Question de : Mme Karine Lebon
Réunion (2e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine - NUPES

Mme Karine Lebon attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la nécessaire revalorisation des infirmiers libéraux. Les quelque 2 000 infirmiers libéraux exerçant sur l'île de La Réunion ont tous comme point commun, à l'instar des professionnels des autres départements français, la volonté inébranlable de soutenir le système de santé du pays en apportant tous les soins nécessaires aux concitoyens. Mais malgré le rôle essentiel joué par les infirmiers libéraux dans l'aide et le soutien aux patients, force est de constater que leur profession n'est pas reconnue à sa juste valeur. Parmi les professionnels de santé effectuant des visites à domicile, les infirmiers libéraux sont ceux qui bénéficient des indemnités forfaitaires de déplacement les plus basses, sans évolution depuis 2009, malgré le surcoût engendré par la hausse des prix du carburant. Tous les déplacements ne sont d'ailleurs pas pris en charge par l'assurance maladie : un infirmier libéral effectuant certains prélèvements doit aller chercher le matériel, le redéposer au laboratoire puis amener les résultats au patient, malgré le fait qu'un seul de ces déplacements fasse l'objet d'un remboursement. Si les aides provisoires qui ont pu être mises en place à certaines périodes représentent une avancée non négligeable, l'absence de pérennité d'une revalorisation de l'indemnité de frais de déplacement ne permet pas de résoudre la problématique du travail à perte. La nomenclature, quant à elle, n'a pas été revalorisée depuis 2012 pour les infirmiers libéraux. L'investissement sans faille de ces professionnels de santé, qui acceptent toutes les missions supplémentaires qui leur sont confiées, ne doit pas être mis à mal par une incapacité du système de santé à faire face à la perte continue de pouvoir d'achat qu'ils subissent. Une visite à domicile lors de laquelle différents soins sont prodigués n'entraîne pas la facturation de chacun des actes : le premier était pris en charge à 100 %, le deuxième à 50 %, puis aucune rémunération à partir du troisième acte. C'est alors un lassant jeu comptable qui doit s'opérer afin que les infirmiers libéraux puissent perdre le moins possible de revenu. Face à une inflation galopante, des tarifs inchangés depuis plus de 10 ans, des charges grimpant à plus de 50 % de leur chiffre d'affaires et la tentative de l'État de réaliser des économies sur le système de santé, le pouvoir d'achat des infirmiers libéraux s'est particulièrement érodé. Une grande partie des infirmiers libéraux doit travailler 7 jours sur 7, sur une amplitude horaire extrêmement large, afin de pouvoir maintenir leur pouvoir d'achat. Dès lors, concilier vie professionnelle et vie personnelle est rendu impossible. La crainte de perdre des patients et donc un revenu, pousse les infirmiers libéraux à accepter l'ensemble des conditions qui leurs sont imposées, le tout sans aucune reconnaissance de la pénibilité de leur métier. La logique de rentabilité qui oppresse les professionnels de santé va à l'encontre de l'esprit du système de santé français. Si le vieillissement de la population représente un enjeu auquel il faut apporter des réponses, la reconnaissance des garants du bien vieillir à domicile doit être une priorité. Ainsi, elle lui demande s'il compte enfin accéder aux revendications de revalorisation des tarifs des infirmiers libéraux.

