Renforcement du dispositif pénal de lutte contre les violences routières
Question de :
M. Philippe Juvin
Hauts-de-Seine (3e circonscription) - Les Républicains
M. Philippe Juvin appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur une meilleure prise en compte, par la justice, de la gravité des homicides routiers. Certes, des progrès notables ont été enregistrés au cours des années. Néanmoins, la politique de prévention ne parvient toujours pas à enrayer le fléau des comportements à risque sur la route et la justice à punir de manière juste et efficace. 3 541 personnes seraient décédées en 2022 sur les routes de France métropolitaine ou d'outre-mer. Les estimations provisoires de l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR) révèlent que le bilan est supérieur de 1,3 % par rapport à 2019 et de 10,1 % par rapport à 2021. Selon le rapport du ministère de la justice récapitulant les condamnations prononcées contre des chauffards en 2020, l'écart est considérable entre ce que risquent les chauffards condamnés pour blessures et homicides involontaires et les peines qui sont réellement appliquées. Alors que le code pénal prévoit jusqu'à cinq ou sept ans de prison, selon qu'une ou deux circonstances aggravantes sont retenues, les peines réellement prononcées sont en moyenne de 8,3 mois de prison. Ce décalage engendre un sentiment d'injustice insoutenable, particulièrement pour les familles victimes d'un homicide routier. Par conséquent, il lui demande s'il compte étudier des mesures qui visent à renforcer l'efficacité du dispositif pénal de lutte contre les violences routières.
Réponse publiée le 19 septembre 2023
Le Gouvernement est pleinement engagé dans la lutte contre la délinquance routière. Cette mobilisation est d'autant plus forte lorsque ces infractions sont liées à une consommation d'alcool ou de produits stupéfiants, laquelle met gravement en danger nos concitoyens lorsqu'elle occasionne des accidents dont les conséquences peuvent s'avérer dramatiques. Selon le bilan définitif de l'observatoire national interministériel de la sécurité routière publié le 31 mai 2023, 3 550 personnes sont décédées en 2022 sur les routes de France métropolitaine ou d'outre-mer, contre 3 219 personnes en 2021. Selon ce même bilan, l'alcool et les stupéfiants figurent, aux côtés de la vitesse, parmi les trois principaux facteurs comportementaux enregistrés par les forces de sécurité intérieure s'agissant des personnes présumées responsables d'un accident mortel. Les drames subis sur nos routes, renforcés par de tels comportements, imposent une mobilisation de chaque instant et des réponses pénales fermes et dissuasives. Les peines aujourd'hui encourues par un conducteur de véhicule terrestre à moteur tiennent d'ores et déjà compte de la dangerosité induite par une consommation d'alcool ou de stupéfiants en cas d'accident. Les peines aujourd'hui encourues par un conducteur de véhicule terrestre à moteur tiennent d'ores et déjà compte de la dangerosité induite par une consommation d'alcool ou de stupéfiants en cas d'accident. Ces dernières vont jusqu'à 5 ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende pour des blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 3 mois commises par un conducteur se trouvant sous l'empire d'un état alcoolique ou après usage de stupéfiants (article 222-19-1 du code pénal), et jusqu'à dix ans d'emprisonnement (peine maximale pour une infraction de nature délictuelle) et 150 000 euros d'amende s'agissant d'un homicide involontaire commis par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur en présence d'au moins deux circonstances aggravantes (article 221-6-1 du code pénal). Dix peines complémentaires sont également prévues par les dispositions de l'article 221-8 du code pénal, la peine complémentaire d'annulation du permis de conduire étant obligatoire dès la présence d'une seule circonstance aggravante. Les juridictions disposent ainsi d'un arsenal législatif renforcé pour sanctionner les auteurs de ces infractions. Dans les limites fixées par la loi, les juridictions déterminent alors la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur, et de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l'article 130-1 du code pénal (article 132-1 alinéa 3 du code pénal). Le prononcé d'une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut intervenir « qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et si toute autre sanction est manifestement inadéquate » (article 132-9 alinéa 2 du code pénal). Ainsi et conformément au cap fixé par le Président de la République dès le discours d'Agen du 6 mars 2018, la circulaire du 25 mars 2019 de première présentation des dispositions relatives aux peines de la loi n° 2019-2022 du 23 mars 2019, rappelait que « pour redonner sens et efficacité à la peine, la réforme "bloc-peines"a poursuivi l'objectif de sortir du"systématisme" de la peine d'emprisonnement". Celle-ci est ainsi venue encadrer le prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme et sans aménagement (article 132-19 du code pénal). La peine spécifique de détention à domicile sous surveillance électronique a par ailleurs été créée et placée en second rang sur l'échelle de gravité des peines (article 131-3 du code pénal). Le cadre du sursis probatoire, simple