Rubrique > impôts et taxes
Titre > Quelle crédibilité de la politique gouvernementale face à l'évasion fiscale ?
Mme Charlotte Leduc interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, sur les derniers rebondissements dans le scandale des « CumEx Files » et sur les enseignements qu'ils apportent. La France est la première victime des montages frauduleux « d'arbitrage de dividendes » en Europe. En vingt ans, ils ont coûté au moins 33 milliards d'euros de recettes fiscales. Après des années d'inaction, le fisc et la justice se saisissent enfin du problème. Le 28 mars 2023, 3 banques systémiques françaises et une banque étrangère ont été ont été visées par des perquisitions simultanées, dans le cadre d'enquêtes ouvertes au parquet national financier (PNF) en décembre 2021. Ces quatre banques sont soupçonnées de blanchiment aggravé de fraude fiscale aggravée et une d'entre elle est en outre soupçonnée de fraude fiscale aggravée. Les moyens mobilisés par l'État pour enquêter sur les pratiques de « CumCum » et de « CumEx » semblent enfin à la hauteur de l'enjeu avec 160 enquêteurs du service d'enquêtes judiciaires des finances (SEJF) et 16 magistrats du PNF engagés dans ces perquisitions. Cependant, de nombreuses questions restent sans réponses. M. le ministre a annoncé sur Twitter le jour même des perquisitions « un renforcement majeur du SEJF dans [son] plan de lutte contre la fraude ». Pourtant, lors de l'examen en commission des finances du projet de loi de finances pour 2023 (PLF 2023) à l'automne dernier, tous les amendements permettant des recrutements massifs et rapides à la DGFiP et dans les services d'enquêtes ont été rejetés après un avis défavorable du camp gouvernemental, et notamment les amendements II-CF1146, II-CF1396 et II-CF1397. De même, une fois la responsabilité du Gouvernement engagée via l'article 49 alinéa 3 de la constitution, aucun amendement de ce type n'a été conservé. Ainsi, il semble légitime de se demander si les annonces ministérielles d'un renforcement du SEJF sont crédibles ou si elles ne représentent qu'un coup de communication au moment où l'évasion fiscale des banques et des ultrariches est une nouvelle fois mise en lumière par ces perquisitions. Quelles garanties peut apporter M le ministre à ce sujet ? De plus, si le SEJF et la BNRDF ont un besoin flagrant de moyens humains et matériels pour pouvoir assurer toutes leurs missions quotidiennes en plus des enquêtes de grande ampleur comme celle des « CumEx Files » ; il en est de même pour la justice fiscale et notamment pour le PNF. Alors que l'étude d'impact préalable à la création de ce parquet spécialisé avait conclu à la nécessité d'un recrutement de 22 magistrats en 2014, le PNF n'en compte que 18 plus de 8 ans plus tard. Deux recrutements sont certes prévus cette année mais le compte n'y est toujours pas, alors même que les scandales d'évasion fiscale à répétition montrent qu'il serait bon de revoir l'évaluation des besoins à la hausse. La crédibilité de la lutte contre l'évasion fiscale dépend donc aussi des moyens humains et matériels qui seront donnés au PNF pour se développer. Les perquisitions du 28 mars 2023 montrent enfin que l'évasion fiscale contemporaine des ultrariches et des grandes entreprises n'est possible que grâce à une foule d'intermédiaires dont la compétence n'a d'égal que le niveau de corruption et de déviance civique : banques, cabinets de conseils, avocats fiscalistes, etc. Une lutte efficace contre la fraude et l'évasion fiscale nécessite de s'attaquer résolument à ces intermédiaires et à leurs pratiques. Un avocat fiscaliste, par exemple, ne sert à rien si ce n'est à payer moins d'impôts. En vertu des clauses générales anti-abus et de la clause de substance économique, une telle activité devrait tout simplement être interdite. Elle lui demande quelles mesures concrètes le Gouvernement compte prendre pour mettre hors d'état de nuire ces intermédiaires délinquants, que ce soit via le plan fraude ou via le PLF 2024.