Question écrite n° 6774 :
Évaluation politique de visas :conflit d'intérêt, clientélisme, privatisation

16e Législature

Question de : M. Arnaud Le Gall
Val-d'Oise (9e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale

M. Arnaud Le Gall alerte M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la mission d'évaluation de la politique de visas que, conjointement avec Mme la ministre des affaires étrangères et européennes, il a récemment confié à Paul Hermelin, président du conseil d'administration de Capgemini SE. M. le ministre assure que cette mission est strictement « gracieuse » et que M. Hermelin a été choisi en raison de ses seules compétences. Sans remettre ces dernières en cause, il est difficile de ne pas voir ici une situation pour le moins problématique. L'entreprise que préside P. Hermelin est leader mondial sur le marché des services numériques. Comme l'indique son site internet, elle accompagne « les organisations à travers le monde dans leur transformation en exploitant toute la puissance de la technologie ». Eu égard à la nature des activités de Capgemini, plusieurs voix se sont déjà faites entendre par voie de presse pour déplorer cette nomination. A. Bazin et E. Assassi, les deux parlementaires ayant porté la commission d'enquête sénatoriale sur le recours aux cabinets privés, dénoncent le « manque de transparence » de ce choix. Des inspecteurs généraux s'émeuvent quant à eux de l'image renvoyée selon laquelle l'entreprise privée serait plus efficace que des administrations publiques pourtant formées à ces tâches. Ils interrogent également l'articulation entre le travail des uns et des autres : qui encadrera les inspecteurs, selon quels critères, via quels mécanismes, etc. ? Deux points d'alerte majeurs sont en définitive à souligner. Premier problème : le qualificatif de « gracieux » apparaît mensonger. Cette nomination ad hoc nourrit la suspicion d'une éventuelle compensation indirecte et non financière, mais non moins problématique. Comment confier une mission d'évaluation d'un service public numérisé à une entreprise privée pourvoyeuse de « solutions numériques », sans envisager une seule seconde des risques de conflits d'intérêts ? A fortiori lorsque la commission d'enquête sénatoriale a déjà établi que l'entreprise privée se voyant déléguer le plus de missions de services publics était Capgemini SE. D'autre part, la mission est dite « gracieuse », mais les autorités mettront à disposition de P. Hermelin « les services d'inspection des deux ministère, l'inspection générale des affaires étrangères et l'inspection générale de l'administration ». Ce travail « gracieux » sera donc en réalité en partie effectué par des agents de l'État. Ce qui amène au second problème : la délégation d'une mission publique à un acteur privé, de façon opportune et individualisée, pose la question du contrôle de cette mission. Comment sera évaluée l'efficacité de l'audit ? Va-t-on se retrouver dans une situation où une mission publique serait confiée à un acteur privé, qui l'exerce en recourant aux moyens de l'État sans être aucunement contrôlé par la puissance publique ? Ce serait mettre à disposition d'un acteur privé des ressources publiques sans aucun contrôle quant au bon usage de celles-ci. Dans ces conditions, comment se prémunir de tout risque de gabegie ? En dépit des assurances verbales livrées par le Gouvernement, le flou total règne autour de cette nomination. Elle laisse craindre un énième exemple de détournement des moyens de l'appareil d'État au profit d'un acteur privé et un énième exemple de financement, par l'État, de sa propre dépossession au service « du marché ». En conséquence de ces constats et pour éviter tout conflit d'intérêt et affaiblissement des capacités de l'État, il lui demande si cette mission ne devrait pas être réaffectée aux services concernés de l'État.

Réponse publiée le 7 novembre 2023

Paul Hermelin, en qualité de personnalité individuelle et qualifiée, s'est vu confier une mission d'évaluation de l'activité de délivrance des visas par le réseau consulaire français à l'étranger. La politique d'attribution des visas relevant d'une compétence partagée entre le ministère de l'intérieur et des outre-mer (MIOM) et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE), il était tout à fait normal et légitime qu'il soit assisté par les inspections de nos deux ministères. La participation des inspections a d'ailleurs largement contribué au bon déroulement de la mission d'évaluation. Le rapport rendu est de grande qualité et a le mérite de proposer des pistes d'amélioration du fonctionnement de nos services des visas à l'étranger. Il met en particulier l'accent sur la nécessaire articulation entres les trois piliers de la politique des visas que sont la maîtrise du risque migratoire, la gestion du risque sécuritaire et l'attractivité. Les recommandations formulées dans ce rapport visent notamment à améliorer le traitement des demandes de visa des publics prioritaires de nos politiques d'attractivité et d'influence. Ce rapport a été transmis aux présidents des commissions compétentes et, par souci de transparence, publié sur le site du MEAE.

Données clés

Auteur : M. Arnaud Le Gall

Type de question : Question écrite

Rubrique : Ministères et secrétariats d'état

Ministère interrogé : Intérieur et outre-mer

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 28 mars 2023
Réponse publiée le 7 novembre 2023

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