Situation des infirmières libérales
Question de :
Mme Élise Leboucher
Sarthe (4e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale
Mme Élise Leboucher appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur l'état de la profession des infirmières libérales. Le vendredi 12 mai 2023 ont eu lieu partout en France des manifestations inédites à l'appel du collectif Infirmiers libéraux en colère. Lors d'échanges avec des représentantes sarthoises du collectif, Mme la députée a pu revenir sur les causes de ce profond malaise. Les infirmières libérales (la profession étant majoritairement féminisée) sont toujours en première ligne pour pallier les manques du système de santé et la désertification médicale. Elles dénoncent des rémunérations faibles, avec des clés tarifaires gelées depuis 2009 et une décote des soins. La faiblesse de ces rémunérations s'ajoute au fait que de nombreux actes ne sont pas pris en compte par la nomenclature (NGAP), signifiant que les infirmières libérales effectuent des soins qui ne seront au final pas rémunérés. Si, lors des questions au Gouvernement du 2 mai 2023, M. le ministre a salué le bilan de soins infirmiers (BSI), les infirmières libérales dénoncent un algorithme opaque et des montants de prise en charge qui les poussent à refuser les soins pour les patients lourds. Le quotidien des infirmières libérales est marqué par de multiples déplacements. Cependant, le gel de l'indemnité forfaitaire de déplacement (IFD) à 2,50 euros par trajet, le gel et le plafonnement de l'indemnité kilométrique (IK) ainsi que l'explosion des prix du carburant prennent en tenailles les infirmières libérales dont le pouvoir d'achat est considérablement réduit. Être infirmière libérale, c'est porter régulièrement des patients, faire face à des situations de vie complexes entraînant un stress psychique élevé, subir de fortes amplitudes horaires et effectuer de longs déplacements. Pourtant, les infirmières libérales dénoncent la non-reconnaissance de la pénibilité de leur profession, avec un âge moyen de départ à la retraite qui atteint 67 ans. La profession étant majoritairement féminisée, elle sera donc aussi affectée de manière disproportionnée par la réforme des retraites portée par le Gouvernement. Enfin, l'article 102 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (elle-même imposée par 49-3), qui a mis en place un nouveau mode de calcul par extrapolation du montant des indus et une présomption de fraude, a été perçu comme particulièrement injuste et portant atteinte à l'honneur des professionnelles. Le collectif dénonce l'extension continue des missions confiées aux infirmières libérales, trop souvent utilisées comme variable d'ajustement face à la désertification médicale. Il réclame notamment des actions fortes pour revaloriser les rémunérations et les indemnités de déplacement ainsi qu'une meilleure prise en compte de la pénibilité. Selon le collectif, 60 professionnelles sur 100 envisageraient d'abandonner leur métier dans les cinq ans à venir. Des mesures urgentes s'imposent. Dans ce contexte, elle lui demande les actions envisagées afin de répondre aux attentes du collectif et de la profession, notamment en ce qui concerne la revalorisation des clés tarifaires et des indemnités de déplacement, la suppression de l'article 102 de la loi de financement de sécurité sociale pour 2023 et la reconnaissance de la pénibilité du métier d'infirmière libérale.
