16ème législature

Question N° 7830
de Mme Virginie Duby-Muller (Les Républicains - Haute-Savoie )
Question écrite
Ministère interrogé > Ville et logement
Ministère attributaire > Ville et logement

Rubrique > logement

Titre > Attribution des logements sociaux en zone frontalière suisse

Question publiée au JO le : 09/05/2023 page : 4142
Réponse publiée au JO le : 27/06/2023 page : 5953

Texte de la question

Mme Virginie Duby-Muller alerte M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement, sur les dérives liées à l'attribution des logements sociaux dans les zones dites « tendues » et en particulier dans les zones frontalières, comme c'est le cas, par exemple, sur le bassin genevois. Si de nombreux demandeurs de logements sociaux obtiennent un logement social à un moment de leur vie où ils sont éligibles compte tenu de leurs revenus précaires, il est fréquemment constaté que, suite à une très forte amélioration des revenus pour les personnes trouvant un emploi en Suisse, ces dernières se maintiennent délibérément dans leur logement. En effet, bien que prévenus, les bailleurs doivent respecter le droit au maintien dans les lieux de leurs locataires et ne peuvent donc appliquer qu'un surloyer au lieu de demander la libération du logement social. Selon l'article L. 442-3-3 du code de la construction et de l'habitation, « les locataires dont les ressources (...) sont, deux années consécutives supérieures à 150 % des plafonds de ressources pour l'attribution des logements financés par des prêts locatifs sociaux n'ont plus le droit au maintien dans les lieux à l'issue d'un délai de dix-huit mois à compter du 1e janvier de l'année qui suit les résultats de l'enquête (...) ». Ainsi, à titre d'exemple, un ancien demandeur au RSA, qui devient frontalier, avec un salaire suisse et ayant obtenu auparavant un logement avec un très faible loyer, pourra se maintenir dans ce dernier près de deux ans après l'enquête, sachant que celle-ci peut intervenir bien après l'amélioration des revenus, puisque l'enquête est basée sur le dernier avis d'imposition donc sur les revenus N-2. Cette situation engendre souvent des fraudes, puisque certains n'hésitent pas à sous-louer leur logement social à des prix exorbitants et à s'attribuer la marge financière restante après paiement du loyer au bailleur. De plus, compte tenu des écarts considérables entre le marché locatif privé et les loyers des logements sociaux sur le secteur, les surloyers appliqués par les bailleurs restent toujours inférieurs au loyer médian dans le privé. Cette application systématique des surloyers, au lieu d'entamer une libération rapide du logement social, créé un engorgement des demandes et participe à une saturation du parc social, malgré la construction constante de nouveaux immeubles, obligeant les autres familles de faire face à des délais largement supérieurs à la normale, en moyenne 5 à 7 ans pour la Haute-Savoie. Ce phénomène est par ailleurs stigmatisant pour l'image du logement social, qui dans ces cas précis, est perçu à juste titre comme ne répondant plus à sa vocation première et peut tout à la fois décourager certains élus à poursuivre la construction de logements aidés sur leurs communes car ne pouvant agir de leur côté sur ces situations irrégulières. Aussi, il s'agirait non seulement de réduire drastiquement le délai de 18 mois pour la libération effective du logement, mais aussi de réduire le délai des deux années consécutives durant lesquelles le revenu a augmenté et enfin de renforcer les contrôles des locataires par leur bailleur, en demandant, par exemple, de manière aléatoire, les trois dernières fiches de salaire et d'entamer les procédures sitôt que l'augmentation importante de revenus est constatée et pérenne. Elle souhaiterait donc savoir quelles mesures le Gouvernement pourrait mettre en place pour permettre le désengorgement du parc social et libérer les logements attribués à des personnes qui ne sont plus éligibles et qui pourraient se loger dans le privé.

Texte de la réponse

D'abord, s'agissant du supplément de loyer de solidarité (SLS) prévu à l'article L.441-3 du code de la construction et de l'habitation, il convient de rappeler qu'il ne concerne qu'un nombre restreint de locataires du parc social : en 2021, seuls 3% des locataires de logements entrant dans le champ d'application du SLS y sont assujettis, soit près de 79 000 locataires. Cette proportion est en baisse depuis 2018. S'agissant de la perte du droit au maintien dans les lieux des locataires dont les ressources excèdent largement et durablement les plafonds de ressources pour l'attribution des logements en zone tendue prévue à l'article L. 442-3-3 du code de la construction et de l'habitation, ce dispositif a été durci par la loi Egalité et Citoyenneté de 2017 : le dispositif est déclenché dès que les ressources des locataires sont 1,5 fois supérieures aux plafonds de ressources applicables à l'entrée dans les lieux (au lieu de 2 fois supérieures auparavant) et le délai au-delà duquel les locataires perdent dans cas leur droit au maintien dans les lieux est réduit à 18 mois (au lieu de 3 ans auparavant). Ce délai de 18 mois constitue un délai raisonnable pour la recherche d'un logement en dehors du parc social et l'organisation d'un déménagement, tenant compte le cas échéant de contraintes calendaires scolaires. Quant au fait de ne déclencher la perte du droit au maintien dans les lieux que lorsque les ressources des locataires excèdent largement les plafonds de ressources applicables à l'attribution des logements durant deux années de suite, cela constitue également un délai raisonnable pour apprécier la stabilité de la situation financière des locataires. Les trois dernières fiches de paye du locataire ne permettraient pas de préjuger de la pérennité du niveau de revenu des locataires. Néanmoins, le gouvernement travaille avec les bailleurs sociaux, dans le cadre du pacte de confiance, à fluidifier les parcours résidentiels. Dans le cadre de ces échanges, de nouvelles propositions pourront être faites concernant l'accompagnement du parcours résidentiel et le suivi des locataires du parc HLM.