Question écrite n° 8395 :
Coût du recours à l'intérim pour l'hôpital public et pour les Ehpad

16e Législature

Question de : Mme Justine Gruet
Jura (3e circonscription) - Les Républicains

Mme Justine Gruet interpelle M. le ministre de la santé et de la prévention concernant le coût du recours à l'intérim pour l'hôpital public et pour les Ehpad pour les années 2021, 2022 ainsi que le montant estimé pour l'année 2023. Les conditions de travail dans les hôpitaux comme dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes sont difficiles. La faible rémunération par rapport à la charge de travail ou encore le manque de temps de repos pousse les professionnels concernés à trouver des solutions plus respectueuses de leur bien-être. Recourir à des missions d'intérim offrait aux professionnels la possibilité de percevoir une rémunération jusqu'à trois fois supérieure à celle d'un praticien hospitalier. Ces missions limitées dans le temps permettaient également d'obtenir des primes de fin de mission ainsi qu'une facilité sur le choix des périodes de vacances. Un choix professionnel et personnel qui s'est largement étendu au point de déstabiliser l'organisation de l'hôpital public déjà en sous-effectif. L'ampleur du phénomène avait conduit les parlementaires à légiférer avec la loi n° 2021-502 du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification est venue plafonner le recours à l'intérim médical. La ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé dénonçait d'ailleurs les nombreux abus. En novembre 2022, « le coût annuel de l'intérim est passé de 500 millions d'euros en 2013 à 1,4 milliard d'euros en 2018 pour l'hôpital public ». Un montant exorbitant dont une partie pourrait permettre de tout simplement mieux rémunérer et considérer les professionnels fidèles à leur établissement. Elle souhaiterait alors connaître le coût du recours à l'intérim pour les années 2021, 2022 ainsi que les prévisions de l'année 2023, dans le secteur de l'hôpital public ainsi que pour les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Réponse publiée le 12 décembre 2023

L'intérim médical revêt plusieurs formes. Il peut s'effectuer dans le cadre de contrats de mise à disposition de praticiens conclus entre l'établissement de santé et une entreprise de travail temporaire, ou de contrats de gré à gré conclus directement entre l'établissement de santé et un praticien ou par le biais d'une entreprise de placement. Outre son impact financier majeur sur les budgets des établissements de santé, un recours dérégulé à l'intérim médical, hors du cadre réglementaire, engendre une déstabilisation des services hospitaliers et des équipes médicales et soignantes susceptible de nuire aux collectifs de travail et à la qualité des soins. La fragilité de la démographie médicale dans certains territoires génère ainsi une tension sur le marché de l'emploi médical et une forte concurrence entre établissements pour l'accès aux ressources humaines médicales rares, favorisant ces pratiques dérégulées. Les dépenses relatives à l'intérim médical au sens strict figurent au compte 62113 de la M21, base de données comptables des établissements publics de santé. Leurs montants s'élèvent à 172 millions en 2021 et 159 millions en 2022. Par ailleurs, les dépenses des contrats de gré à gré figurent dans d'autres comptes de la M21 relatif aux contrats à durée déterminée. Il est impossible de définir précisément le volume de ces dépenses liées à des missions de très courte durée. Dans le secteur médico-social, les dépenses de l'intérim médical et paramédical s'élèvent à 69 millions en 2021 et 100 millions en 2022 (compte 62113 de la M22). La mise en œuvre (depuis le 3 avril 2023) de l'article 33 de la loi Rist du 26 avril 2021, visant à lutter contre les dérives de l'intérim a vocation à remettre de l'équité dans les équipes et les conditions de rémunération des praticiens, à stopper les dérives constatées, compte tenu de la concurrence pouvant exister localement entre établissements pour recruter dans certaines spécialités en tension. Il s'agit également de remettre de l'équilibre dans la gestion des ressources humaines médicales. L'ensemble des fédérations d'établissements de santé, publics et privés, ont signé une charte d'engagement commune en faveur de l'application de ces contrôles (Fédération hospitalière de France, Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés solidaires, Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer, Fédération de l'hospitalisation privée, Fédération nationale des établissements d'hospitalisation à domicile). Des travaux préparatoires à la mise en œuvre de ces contrôles ont été conduits depuis l'automne 2021, au niveau national et régional, en vue d'établir des diagnostics territoriaux par spécialités en lien avec les différents acteurs des territoires. Ces diagnostics territoriaux, réalisés par les agences régionales de santé (ARS), sont régulièrement actualisés depuis le mois de mars 2023. Ils sont suivis de près par les services ministériels et ont permis d'anticiper la mise en œuvre des contrôles et de rechercher des solutions adaptées à chaque territoire pour assurer le maintien de la continuité des soins. Les mesures de contrôle, mises en place dans le cadre de l'application de cet article 33, se sont accompagnées de mesures d'attractivité vis-à-vis des praticiens. Ainsi, en décembre 2021, une prime de solidarité territoriale (PST) visant à encourager les remplacements de praticiens entre établissements publics de santé au-delà de leurs obligations de service par la mutualisation des ressources humaines médicales à l'échelle d'un territoire a été créée. Elle permet par exemple de rémunérer environ 1 700 € brut un praticien qui réaliserait 24h de travail un dimanche dans un autre établissement. Ce dispositif a été revalorisé et assoupli pour faciliter son accès. Désormais, le directeur général de l'ARS peut majorer ces montants dans la limite de 30 %. Ces mesures visent donc à accompagner les établissements dans une période de tension sur l'offre de soins et à soutenir les professionnels des établissements publics de santé. Elles ont été complétées par les mesures annoncées en août 2023 par la Première ministre, concernant la revalorisation des indemnités de travail de nuit, de dimanches et jours fériés pour le personnel non-médical, et des gardes et des astreintes pour le personnel médical. L'application de la loi doit permettre de poursuivre la réflexion sur les enjeux d'attractivité et de fidélisation des personnels médicaux, conformément aux annonces du Président de la République lors de ses vœux aux soignants en janvier 2023, en se concentrant sur les enjeux de permanence de soins, de l'évolution des carrières hospitalières et d'amélioration des conditions de travail des praticiens.

Données clés

Auteur : Mme Justine Gruet

Type de question : Question écrite

Rubrique : Établissements de santé

Ministère interrogé : Santé et prévention

Ministère répondant : Santé et prévention

Dates :
Question publiée le 30 mai 2023
Réponse publiée le 12 décembre 2023

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