Réponse publiée le 11 juillet 2023

Les infirmiers jouent effectivement un rôle essentiel dans notre système de soins notamment auprès des populations fragiles comme les personnes âgées ou les personnes en situation de handicap. Afin de valoriser ce rôle, l'avenant n° 6 signé en 2019 prévoit de nombreuses mesures de revalorisation des missions des infirmiers, dont la création du bilan de soins infirmiers (BSI). Le bilan de soins infirmiers permet une prise en charge forfaitaire des patients dépendants dans l'objectif d'améliorer la qualité des soins. Trois montants forfaitaires sont prévus en fonction de l'état de dépendance du patient (13 euros, 18,2 euros et 28,7 euros). Cet outil a rapidement été intégré dans la pratique des infirmiers et a connu un engouement important. De fait, un nouvel accord financier a été conclu avec l'Assurance maladie : l'avenant n° 8 signé en novembre 2021 a permis un doublement de l'investissement sur le BSI sur la période 2020 à 2024 avec un montant de 217 millions d'euros contre 122 millions prévus dans l'avenant n° 6. Concernant les indemnités kilométriques, l'Assurance maladie a mené des travaux sur les indemnités kilométriques afin d'adapter les modalités de facturation en fonction des spécificités locales notamment en termes d'accès aux soins. Ces travaux ont abouti au protocole d'accord national du 6 mai 2021, annexé à l'avenant n° 8 signé le 9 novembre 2021, prévoyant la possibilité pour les partenaires conventionnels de conclure des accords locaux portant sur les modalités de facturation des indemnités kilométriques. Le ministère de la santé et de la prévention a demandé fin mai 2023 à l'Assurance maladie d'ouvrir des négociations rapides et ciblées avec les infirmiers accompagnant des revalorisations portant sur des actes du quotidien. Celles-ci ont abouti le 16 juin 2023 à la signature d'un accord qui revalorise la prise en charge des patients à domicile. Ce texte acte des revalorisations importantes concernant l'activité des infirmières et infirmiers libéraux intervenant au domicile des patients : augmentation de 10 % de l'indemnité forfaitaire de déplacement ; généralisation, à partir d'octobre 2023, du déploiement du bilan de soins infirmiers (BSI) pour les patients dépendants de moins de 85 ans et suivis par l'infirmier à domicile. Il s'agit ainsi de la dernière étape du déploiement du BSI, qui constitue une réforme majeure en matière de prise en charge des patients dépendants à domicile et reconnaît le rôle essentiel des infirmiers libéraux dans la prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie. Par ailleurs, en tant qu'acteurs majeurs de l'organisation des soins sur le territoire en raison de leur effectif et de leur polyvalence d'exercice, les infirmiers représentent un groupe professionnel sur lequel le ministère chargé de la santé souhaite s'appuyer pour poursuivre les transformations du système de santé en profondeur. La question de l'exercice et des compétences est ainsi centrale dans l'attractivité et la reconnaissance du métier. Si l'évolution de la profession infirmière a fait l'objet d'un parcours long et progressif de reconnaissance, c'est bien la pratique infirmière et sa construction juridique qui sont à reconsidérer pour lui apporter l'agilité indispensable au contexte sanitaire mouvant et exigeant actuel. C'est dans cette perspective que le ministre de la santé et de la prévention a lancé le 26 mai 2023 la refonte du métier infirmier en 3 axes :  les compétences : les activités réalisées par les infirmiers et les infirmières étant de plus en plus techniques et diversifiées et les prises en charge de plus en plus complexes, il est désormais nécessaire de passer d'un encadrement strict des actes autorisés à une approche plus agile par grandes missions ; la formation : pour répondre aux besoins de santé de la population, renforcer des disciplines peu enseignées alors qu'essentielles (comme la pédiatrie, la psychiatrie ou la gériatrie) et aux aspirations légitimes de la communauté étudiante, il est nécessaire de repenser les cursus de formation pour les adapter aux besoins locaux, attirer toujours plus de jeunes et renforcer leur accompagnement jusqu'au diplôme ; les carrières : parce que le métier d'infirmier est un métier d'avenir, il nous faut rénover et renforcer les collectifs de travail au sein desquels ils exerceront des compétences élargies, en équipe, et verront leurs expertises reconnues dans une perspective de progression et d'évolution professionnelle.

Données clés

Auteur : Mme Karine Lebon

Type de question : Question écrite

Rubrique : Professions de santé

Ministère interrogé : Santé et prévention

Ministère répondant : Santé et prévention

Dates :
Question publiée le 9 mai 2023
Réponse publiée le 11 juillet 2023

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