Réponse publiée le 11 juillet 2023
Les infirmiers jouent effectivement un rôle essentiel dans notre système de soins notamment auprès des populations fragiles comme les personnes âgées ou les personnes en situation de handicap. Afin de valoriser ce rôle, l'avenant n° 6 signé en 2019 prévoit de nombreuses mesures de revalorisation des missions des infirmiers, dont la création du bilan de soins infirmiers (BSI). Le bilan de soins infirmiers permet une prise en charge forfaitaire des patients dépendants dans l'objectif d'améliorer la qualité des soins. Trois montants forfaitaires sont prévus en fonction de l'état de dépendance du patient (13 euros, 18,2 euros et 28,7 euros). Cet outil a rapidement été intégré dans la pratique des infirmiers et a connu un engouement important. De fait, un nouvel accord financier a été conclu avec l'Assurance maladie : l'avenant n° 8 signé en novembre 2021 a permis un doublement de l'investissement sur le BSI sur la période 2020 à 2024 avec un montant de 217 millions d'euros contre 122 millions prévus dans l'avenant n° 6. Concernant les indemnités kilométriques, l'Assurance maladie a mené des travaux sur les indemnités kilométriques afin d'adapter les modalités de facturation en fonction des spécificités locales notamment en termes d'accès aux soins. Ces travaux ont abouti au protocole d'accord national du 6 mai 2021, annexé à l'avenant n° 8 signé le 9 novembre 2021, prévoyant la possibilité pour les partenaires conventionnels de conclure des accords locaux portant sur les modalités de facturation des indemnités kilométriques. Le ministère de la santé et de la prévention a demandé fin mai 2023 à l'Assurance maladie d'ouvrir des négociations rapides et ciblées avec les infirmiers accompagnant des revalorisations portant sur des actes du quotidien. Celles-ci ont abouti le 16 juin 2023 à la signature d'un accord qui revalorise la prise en charge des patients à domicile. Ce texte acte des revalorisations importantes concernant l'activité des infirmières et infirmiers libéraux intervenant au domicile des patients : augmentation de 10 % de l'indemnité forfaitaire de déplacement ; généralisation, à partir d'octobre 2023, du déploiement du bilan de soins infirmiers (BSI) pour les patients dépendants de moins de 85 ans et suivis par l'infirmier à domicile. Il s'agit ainsi de la dernière étape du déploiement du BSI, qui constitue une réforme majeure en matière de prise en charge des patients dépendants à domicile et reconnaît le rôle essentiel des infirmiers libéraux dans la prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie. Par ailleurs, en tant qu'acteurs majeurs de l'organisation des soins sur le territoire en raison de leur effectif et de leur polyvalence d'exercice, les infirmiers représentent un groupe professionnel sur lequel le ministère chargé de la santé souhaite s'appuyer pour poursuivre les transformations du système de santé en profondeur. La question de l'exercice et des compétences est ainsi centrale dans l'attractivité et la reconnaissance du métier. Si l'évolution de la profession infirmière a fait l'objet d'un parcours long et progressif de reconnaissance, c'est bien la pratique infirmière et sa construction juridique qui sont à reconsidérer pour lui apporter l'agilité indispensable au contexte sanitaire mouvant et exigeant actuel. C'est dans cette perspective que le ministre de la santé et de la prévention a lancé le 26 mai 2023 la refonte du métier infirmier en 3 axes : les compétences : les activités réalisées par les infirmiers et les infirmières étant de plus en plus techniques et diversifiées et les prises en charge de plus en plus complexes, il est désormais nécessaire de passer d'un encadrement strict des actes autorisés à une approche plus agile par grandes missions ; la formation : pour répondre aux besoins de santé de la population, renforcer des disciplines peu enseignées alors qu'essentielles (comme la pédiatrie, la psychiatrie ou la gériatrie) et aux aspirations légitimes de la communauté étudiante, il est nécessaire de repenser les cursus de formation pour les adapter aux besoins locaux, attirer toujours plus de jeunes et renforcer leur accompagnement jusqu'au diplôme ; les carrières : parce que le métier d'infirmier est un métier d'avenir, il nous faut rénover et renforcer les collectifs de travail au sein desquels ils exerceront des compétences élargies, en équipe, et verront leurs expertises reconnues dans une perspective de progression et d'évolution professionnelle.
Auteur : Mme Élise Leboucher
Type de question : Question écrite
Rubrique : Professions de santé
Ministère interrogé : Santé et prévention
Ministère répondant : Santé et prévention
Dates :
Question publiée le 23 mai 2023
Réponse publiée le 11 juillet 2023