16ème législature

Question N° 7989
de Mme Ségolène Amiot (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Loire-Atlantique )
Question écrite
Ministère interrogé > Santé et prévention
Ministère attributaire > Santé et prévention

Rubrique > femmes

Titre > Obstacle à la filiation pour les couples de femmes qui recourent à l'AMP

Question publiée au JO le : 16/05/2023 page : 4377
Réponse publiée au JO le : 03/10/2023 page : 8844
Date de changement d'attribution: 21/07/2023

Texte de la question

Mme Ségolène Amiot alerte M. le ministre de la santé et de la prévention sur les obstacles à l'établissement de la filiation pour les couples de femmes qui recourent à une assistance médicale à la procréation (AMP) avec tiers donneur. La loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique a ouvert l'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et a créé un nouveau mode d'établissement de la filiation appelé reconnaissance conjointe anticipée (RCA). Cela permet à la femme qui ne porte pas l'enfant d'être reconnue mère de celui-ci dès sa naissance. Lorsqu'une AMP avec tiers donneur est mise en œuvre en France, chaque couple doit consentir devant notaire aux conséquences du recours au don. Toutefois, seul le couple de femmes est tenu, en même temps, de réaliser une RCA. À la naissance de l'enfant au sein d'un couple hétérosexuel, la filiation de l'homme est établie de la même manière que dans toute autre condition de procréation, soit par présomption de paternité, soit par reconnaissance, qu'il ait ou non contribué par ses gamètes à la conception de l'enfant. En revanche, au sein du couple lesbien, la filiation de la femme qui ne porte pas l'enfant n'est établie que par présentation de la RCA précédemment réalisée devant notaire, qu'elle ait ou non contribué par ses gamètes à la conception de l'enfant. La RCA est ainsi un dispositif dérogatoire qui ne s'impose que pour les couples de femmes qui recourent à une AMP avec tiers donneur. En tant qu'acte notarié, payant et devant être réalisé en amont, la RCA pose au moins deux difficultés. La première difficulté tient au caractère payant de la RCA. En effet, il s'agit d'un acte qui ne peut être réalisé que devant un notaire, ce qui suppose le paiement d'un émolument fixe de 75,46 euros (Art. A444-84-1 du code de commerce). Le caractère payant de la RCA porte donc atteinte à l'égalité entre les hommes et les femmes qui recourent pareillement à une AMP avec tiers donneur en couple avec une femme qui porte l'enfant. La seconde difficulté tient à la méconnaissance de la RCA comme dispositif dérogatoire. En effet, l'acte notarié doit être réalisé au moment où les femmes consentent à recourir à un tiers donneur, très en amont du parcours d'AMP. Si les CECOS (Centre d'études et de conservation des œufs et du sperme) situés en France informent les femmes à ce sujet, il n'en est pas de même pour les centres situés à l'étranger. Il est donc impossible d'être certain que les couples de femmes aient effectué la reconnaissance conjointe anticipée. L'absence de garantie d'une telle information peut rendre caduque l'établissement de la seconde filiation maternelle, qui ne pourra être établie que par adoption. Aussi, une séparation précoce des deux femmes empêchera la femme qui n'a pas porté l'enfant d'établir son statut de mère. Elle l'alerte donc sur la discrimination des couples de femmes qui recourent à une assistance médicale à la procréation (AMP) avec tiers donneur et lui demande ce qu'il compte mettre en place très rapidement pour y faire face.

Texte de la réponse

L'extension de l'accès à l'assistance médicale à la procréation (AMP) aux couples de femmes et aux femmes non mariées est une mesure phare de la dernière loi relative à la bioéthique. Elle a emporté la création d'un nouveau mode d'établissement de la filiation pour les couples de femmes dans la mesure où, la filiation n'étant pas vraisemblable, elle ne pouvait relever des règles du droit commun du titre VII du livre Ier du code civil. Ce nouveau mode d'établissement de filiation permet, en outre, de sécuriser l'établissement du second lien de filiation maternelle. Par ailleurs, il permet de reconnaître pleinement le projet parental du couple de femme dès lors qu'il s'agit de la seule hypothèse dans laquelle une double filiation maternelle peut être établie à l'égard d'un enfant sans procédure d'adoption. L'ouverture de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées a également conduit à la création d'un nouvel article 6-2 du code civil relatif à l'égalité des filiations qui permet de réaffirmer solennellement et proclamer, au début du code civil, l'égalité des droits entre les enfants, quel que soit le mode d'établissement de leur filiation. En pratique, l'établissement de ce nouveau mode de filiation repose essentiellement sur la volonté des deux femmes qui doivent reconnaître conjointement l'enfant après avoir exprimé leur consentement au recours à l'AMP, devant notaire. Il en résulte que le notaire doit établir deux actes distincts : l'acte de consentement, identique aux couples hétérosexuels, et un acte de reconnaissance conjointe anticipée (RCA). Conformément à l'arrêté du 9 décembre 2021 modifiant les tarifs règlementés des notaires pour l'application de l'article 6 de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique et pour la reconnaissance de paternité ou de maternité prévue à l'article 316 du code civil,  tous les actes de reconnaissance notariés (reconnaissance conjointe anticipée, reconnaissance de paternité ou de maternité faite par acte authentique) donnent lieu à la perception d'un émolument fixe de 75,46 euros. En revanche, le recueil du consentement à l'AMP est exonéré de droits d'enregistrement (125 euros) depuis la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. L'article 26 de la loi de finances pour 2023 a étendu cette exonération au recueil du consentement fait par les couples de femmes et les femmes non mariées par la loi bioéthique et à la reconnaissance conjointe anticipée. L'information des couples de femmes ayant recours à une AMP sur la reconnaissance conjointe anticipée est réalisée par le notaire, au moment du recueil du consentement à l'AMP préalable nécessaire pour les couples qui recourent à une AMP (articles 342-10 et 342-11 du code civil). Depuis la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le notaire est seul compétent pour recueillir le consentement de la femme ou du couple ayant recours à cette technique. Enfin, une circulaire du ministère de la justice du 21 septembre 2021 de présentation des dispositions en matière d'assistance médicale à la procréation issues de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique, accessible sur internet, détaille l'ensemble des dispositions introduites en matière de filiation. Néanmoins, lorsque la situation du couple de femmes ne correspond à aucun des dispositifs mis en place par la loi bioéthique (dispositif pérenne et dispositif transitoire prévu par le IV de l'article 6 de la loi bioéthique pour les couples de femmes ayant réalisé une AMP avec tiers donneur à l'étranger avant l'entrée en vigueur de la loi bioéthique), c'est, en effet, la voie de l'adoption qui est ouverte à la femme n'ayant pas accouché pour établir un lien de filiation à l'égard de l'enfant. Dans le cadre de la loi du 21 février 2022 visant à réformer l'adoption, afin de tenir compte de la situation particulière des couples de femmes qui ont eu recours à une AMP à l'étranger avant l'entrée en vigueur de la loi du 21 août 2021 et qui se sont séparés de manière conflictuelle, un dispositif exceptionnel, applicable jusqu'au 3 août 2024 (soit trois ans à compter de la promulgation de la loi), a été mis en place afin de permettre à l'autre femme d'adopter l'enfant malgré le refus de la femme ayant accouché de recourir à la reconnaissance conjointe prévue par la loi bioéthique.