Rubrique > finances publiques
Titre > Lutte contre la fraude : stop aux préjugés racistes !
Mme Charlotte Leduc interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, sur la stratégie du Gouvernement en matière de lutte contre la fraude. En effet, le plan fraude qui doit être présenté début mai 2023 a été précédé de réunions de concertation qui ont permis d'évoquer les différents types de fraude. Il en ressort, en s'appuyant sur l'ensemble des études existant sur le sujet, que l'évasion fiscale et la fraude aux cotisations sociales représentent des volumes infiniment supérieurs à ceux de la fraude aux prestations sociales. Pourtant, le 18 avril 2023, M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, s'exprimant en direct sur RMC et BFMTV, déclarait : « Nos compatriotes, légitimement, en ont ras-le-bol de la fraude. Ils en ont ras-le-bol de voir des gens qui peuvent toucher des aides [et] le[s] renvoyer au Maghreb ou ailleurs alors qu'ils n'y ont pas le droit ». Cette affirmation est révoltante à bien des égards. Aucune étude n'existe à ce jour permettant de soutenir que les résidents originaires du Maghreb renverraient davantage d'argent dans leurs pays d'origine que les autres immigrés ou qu'ils participeraient plus à la fraude aux prestations sociales que d'autres catégories de population. Cette déclaration n'est donc qu'un condensé de préjugés racistes et xénophobes sans aucun fondement empirique. Il est légitime de se demander pourquoi M. le ministre profère de telles contrevérités. Est-ce pour désigner un bouc émissaire pratique à la vindicte populaire ? Pour détourner l'attention des vrais sujets du moment comme la mobilisation contre la réforme des retraites, le contexte de crise inflationniste ou les scandales d'évasion fiscale à répétition ? N'y a-t-il pas également là une pure stratégie politicienne visant à nourrir les préjugés d'une partie de l'électorat acquis aux idées de l'extrême-droite, avec laquelle le Gouvernement semble prêt au compromis ? De plus, cette déclaration pose la question de la qualité de la coordination gouvernementale. M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, n'est-il pas censé faire remonter les résultats des concertations sur le plan fraude à son ministre de tutelle ? Comment ce dernier peut-il à ce point méconnaître les ordres de grandeur en la matière ? La fraude aux prestations sociales représente entre 1 et 2 milliards d'euros par an de dépenses indues pour les finances publiques, quand l'évasion fiscale est responsable d'un manque à gagner de 80 à 120 milliards pour les caisses de l'État et la fraude aux cotisations sociales d'une perte de 9 à 11 milliards pour celles de la sécurité sociale. La fraude aux prestations sociales est, de plus, la mieux réprimée, avec environ 50 % de son volume qui est détecté et donc récupéré. Si la lutte contre l'évasion fiscale et contre la fraude aux cotisations sociales étaient aussi efficaces, les finances publiques récupéreraient entre 30 et 50 milliards d'euros supplémentaires chaque année. C'est donc dans ces domaines qu'il faut avancer plutôt que de jeter l'anathème sur des fraudeurs immigrés fantasmés. Face à un tel mépris des faits exprimé par M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, il est légitime de douter de la sincérité Gouvernementale en matière de lutte contre la fraude. Le plan fraude ne sera-t-il qu'une vaste opération de stigmatisation des compatriotes les plus démunis et des immigrés ou au contraire s'agira-t-il enfin de mettre à l'agenda les mesures ambitieuses contenues dans les multiples rapports parlementaires sur le sujet afin de mettre un terme aux scandales de l'évasion fiscale et du travail dissimulé ? Elle lui demande des précisions à ce sujet.