Accidents sur les chantiers du Grand Paris Express : des mesures attendues
Question de :
M. Stéphane Peu
Seine-Saint-Denis (2e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine - NUPES
M. Stéphane Peu alerte M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur les nombreux accidents du travail dont sont victimes les ouvriers qui interviennent sur les chantiers du Grand Paris Express (GPE). Depuis le lancement des chantiers en 2020, cinq victimes mortelles et des dizaines de blessés (dont plusieurs en état grave) ont déjà été recensés. Derrières ces chiffres, ce sont à chaque fois des drames humains qui auraient pu être évités si des mesures de protection suffisantes et des contrôles avaient existés. Ironie du sort, le dernier drame en date a eu lieu le 6 avril 2023, soit moins de 24 h après que le parquet du tribunal de grande instance de Créteil ait requis une peine d'amende de 250 000 euros à l'encontre de l'entreprise Dodin Campenon-Bernard, filiale de Vinci, et neuf mois de prison avec sursis à l'encontre de deux prévenus, supérieurs hiérarchiques, à la suite du décès le 28 février 2020 de Maxime Wagner, âgé de 37 ans, mort à Villejuif sur le chantier du GPE - prolongement de la ligne 14. Le décès de Maxime Wagner est le premier d'une insupportable série. En décembre 2020, Abdoulaye Soumahoro, ouvrier de 41 ans, salarié d'Eiffage, est décédé après avoir fait une chute de 30 mètres dans un malaxeur à La Courneuve. En janvier 2022, Joao Baptista Miranda, 61 ans, est décédé après avoir été écrasé par une plaque de métal sur le chantier de la future gare Saint-Denis-Pleyel. Le 8 mars 2023, Franck Michel, chauffeur de 58 ans venu honorer une commande de son entreprise Rouillon Transports pour le compte de la société Eiffage-Génie Civil, est décédé après avoir été heurté par une charge lourde lors d'une opération de manutention sur le chantier du Blanc-Mesnil. Dernier en date, le jeudi 6 avril 2023, un jeune ouvrier de 22 ans, travaillant pour le sous-traitant du groupement Avenir mené par Demathieu Bard, est décédé à Gonesse après la chute d'un bloc de béton. À mesure que les chantiers avancent et le calendrier de livraison des ouvrages s'accélère, le nombre d'accidents croît effroyablement. Et il ne faut pas oublier pas qu'aux morts s'ajoutent un nombre exponentiel d'accidents, dont des très graves, souvent passés sous silence. Les témoignages de salariés intervenant sur les chantiers sont terrifiants. Les cadences, les pressions, le manque cruel de protection et de sécurité, le recours à la sous-traitance, expliquent en grande partie la multiplication des accidents. En Île-de-France et tout particulièrement en Seine-Saint-Denis, des chantiers de grande ampleur sont en cours et vont se poursuivre toutes ces prochaines années. Pour autant, ni le nombre ni les enjeux de ces grands chantiers ni le calendrier ni même les règles de marchés publics ne peuvent justifier à la fois la pression qui s'exerce sur les salariés et les manquements à la sécurité. M. le député tient à souligner que dans l'affaire de Maxime Wagner, le parquet du tribunal de grande instance de Créteil a requis, il cite, des peines « dissuasives pour éviter que la sécurité de travailleurs soit une variable d'ajustement ». Car comme M. le ministre le sait, la surveillance de ces chantiers a été retirée à l'unité territoriale de l'inspection du travail compétente pour la confier à une unité de contrôle dédiée. Ce régime dérogatoire au droit commun est d'autant plus incompréhensible qu'il n'a évidemment pas été accompagné de moyens supplémentaires. Une situation que M. le député avait déjà dénoncée en janvier 2022, à la suite de l'accident mortel sur le chantier de la future gare de Saint-Denis-Pleyel et qui l'avait déjà amené à déposer question écrite sur le sujet à la prédécesseure de M. le ministre, Mme Élisabeth Borne (QE n° 43494 publiée au J.O. du 18 janvier 2022). Question restée malheureusement sans réponse. Depuis, deux hommes sont décédés sur ces chantiers. Il souhaite donc connaître les mesures qu'il entend prendre, dans les prochains jours afin de mettre un terme définitif à ces accidents et protéger la sécurité des travailleurs de ces chantiers.
Réponse publiée le 20 juin 2023
La prévention des accidents graves et mortels nécessite une mobilisation commune et une politique volontaire et soutenue. C'est un axe prioritaire pour le ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion, qui s'appuie notamment sur l'action de l'inspection du travail pour contrôler le respect des dispositions en matière de santé et de sécurité au travail. Au niveau national, en 2022, près de 30 000 interventions concernaient le risque de chute de hauteur, et 5 000 décisions d'arrêt de travaux ont été prises sur ce motif, mais aussi sur des risques d'exposition à l'amiante ou liés à des équipements de travail. Pour l'Ile-de-France en particulier, des moyens importants sont mis en œuvre par la Direction régionale interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) pour contrôler les chantiers du Grand Paris Express (GPE). L'inspection du travail prend en charge les risques spécifiques des chantiers d'envergure au sein d'une unité de contrôle régionale dédiée, l'unité régionale d'appui et de contrôle des grands chantiers (URACGC). Cette unité a été créée en novembre 2019 ; elle compte aujourd'hui 8 agents. Cette unité de contrôle est compétente exclusivement sur les chantiers du Grand Paris express et des Jeux Olympiques de Paris 2024. Depuis sa création fin 2019, sur les chantiers d'Ile de France, cette unité régionale a réalisé 2 790 interventions, transmis 2 185 observations écrites, procédé à 141 enquêtes d'accident du travail sur sites, et pris 120 décisions d'arrêts de travaux. Son action s'étend par ailleurs à la lutte contre le travail illégal. Ces agents assurent une présence soutenue sur les chantiers (500 interventions en 2022), ce qui a permis de soustraire 80 salariés à des situations de danger grave et imminent pour risque de chute de hauteur, en délivrant 33 décisions d'arrêt de chantier. Les services, très mobilisés, poursuivent leur action de prévention et de contrôle. Les postes alloués à cette unité de contrôle ont été créés ; autrement dit, aucun poste n'a été supprimé au sein de la DRIEETS Ile-de-France pour la constituer. Les missions assumées par les agents de contrôle de l'URACGC déchargent, pour partie, les agents de contrôle des territoires concernés par le GPE. Ces derniers peuvent ainsi assurer la continuité du service public, sans être impactés par ces chantiers temporaires d'une envergure exceptionnelle. Leur présence effective sur les lieux de travail, notamment sur les autres chantiers, et leur investissement dans les actions collectives nationales et locales ne sont en conséquence pas réduits. Enfin, la constitution d'un collectif de travail dédié, encadré par un responsable d'unité de contrôle, permet une cohérence et une coordination de l'action de l'inspection du travail. La création de cette unité démontre donc une réelle volonté de mobiliser les services de l'inspection du travail pour lutter contre les accidents du travail sur les chantiers du GPE, priorité de la politique publique de santé au travail.
Auteur : M. Stéphane Peu
Type de question : Question écrite
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Travail, plein emploi et insertion
Ministère répondant : Travail, plein emploi et insertion
Dates :
Question publiée le 18 avril 2023
Réponse publiée le 20 juin 2023