ou renforcé, a succédé au sursis avec mis à l'épreuve afin d'imposer au condamné un suivi par un juge de l'application des peines contenant plusieurs obligations ou interdictions et de faire de la peine d'emprisonnement assortie totalement ou partiellement d'un sursis, une sanction efficace pour prévenir la récidive du condamné et favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion (articles 132-40 et suivants du code pénal). Au regard de la particulière gravité des infractions commises par conducteurs de véhicule terrestre à moteur, plus de huit personnes sur 10 étaient malgré tout condamnées en 2021 à une peine principale d'emprisonnement en répression de blessures involontaires par conducteur sous l'empire d'un état alcoolique ou après usage de stupéfiants. Le taux de poursuite des délits simples et aggravés d'homicide involontaire par conducteur s'élevait quant à lui à 92,5 %. En cas de condamnation, le taux de peine d'emprisonnement prononcé était de 97 % pour un quantum moyen d'emprisonnement ferme de 22 mois. En cas d'homicide involontaire par conducteur d'un véhicule terrestre à moteur sous l'empire d'un état alcoolique ou après usage de stupéfiants, l'intégralité des personnes reconnues coupables de ces faits était condamnée à une peine d'emprisonnement en 2021. Au cours de l'année 2022, 64 % des peines prononcées à l'encontre de ces auteurs étaient en outre des peines d'emprisonnement ferme, contre 53 % en 2015. Le nombre de peines de substitution prononcées, telles qu'énumérées aux articles 131-5 et suivants du code pénal, en tant que peine principale était quasi-nul (1 par année). Les juridictions judiciaires, dans les décisions ainsi rendues au cours des années passées, démontrent une conscience réelle de la gravité des drames subis sur les routes. En outre, depuis la loi dite « Perben 2 » du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, qui a notamment inscrit comme principe directeur de la politique pénale en matière d'exécution des peines, à l'article 707 du code de procédure pénale, la nécessité d'assurer la mise à exécution des peines de manière effective et dans les meilleurs délais, plusieurs réformes ont modifié le droit des peines et les procédures d'exécution pour répondre à cet objectif. Ainsi, la loi n° 2019-2022 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 assure l'effectivité des peines d'emprisonnement ferme lorsqu'elles sont prononcées, en prévoyant que toutes les peines d'emprisonnement de plus d'un an sont systématiquement exécutées en détention. Par ailleurs, les peines d'emprisonnement comprises entre 6 mois et 1 an ne sont pas automatiquement examinées par le juge de l'application des peines, dans la mesure où elles peuvent faire l'objet d'un mandat de dépôt immédiat ou différé. Enfin, il y a lieu de rappeler que les aménagements de peine, lorsqu'ils sont prononcés, tels que la détention à domicile sous surveillance électronique, sont des modalités d'exécution des peines d'emprisonnement qui tendent à la réinsertion des personnes condamnées et à la prévention de la récidive, conformément aux principes généraux posés par l'article 707 du code de procédure pénale. Ces aménagements de peines garantissent également la protection des droits de la victime et de la partie civile : l'inexécution des obligations et interdictions auxquelles la personne condamnée est soumise durant le temps de l'aménagement de sa peine peut être sanctionnée par l'incarcération de l'intéressé (articles 707, 712-16-1 et D.49-64 du CPP). En 2022, 192 auteurs condamnés à une peine d'emprisonnement aménageable pour une infraction principale d'homicide involontaire par conducteur de véhicule terrestre à moteur sous l'empire d'un état alcoolique ou après usage de stupéfiants ou de blessures involontaires par conducteur de véhicule terrestre à moteur sous l'empire d'un état alcoolique ou après usage de stupéfiants ont vu leur peine mise à exécution. 7 d'entre eux ont été maintenus en détention ou placés en détention à l'audience (tableau ci-dessous). Au 1er janvier 2023, on comptait 100 personnes condamnées et détenues pour une infraction d'homicide involontaire ou de blessures involontaires commis par conducteur sous l'empire d'un état alcoolique ou après usage de stupéfiants. On en dénombrait 115 au 1er janvier 2022 et 101 au 1er janvier 2021 (source : infocentre pénitentiaire). Mode de mise à exécution des peines aménageables pour les blessures et homicides involontaires par conducteur en état d'ivresse ou après usage de stupéfiants.
2020-2022 | 2020 | 2021 | 2022 | ||
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Peines de 6 mois et moins | Peines de plus de 6 mois | ||||
Total | 309 | 225 | 150 | 192 | 192 |
Maintien en détention | 10 | 8 | 7 | 15 | 7 |
Placement en détention à l'audience | 8 | 9 | 6 | ||
Incarcération après jugement | 44 | 20 | 24 | 31 | 9 |
Aménagement ab initio | 93 | 79 | 32 | 55 | 85 |
Aménagement "723-15" | 154 | 109 | 81 | 91 | 91 |
Reliquat négatif | 0 | 5 | 5 | 0 | 0 |
Champ : France | |||||
Source : Ministère de la justice/SG/SEM/SDSE, fichier statistique Cassiopée |
Auteur : M. Philippe Juvin
Type de question : Question écrite
Rubrique : Sécurité routière
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 21 mars 2023
Réponse publiée le 19 septembre 2023