise également à améliorer la protection des cultures. En plus du soutien financier du compte d'affectation spéciale pour le développement agricole et rural (CASDAR) à la recherche, à l'innovation et à l'appui à la structuration des programmes opérationnels à hauteur de 120 M€ par an, une priorisation des financements de France 2030 permettra d'accélérer et massifier l'innovation, pour qu'elle se déploie dans les territoires, au cœur des exploitations de fruits et légumes, de soutenir l'investissement dans la production et de favoriser la consommation de ces produits. Ces financements viendront compléter les crédits européens et nationaux mobilisés par les collectivités qui souhaitent s'engager dans ce plan, et par les filières. Ce plan pluriannuel se déploiera jusqu'à 2030, pour assurer une continuité dans l'action. Dès 2023, il va mobiliser 200 M€ en faveur de la filière fruits et légumes, dont au moins 100 M€ du guichet agroéquipements et une maximisation de l'enveloppe de France 2030 dédiée à la recherche-développement et innovation. Le plan d'investissement France 2030 soutient aussi les efforts de décarbonation de l'agriculture et la constitution de filières d'intrants durables, avec l'objectif de faire émerger des leaders de la production agricole et agroalimentaire et des solutions pour l'agriculture. Ainsi, l'appel à projet « Résilience et Capacités Agroalimentaires 2030 », porté par Bpifrance, permet notamment de soutenir des projets d'industrialisation et de structuration des filières afin de répondre aux besoins alimentaires de demain et de mettre en œuvre la transition agro-écologique. La production française de pommes de terre féculières constitue, comme la pomme de terre pour le frais et la pomme de terre d'industrie, une culture de diversification intéressante dans les assolements de grandes cultures du Nord et de l'Est du pays et contribue à l'emploi dans ces régions avec 2 grandes usines situées au cœur des zones de production. Dans le cadre des soutiens prévus dans la politique agricole commune (PAC), la production de pommes de terre féculières bénéficie depuis 2015 d'une aide couplée avec une enveloppe annuelle de 1,8 M€, correspondant à un montant moyen d'aide de 80 € par hectare. Cette aide couplée a été maintenue dans le plan stratégique national pour la programmation 2023-2027 de la nouvelle PAC avec une enveloppe et un montant moyen à l'hectare inchangés, pour assurer un soutien de la filière pour les campagnes à venir. Face aux difficultés conjoncturelles liées à la sécheresse qui a sévi en 2022 et à la forte hausse des coûts des intrants, les producteurs de pommes de terre féculières peuvent bénéficier des soutiens mis en place par l'État, comme la mise en place d'un dégrèvement d'office de la taxe sur le foncier non bâti, le report d'échéances ou la prise en charge de cotisations sociales, le plan de résilience économique et sociale avec notamment la prolongation du dispositif de prêts garantis par l'État qui peut concerner les agriculteurs et le guichet d'aide au paiement des factures d'électricité et de gaz, qui bénéficie aux industries féculières et peut être cumulé depuis le 1er janvier 2023 avec l'amortisseur électricité. Des travaux sont actuellement à l'étude avec pour objectif de compenser en partie les hausses de charges des producteurs de pommes de terre féculières subies depuis le début de la guerre en Ukraine. Enfin, l'État peut intervenir de façon efficiente en accompagnant les industriels du secteur fécule dans leurs projets d'investissement via France 2030, afin d'aider les industriels à dégager de nouveaux gains de compétitivité ou à conquérir de nouveaux marchés, et les pousser ainsi à augmenter le prix payé aux producteurs. Il convient de les inciter à déposer une demande en ce sens.

Données clés

Auteur : M. Jean-Philippe Tanguy (Hauts-de-France - Rassemblement National)

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture et souveraineté alimentaire

Ministère répondant : Agriculture et souveraineté alimentaire

Dates :
Question publiée le 7 mars 2023
Réponse publiée le 18 avril 2023

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